126 mètres trop éloignées de Gaza, ces villes privées de l’aide de l’État post-7 octobre
Alors que leurs voisins perçoivent des fonds de l'Autorité Tekuma, quatre moshavim souffrent des mêmes effets de la guerre, mais sans aucun soutien

Il y a cinq minutes de route entre les moshavim Mivtahim et Talmei Eliyahu, situés dans le sud d’Israël.
Tous deux sont situés à l’est de la Route 232, l’unique route pavée qui permet d’y accéder, au sein d’un groupe de sept coopératives agricoles appelé le groupe Tzohar, qui est placé sous l’autorité régionale d’Eshkol.
Les habitants de ces sept villages utilisent les mêmes services publics et leurs enfants fréquentent les mêmes écoles.
Cependant, des décisions prises par le gouvernement en 2004 ont créé un environnement juridique inégal en décidant d’octroyer une aide spéciale aux communautés situées à moins de sept kilomètres de la zone de « l’enveloppe de Gaza » – la région connue en hébreu sous le nom d’Otef Azza.
Parce qu’ils se trouvent à l’intérieur de ce périmètre, les résidents de Mivtahim, comme ceux de Yesha ou d’Amioz, ont depuis longtemps droit à certains avantages comme, par exemple, une taxation foncière réduite et des subventions pour les garderies (en fonction des revenus). Depuis la guerre de Gaza en 2014, toutes les maisons de Mivtahim ont un mamad – abri anti-atomique.
En revanche, à Talmei Eliyahu, Sde Nitzan, Ohad ou Tzohar, les maisons les plus proches de la frontière de Gaza se trouvent à 7 126 mètres – soit 126 mètres trop à l’est pour être éligibles aux aides. À Talmei Eliyahu, seul un quart des maisons ont un mamad.

Mivtahim est supposé recevoir des millions de shekels d’aide de la part de l’Autorité Tekuma (« Renaissance ») – l’agence publique chargée de la réhabilitation de la zone frontalière de Gaza suite au pogrom commis par le groupe terroriste palestinien du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023, qui a coûté la vie à plus de 1 200 personnes et au cours duquel 251 otages ont été enlevés et emmenés de force dans la bande de Gaza.
À l’inverse, la ville voisine de Talmei Eliyahu ne touchera rien.
La délimitation originale, qui était fixée à sept kilomètres, était supposée correspondre à la portée des projectiles tirés depuis Gaza.
Dès avant le 7 octobre, des missiles avaient touché et gravement endommagé Talmei Eliyahu, a expliqué Shlomit Plotkin Ben-Zaken, qui représente les coopératives frontalières de Gaza au sein du mouvement Moshavim, une organisation de coordination des villages coopératifs en Israël.

Lors de la mise en place de l’Autorité Tekuma, chargée de la reconstruction des communautés les plus touchées par le pogrom, l’État « a simplement repris les anciens critères : c’était ce qu’il y avait de plus facile à faire », a déclaré Plotkin Ben-Zaken.
Batailles rangées
En venant de la Route 232, les routes intérieures du groupe Tzohar desservent Yesha puis Amioz et enfin Mivtahim.
Le 7 octobre, les terroristes du Hamas se sont livrés à des batailles rangées contre les habitants au carrefour qui mène au hameau et ont réussi à s’infiltrer dans Mivtahim, où ils ont occupé deux maisons.

Le village ne disposait que de cinq armes fournies par l’armée israélienne, dont une, rangée dans une armurerie fermée à clef.
Gil Avital, Lior Ben Yaakov, Itay Nachmias, Tal Maman et Dan Asulin, tous membres des équipes de sécurité de Mivtahim et de Yesha, ont été tués lors de ces violentes fusillades.
Leur bravoure a sauvé la vie des habitants de Talmei Eliyahu dont les trois membres de l’équipe de sécurité, équipés d’armes fournies par Tsahal, ont bloqué la porte principale du village avec leurs voitures et gardé la communauté pendant 23 heures, jusqu’à l’arrivée d’un petit contingent de soldats. Des roquettes tirées depuis Gaza ont tué deux ouvriers agricoles thaïlandais et en ont grièvement blessé un.
Au-delà des victimes des combats, Mivtahim a perdu deux des siens – Chen Ben Avi et Dor Nachum – qui ont été assassinés en tentant de fuir le festival de musique Supernova, près du kibboutz Reïm. Trois autres membres du moshav y ont également été tués.

Les habitants de tout le quartier ont été pris au piège lorsque les terroristes du Hamas ont pris le contrôle de la Route 232. La secrétaire de Talmei Eliyahu, Ronit Ben Romano, se souvient avoir récupéré des couteaux dans sa cuisine pour protéger quatre familles qui se cachaient dans son abri.
Tsahal avait fait retirer les armes de Mivtahim dix-huit mois avant le 7 octobre et celles de Talmei Eliyahu dix jours avant, craignant qu’elles ne soient volées.
Immédiatement après ce carnage, des milliers d’ouvriers agricoles thaïlandais sont rentrés chez eux, laissant les agriculteurs de toute la région dépendre de bénévoles.
Des projets d’expansion

Avant le 7 octobre, les deux villages avaient des projets d’expansion ambitieux.
Talmei Eliyahu espérait doubler le nombre de familles, pour passer de 60 à 120. Elle commencera bientôt à mettre en vente les parcelles de terre qu’elle avait réservées à cet effet.
Mivtahim, qui compte 150 familles, disposait déjà de 92 parcelles prêtes à être aménagées, qui avaient toutes été « raflées en trois mois », selon Galil Nachum, chef du comité du village coopératif. « Nous allions commencer à construire après les fêtes du Nouvel an juif [2023] », a-t-il déclaré, soit juste après le début de la guerre.
Quatre familles souhaitent toujours construire à Mivtahim. Quatre autres ont cependant renoncé et les dernières n’ont pas encore pris de décision.

Après l’évacuation des habitants à la suite du pogrom perpétré par le Hamas, de nombreux hommes des communautés de la région sont rapidement retournés sur leurs fermes pour travailler et monter la garde, tandis que leurs femmes et leurs enfants sont restés dans les logements temporaires mis à leur disposition ailleurs.
Liraz Assor, une employée de la municipalité de Mivtahim qui appartient à l’une des quatre familles encore engagées dans le développement immobilier d’un terrain, a décrit plusieurs cas où les hommes n’ont pas réussi à convaincre leurs épouses de revenir.
« Vivre séparément de cette manière a entraîné de nombreux divorces », a précisé Assor.
Mivtahim, Yesha et Amioz devraient bénéficier d’une partie des 14 milliards de shekels que le gouvernement a promis à l’Autorité Tekuma sur cinq ans pour réhabiliter la ville de Sderot et les 46 communautés rurales situées dans un rayon de sept kilomètres de la bande de Gaza.

L’année dernière, le conseil d’administration a budgété 1,13 milliard de shekels pour l’éducation, la santé, la protection sociale, la culture, la jeunesse, etc., selon son dernier rapport, couvrant la période d’avril à septembre 2024. 431 millions de shekels supplémentaires devaient être consacrés à l’agriculture, 67 millions de shekels au tourisme et 29 millions de shekels à la relance de l’économie, des entreprises et de l’emploi au niveau régional. 856 millions de shekels supplémentaires ont été affectés à l’amélioration de la sécurité des communautés, qui devrait être achevée d’ici la fin du mois prochain.
Comme les autres agriculteurs situés dans un rayon de sept kilomètres, les habitants de Mivtahim pourront bénéficier de subventions pour remplacer des équipements tels que les tracteurs. De nouveaux plans de zonage leur permettront de construire des installations telles que des stations de conditionnement, en plus des maraîchères et des serres qui caractérisent ce groupe de moshavim.
Seize mois après le carnage, le défi de la reconstruction des communautés est de taille, selon Ben Romano et Assor.
Assor est désormais payée par l’État pour travailler en tant que coordinatrice communautaire. Alors que ce poste est généralement rémunéré dans les kibboutzim, qui fonctionnent comme des communautés structurées, il était généralement occupé par un bénévole dans les moshavim.

Ben Romano ne reçoit pas de salaire de l’État et coordonne volontairement les résidents de Talmei Eliyahu pendant que le mouvement Moshavim tente de collecter des fonds pour un poste rémunéré. Elle a perdu quatre mois de travail à l’Université Ben Gurion immédiatement après le 7 octobre, période pendant laquelle elle a rendu visite aux résidents évacués et les a soutenus, a déterminé leurs besoins et s’est occupée de la bureaucratie de l’État tout en s’occupant de sa famille. Elle et deux de ses trois enfants consultent régulièrement un psychologue. Comme ils n’ont pas été reconnus comme victimes du terrorisme, ils doivent payer leurs consultations eux-mêmes .
Les deux moshavim font état de difficultés économiques et d’agriculteurs qui ont fait faillite, mais les indemnités, lorsqu’elles arriveront enfin, ne seront disponibles que pour Mivtahim.

Nachum a déclaré que l’Autorité Tekuma avait promis à Mivtahim 16 millions de shekels sur cinq ans pour ses besoins matériels. Le moshav a déjà signé un contrat pour la construction d’une immense aire de jeux.
Ben Romano, qui estime que l’aide devrait être accordée en fonction du préjudice subi, ou du moins être distribuée par l’autorité locale, a tenté de convaincre tout le monde, du directeur du cabinet du Premier ministre et de plusieurs ministres au président de la commission des Finances de la Knesset, de l’injustice de la situation. Tout le monde a fait preuve d’empathie, a-t-elle déclaré, mais jusqu’à présent, rien n’a changé.

Elle a donc estimé qu’elle n’avait d’autre choix que de saisir la Haute Cour au nom des quatre moshavim situés au-delà de la frontière. Après avoir obtenu plusieurs reports, l’État a été sommé de répondre avant le 2 mars.
Ben Romano a déclaré qu’elle craignait que les lacunes dans le financement n’affectent l’intérêt pour les nouveaux terrains à bâtir de Talmei Eliayu et que les agriculteurs situés au-delà de la ligne des sept kilomètres aient du mal à concurrencer leurs voisins situés à l’intérieur de cette ligne en raison des coûts très différents.
« Les gens s’accrochent à tout prix », a-t-elle ajouté.

Amit Ifrach, secrétaire général du mouvement Moshavim et président de l’Association des agriculteurs israéliens, a déclaré que le mouvement travaillait avec la Knesset, le gouvernement et l’Autorité Tekuma, ainsi qu’avec des donateurs, pour s’assurer que toutes les communautés situées à proximité de Gaza reçoivent un soutien équitable.
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