Selon le contrôleur de l’État, 3 millions d’Israéliens souffrent de traumatismes depuis le 7 octobre
Engelman reproche au ministère de la Santé d'avoir "épuisé " le système de santé ; Le ministre de la Santé, Uriel Buso, annonce le doublement des services de santé mentale

Dans son rapport sur le système de santé mentale, le contrôleur de l’État, Matanyahu Engelman, explique que depuis le pogrom commis le 7 octobre par le Hamas et la guerre qui s’en est suivie, près de 3 millions d’adultes souffrent ou ont souffert d’anxiété, de dépression et de symptômes de troubles de stress post-traumatique.
« Le système de santé mentale, qui ne fonctionnait déjà pas très bien avant le 7 octobre, s’est totalement effondré lors des tout premiers jours de la guerre », a déclaré Engelman.
Selon le rapport, publié mardi, dans les six premiers mois qui ont suivi l’attaque du 7 octobre, seuls 0,6 % de la population ont eu accès à des soins de santé mentale via des organisations de gestion de la santé (HMO) ou de centres de résilience, et ce alors même que 38 % de la population se plaignait de symptômes d’une gravité allant de modérée à sévère.
« J’ai mis en garde contre les risques en matière de soins de santé mentale dans une lettre adressée au Premier ministre environ un mois après le pogrom », a écrit Engelman, « mais les problèmes n’ont pas tous été réglés. »
Selon les conclusions du rapport, près de 580 000 Israéliens souffrent d’au moins un symptôme de stress post-traumatique à un niveau grave, conséquence directe des événements du 7 octobre et des événements qui ont suivi.
L’enquête a été menée par le contrôleur de l’État en avril 2024, soit six mois après le début de la guerre, le 7 octobre, jour où des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont envahi Israël pour y tuer près de 1 200 personnes et faire 251 otages.
Engelman a précisé avoir présenté ses premières conclusions au Premier ministre le 13 novembre 2023, après s’être rendu sur place, dans les zones de conflit du sud et du nord du pays, dans les tout premiers temps qui ont suivi le massacre et le tout début de la guerre.

Il a reproché au ministre de la Santé, Uriel Buso, et au directeur général du ministère, Moshe Bar Siman-Tov, de ne pas avoir adapté le système de santé mentale pour lui permettre de faire face aux circonstances d’une guerre et d’autres événements traumatisants, malgré une première recommandation de l’Autorité nationale de gestion des urgences dès 2001.
Depuis le début de la guerre et l’évacuation de milliers d’Israéliens, le système de santé mentale n’a pas correctement pris en charge les évacués, estime Engelman.
Le système a fonctionné « sans vision structurée des choses, en plus d’initiatives bénévoles, sans continuité des traitements ou documentaire », a déclaré Engelman.

Sur l’échantillon de 1 010 adultes examiné par le contrôleur, un tiers a fait état d’un trouble de stress post-traumatique modéré ou grave ou de symptômes de dépression. Un cinquième environ a signalé des symptômes d’anxiété.
Selon cette même enquête, ce ne sont pas moins de 900 000 personnes qui auront besoin d’aide pour des problèmes de santé mentale à l’avenir.
Pour l’heure, le rapport explique que depuis le pogrom, les fonds et centres de santé n’ont traité que moins d’un pour cent de la population.
Pourquoi les Israéliens ne demandent-ils pas l’aide de professionnels ?
Selon l’enquête, une partie importante des personnes touchées par des TSPT, de l’anxiété ou de la dépression hésitent à demander de l’aide ou un traitement : 17 % des personnes interrogées ont des doutes sur la confidentialité des informations et 5 % disent ne pas avoir trouvé de thérapeute approprié. Les 16 % qui, dans l’échantillon, présentent des symptômes modérés à graves, assurent que s’ils n’ont pas encore fait de démarches pour se faire soigner, ils souhaitent le faire.
Le motif le plus important est le refus d’attendre – en moyenne six mois – pour bénéficier d’un traitement.
« Il est impensable que les gens doivent attendre six mois pour voir un psychiatre dans le cadre d’une compagnie d’assurance maladie », estime Engelman.
« L’absence de traitement, pour un si grand nombre de personnes présentant des symptômes, peut conduire à des maladies chroniques et un déclin fonctionnel », indique le rapport.

Engelman explique qu’en raison d’une pénurie de main-d’œuvre, l’offre de soin des HMO et centres de résilience est insuffisant pour répondre à la demande. Par exemple, sur les 10 500 enfants évacués de Sderot, seuls 440 (4 %) ont été pris en charge. Du côté des adultes, au 24 mars dernier, seuls 11 % des évacués des communautés du sud et du nord ont reçu des soins de santé mentale de la part de fonds de santé et centres de résilience.
L’audit révèle par ailleurs qu’un pour cent (1 %) seulement des survivants du massacre du festival Nova ont été pris en charge par des centres de résilience ou des HMO, et ce malgré les conclusions d’une enquête montrant que les victimes ou proches de victimes d’événements traumatisants présentent deux fois plus de symptômes de santé mentale que les autres.
Par ailleurs, 13 % seulement des bénévoles de l’organisation ZAKA, qui, le 7 octobre et les semaines suivantes, ont nettoyé les scènes des massacres et fait en sorte d’identifier les restes humains, ont été pris en charge par le système de santé publique.

Buso a réagi en disant que les événements du 7 octobre étaient sans précédent et que « des dizaines de milliers d’Israéliens avaient, d’une manière ou d’une autre, immédiatement été pris en charge par des professionnels de santé mentale dans le cadre du système de santé, dans un contexte meutrier absolument sans précédent ».
La santé mentale « est au cœur des priorités du système de santé » depuis les tput premiers jours de la guerre, a déclaré le ministre de la Santé.
« Toute auto-évaluation est fatalement erronée », a-t-il ajouté, « et impuissante à mesurer le nombre de personnes à prendre en charge au niveau de la santé mentale. C’est par ailleurs de nature à causer de vrais dégâts et répandre l’idée, au sein du grand public, d’une incapacité à prendre en charge la détresse psychologique. »
Le professeur Jonathan Huppert, chef du Centre de réhabilitation suite à des traumatismes, dans le Servicede psychologie de l’Université hébraïque de Jérusalem, est d’accord.
« Le rapport s’appuie en totalité sur une auto-évaluation menée au plus fort de la guerre, en avril 2024, pour inférer le volume de population avec des besoin de services en santé mentale », explique Huppert.

M. Buso a ajouté que le ministère s’était fixé pour objectif de doubler les services de santé mentale disponibles afin de répondre aux besoins nés des événements du 7 octobre et de la guerre, dans le respect des ressources publiques allouées au système de santé.
En dépit du très fort besoin en soins de santé mentale depuis les récents événements, tout le monde s’accorde à dire que toutes les personnes victimes de détresse émotionnelle n’auront pas besoin d’un traitement de santé mentale, ajoute Buso.
« Il est probable qu’une fois tout ceci terminé, les gens pourront entamer le processus naturel de rétablissement, sans forcément avoir besoin d’une thérapie », estime Huppert. « Quel pourcentage ? C’est une bonne question. »
Cependant, dit-il, « il est impossible de passer à autre chose a cause de l’énormité de l’événement. Nous n’en sommes pas encore là. Nous sommes toujours en train de gérer le traumatisme… Nous sommes toujours traumatisés. »