« Nous avons tous échoué » : Les funérailles de Hersh Goldberg-Polin marquées par le chagrin
Des milliers de personnes ont assisté à l'enterrement de l'Israélo-américain devenu un symbole dans la bataille pour les otages, et exécuté par ses ravisseurs du Hamas avec cinq autres captifs
Des centaines de personnes se sont rassemblées lundi devant le cimetière Har Hamenouhot à Jérusalem pour les funérailles de Hersh Goldberg-Polin, otage israélo-américain retrouvé mort dans la bande de Gaza et devenu l’un des visages les plus connus des captifs.
L’armée israélienne a annoncé dimanche avoir découvert sa dépouille dans un tunnel du sud du territoire palestinien, aux côtés de cinq autres otages – Carmel Gat, Eden Yerushalmi, Alexander Lobanov, Almog Sarusi, et Ori Danino – enlevés lors de l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël.
« Hersh, j’ai besoin que tu nous aides à rester forts, que tu nous aides à survivre », a déclaré sa mère, Rachel Goldberg-Polin, devant la foule.
À l’instar de son époux Jonathan et de leurs deux autres enfants, elle portait un autocollant marqué du nombre de jours écoulés depuis le 7 octobre : 332.
Poursuivant à l’adresse de son fils, Mme Goldberg-Polin a dit « prier » pour « un tournant dans cette horrible situation dans laquelle nous sommes tous empêtrés ».
Elle a ajouté que ce fut un privilège de l’avoir comme fils.
« J’ai eu beaucoup de temps pour penser à mon cher garçon Hersh au cours des 332 derniers jours, et une chose à laquelle je ne cesse de penser est que, parmi toutes les mères du monde entier, Dieu a choisi de me donner Hersh », a dit Rachel Goldberg-Polin. « Qu’ai-je fait dans une vie antérieure pour mériter un si beau cadeau. »
« Maintenant, je n’ai plus à m’inquiéter pour toi, tu n’es plus en danger. Tu es avec le bel Aner. J’espère qu’il te fera visiter les lieux », a-t-elle dit, faisant référence au meilleur ami de son fils, Aner Shapira, qui a été tué le 7 octobre alors qu’il lançait des grenades depuis un abri antiaérien pour sauver ceux qui s’y trouvaient cachés.
Elle a également demandé à son fils de lui pardonner de ne pas avoir pu le sauver. « Je te demande pardon. Si jamais j’ai été impatiente ou insensible envers toi au cours de ta vie, ou si je t’ai négligé d’une manière ou d’une autre, je te demande profondément et sincèrement pardon, Hersh. S’il y avait quelque chose que nous aurions pu faire pour te sauver et à laquelle nous n’avons pas pensé, je te demande pardon. Nous avons essayé si dur, si profondément et désespérément. Je suis désolée », a-t-elle dit.
« Maintenant, mon Hersh, je te demande ton aide, alors que nous transformons notre espoir en chagrin dans cette nouvelle forme de douleur inconnue. Je t’en prie, Hersh, fais ce que tu peux pour que ta vie brille » sur toute la famille. « Aide-nous à nous couvrir de courage et de résilience. Aide-nous à nous relever. »
« Je prie pour que ta mort soit un tournant dans cette horrible situation dans laquelle nous nous trouvons », a-t-elle dit, ajoutant qu’elle trouvait du réconfort en pensant qu’il était avec d’autres otages au moment de sa mort.
« Mon chéri, pars maintenant pour ton voyage. J’espère qu’il sera aussi bon que les voyages dont tu as rêvé », a-t-elle dit.
« Parce que finalement, mon cher, enfin, enfin, enfin, enfin, tu es LIBRE. Je t’aimerai et tu me manqueras chaque jour », a-t-elle dit.
Elle a également remercié ses voisins et sa communauté pour le soutien qu’ils lui ont apporté, affirmant que sa famille aurait désormais besoin d’encore plus d’aide dans la période à venir pour faire face à son deuil.
« Je sais que tu es là », a-t-elle dit en s’adressant à Hersh. « J’ai juste besoin d’apprendre à te ressentir d’une manière différente. »
S’adressant à son fils, le père de Hersh Goldberg-Polin a lui dit aux personnes rassemblées lors de ses funérailles que « nous t’avons laissé tomber ».
« Hersh, nous avons tous échoué. Nous avons tous échoué. Tu n’aurais pas échoué », a dit Jonathan Polin. « Tu aurais fait davantage pression pour la justice. Tu aurais travaillé pour comprendre l’autre, pour combler les différences. Tu aurais confronté davantage de personnes pour remettre en question leur propre façon de penser. »
« Et ce que tu aurais fait maintenant, c’est de faire en sorte que ta mort, la mort de tous les soldats et de tant de civils innocents, ne soit pas vaine », a dit Polin.
« Ton point de départ, ce serait de ramener tous les otages », a dit Polin.
« Pendant 330 jours, maman et moi n’avons ménagé aucun effort pour te sauver. Peut-être, juste peut-être, ta mort est l’ultime effort qui ramènera chez eux les 101 otages restants », a-t-il dit.
« Tu continuerais à faire pression pour que l’on repense cette région. Tu as dit que nous devions prendre le risque de suivre une voie qui pourrait mettre fin aux cycles de violence en cours », a dit Polin.
Le père en deuil dit que son fils aurait poussé chaque décideur à se demander si toutes ses décisions menaient à un avenir meilleur, et à se retirer si ce n’était pas le cas.
Il a également expliqué que son fils croyait en la justice sociale et qu’il était désormais un symbole mondial de la nécessité d’un changement dans le monde, « cherchant toujours à comprendre l’autre, et toujours avec dignité et respect ».
« Les 23 années de vie que nous avons passées avec toi ont été une bénédiction. Nous allons maintenant travailler pour que ton héritage soit une bénédiction. Tu étais vraiment un homme formidable, je t’aime », a conclu Polin.
« Je ne le connaissais pas personnellement mais cette année, voir son visage partout et ce qu’il représentait – la liberté, l’amour et l’unité – nous a donné l’impression de le connaître », a confié à l’AFP Alon Kremer, directeur du club de football Hapoel Jerusalem, que soutenait Hersh Goldberg-Polin.
Comme beaucoup dans la foule compacte, M. Kremer portait un tee-shirt rouge aux couleurs de l’équipe.
Le visage du jeune Hersh, affiché sur ces tee-shirts rouges, était également visible depuis des mois dans de nombreuses villes, en Israël comme à l’étranger.
Âgé de 23 ans, Hersh Goldberg-Polin se trouvait au festival de musique Nova le 7 octobre avec trois amis lorsque l’attaque a commencé.
Il s’est réfugié dans un abri en bord de route. Deux de ses amis ont été tués, lui a été capturé blessé. Sur des images de vidéosurveillance, on le voit amputé de la main gauche.
Les larmes aux yeux, Jean-Marc Liling, 52 ans, avocat et ami de la famille, explique à l’AFP qu’il avait « cru qu’Hersh reviendrait en vie ».
Les funérailles coïncident avec une grève générale à l’appel de la centrale syndicale israélienne Histadrout, pour accroître la pression sur le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu afin d’obtenir la libération des otages toujours retenus à Gaza.
Le président israélien, Isaac Herzog, a pris la parole au début de l’hommage, à la demande de la famille.
« Très cher Hersh, c’est le cœur déchiré et brisé que je me tiens ici aujourd’hui, en tant que président de l’État d’Israël, pour te dire adieu et te demander pardon, de ta part, de la part du Carmel, de la part d’Eden, de la part d’Almog, de la part d’Alex, de la part d’Ori et de la part de tous ceux qui t’aiment », a-t-il déclaré.
« En tant qu’être humain, en tant que père et en tant que président de l’Etat d’Israël, je tiens à dire à quel point je suis désolé », a-t-il déclaré.
« Je regrette que nous n’ayons pas protégé Hersh en ce jour sombre. Combien je suis désolé que nous n’ayons pas réussi à le ramener à la maison. »
« Pardon de ne pas t’avoir ramené chez toi sain et sauf. Pardon que ce pays dans lequel tu vivais depuis tes 7 ans, drapé dans son drapeau, n’ait pas réussi à te protéger », a déclaré Herzog dans son discours.
« Je m’excuse au nom de l’État d’Israël de n’avoir pas su vous protéger lors de la terrible catastrophe du 7 octobre, de n’avoir pas su vous ramener sains et saufs à la maison », a ajouté le président, rappelant que le jour du jeûne juif de Tisha B’Av, lui et les Goldberg-Polin avaient « prié à la résidence du président pour votre retour, ainsi que celui de tous les otages ».
« Et maintenant, notre cœur, déjà brisé, explose en mille morceaux ».
« Nous avons maintenant devant nous une tâche urgente, immédiate. Les autorités doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir, avec détermination et courage, pour sauver ceux qui peuvent encore l’être, et ramener ceux et celles qui sont nos fils, nos filles, nos frères et nos sœurs », a-t-il dit.
Au milieu de très nombreux drapeaux israéliens, le mot « Pardon » était inscrit sur les vêtements ou les pancartes de personnes endeuillées.
Hersh Goldberg-Polin faisait partie des 251 personnes enlevées le 7 octobre lors de l’attaque du groupe terroriste du Hamas, qui a déclenché la guerre en cours à Gaza.
Actuellement, 97 otages sont toujours retenus à Gaza, dont 33 ont été déclarés morts par l’armée.
Le couple Goldberg-Polin est devenus le couple de parents d’otages les plus en vue sur la scène internationale. Au cours de leur lutte désespérée pour la libération de leur fils, ils ont rencontré le président américain Joe Biden, le pape François et d’autres personnalités. Ils se sont également adressés aux Nations unies et à la Convention nationale du parti démocrate, demandant instamment la libération de tous les otages.