Une forte dose de talent pour la saveur du romanesque, une grande quantité de recherches pour la précision historique, deux traits de glamour et de luxe pour le décor et l’atmosphère : cocktail parfaitement réussi par Philippe Collin qui signe Le barman du Ritz, un roman passionnant (et édifiant) sur un symbole de l’Occupation et son barman vedette, Frank Meier, juif né en Autriche en 1884. Un succès d’édition amplement mérité.
Juin 1940 : les Allemands entrent dans Paris. Si le couvre-feu est partout de rigueur, un lieu résiste… À sa façon.
Pendant que la Capitale, dont les ministères ont brûlé leurs dossiers, s’enfonce dans le silence, le froid et la faim, que fleurissent les pancartes « Interdit aux Juifs » ou Jüdisches Geschäft [Entreprise juive] et que s’annoncent le statut définissant la « race juive », les rafles, les déportations et les spoliations, le grand hôtel du Ritz, nouvellement « résidence du gouverneur militaire en France », affiche complet et fait découvrir à l’occupant les doux plaisirs de l’art de vivre à la française.
Derrière le comptoir lustré du bar du palace, le plus grand barman du monde, veste blanche et cravate noire, s’affaire à concocter ses inégalables breuvages. Ses clients : des officiers de la Wehrmacht, des hommes de la Gestapo, des collabos, des petites frappes, nouveaux riches profiteurs de guerre et quelques célébrités trinquant – et plus si affinités – avec les nouveaux maîtres des lieux. Le morphinomane Göring y prendra ses quartiers dans la suite impériale.
Qui pourrait alors imaginer que Frank Meier, légende du luxe adulée par les plus fins buveurs d’Europe et d’Amérique – où il a débuté – est le fils d’un tisserand juif de Lodz et d’une fille de rabbin hongrois ayant fui les pogroms en rejoignant les montagnes du Tyrol ?
A travers son destin, Philippe Collin restitue cette époque troublée, surprenant cocktail de manipulation, de compromission, de lâcheté, de courage, de tentation et d’accommodements.
Le Times of Israel lui a posé quelques questions sur ce personnage pour le moins ambigu sorti d’un pan oublié de l’histoire grâce à son formidable roman qui (l’auteur l’a appris le jour de l’entretien) va être publié en hébreu.
The Times of Israel : Pourquoi avoir consacré un livre à Frank Meier ?
Philippe Collin : C’est une longue histoire ! Je suis arrivé à Paris en 1998, j’avais vingt-trois ans, je venais d’un milieu modeste et assez éloigné des cercles culturels. J’avais lu et adoré ‘Paris est une fête’ d’Hemingway. J’y avais perçu la fascination de l’auteur pour le Ritz qu’il n’avait alors pas les moyens de s’offrir et où vivait Francis Scott Fitzgerald.
Moi-même, en arrivant à Paris, j’avais eu très envie de voir à quoi ressemblait ce Ritz, mais je n’avais pas osé y entrer. Je ressentais comme une sorte d’interdit social… Et puis en 2002, alors que je programmais tous les soirs une émission sur France Inter, l’artiste japonaise Yoko Ono (ndlr épouse de John Lenon) m’accorde une interview. Mais, me dit-on, c’est une star mondiale qui ne se déplace pas à la radio, il faut venir l’enregistrer… au Ritz, où elle est descendue ! Me voilà donc entrant avec bonheur dans le palace, avec ma légitimité professionnelle en bandoulière. Après l’interview, je suis resté dans l’hôtel, pour aller boire un verre au bar. Et là, j’ai été fasciné, moi aussi, par ce lieu hanté par les fantômes du XXe siècle.
J’y suis revenu plusieurs fois, surtout le dimanche soir où il y a moins de monde et où il est possible de discuter avec les serveurs. C’est Colin Field, le grand barman du Ritz pendant trente ans, qui m’a parlé de Frank Meier, sorte de totem pour les barmen du monde du luxe, notamment ceux du Ritz. J’ai été captivé par ce qu’il m’a dit de ce personnage, autant par sa vie fascinante que par la façon dont son cheminement social me faisait un peu penser au mien.
Et puis je l’imaginais dans cet entre-deux guerres, créant ce lieu magique, inédit, cosmopolite, joyeux, distingué, élégant. J’ai commencé à me documenter sur lui : coupures de presse, bouts de journaux intimes, correspondances, dossiers militaires…. Cela fait vingt ans que je « vis » avec Frank Meier. Quiconque a expérimenté ce que l’on appelle de nos jours un « transfuge de classe » est sensible à ceux qui ont emprunté le même chemin. Pour ma part, je suis très sensible à celui de Frank.
Vos études d’histoire, portant sur l’épuration des collaborateurs à la Libération, n’ont-elles pas contribué à vous rapprocher de Frank Meier ?
Bien sûr, je me suis demandé ce qu’il s’était passé au Ritz entre 1940 et 1944. J’ai amassé une grande quantité de documentation et il y a maintenant sept ans, je me suis posé la question de savoir ce que j’allais faire de toute cette matière. J’ai eu le désir d’en faire un récit romanesque et historique. Il m’a fallu pour cela étendre mes recherches à toute une galerie de personnages très divers, aussi bien Marie-Louise Ritz que Hermann Goëring, Blanche Auzello ou Hans Elmiger… qui gravitaient autour du Ritz, ce lieu parisien un peu étrange qui méritait lui aussi une enquête. J’ai commencé à écrire ce livre il y a quatre ans. Vous voyez, c’est une longue histoire…
Ne partagez-vous pas avec Frank Meier la même fascination pour deux femmes qui traversent majestueusement le livre, de ces beautés fatales que l’on voit dans les films d’époque ? L’une d’elles, Blanche Auzello, née Rubinstein, est décrite comme « une princesse en exil » au « regard ténébreux » et « aux jambes longues comme un soir d’été ». N’est-ce pas ce que Frank Meier aurait pu écrire ?
C’est un point difficile à documenter mais je peux affirmer qu’il y a une fascination évidente de Frank Meier pour Blanche Auzello, new-yorkaise juive d’origine allemande qui vient s’installer à Paris où elle mène une vie de femme libre. Je suis à mon tour fasciné par elle, par sa dimension énigmatique mais aussi par son courage. C’est une femme d’une bravoure hors-norme, assortie d’une forme d’inconscience. Ce que je raconte à propos de Blanche est documenté : pour elle, dès le départ, l’Occupation est insupportable et elle fait tout pour s’y opposer. Je lui dédie le livre. Frank était amoureux de Blanche. Je pense être amoureux de Blanche.
Les femmes présentes dans ce livre sont majoritairement fortes, chacune dans son genre : la délicate et courageuse Blanche Auzello, la mystérieuse allemande Inga Haag, la rutilante et provocatrice russe Lily Kharmayeff et dans un autre registre la veuve Ritz, propriétaire de l’hôtel qui verse dans le nationalisme et l’antisémitisme…
Blanche Auzello et Marie-Louise Ritz ont des parcours qui, par certains côtés, sont similaires. Ce sont des parvenues qui ont transcendé leur situation modeste et qui se sont forgé un destin. Elles sont radicalement opposées mais toutes deux courageuses. En dépit de son orientation politique et son opportunisme, il faut reconnaître à Marie-Louise Ritz un certain courage. Ces deux femmes pourraient se ressembler, voire être presque complices et pourtant, elles ne se rejoignent jamais et sont ennemies. Leur duel raconte aussi quelque chose du Ritz dont l’ouverture en 1898 Place Vendôme était très attendue par la haute bourgeoisie parisienne, plutôt de droite, conservatrice, réactionnaire, voire antisémite, impatiente de découvrir ce lieu de raffinement, de modernité et de richesse. Mais, dans cette affaire, il y avait un petit hic : César Ritz, le fondateur, avait pour associé Auguste Escoffier, le grand cuisinier français dont la maîtresse n’était autre que l’illustre Sarah Bernhardt laquelle, en pleine affaire Dreyfus, organisait des rencontres dreyfusardes dans les salons du Ritz. Deux lignes de fracture se sont installées : le Ritz est devenu le théâtre d’un affrontement entre une ligne réactionnaire conservatrice, voire antisémite et une ligne progressiste, dreyfusarde, alors portée par Sarah Bernhardt et ses amis. En un sens, c’est ce même duel qui se rejoue entre Blanche Auzello et Marie-Louise Ritz, que tout le monde, à l’époque, appelait « La Vieille »…
Il est difficile – et c’est là tout le sel de votre roman – de démêler le réel de la fiction. Que vous a apporté la licence romanesque ?
Quand on fait de l’histoire, l’accès aux archives constitue une sorte de squelette, sur la base duquel l’historien doit « phosphorer » les théories. Le romanesque vous offre du muscle, de la peau, des sentiments, des tiraillements psychiques… Il m’a autorisé à entrer dans la tête de Frank Meier, à projeter mes propres angoisses, mes inquiétudes, mes désirs…
Est-ce en ce sens que vous avez inventé le personnage de Luciano, juif italien que Meier protège en l’employant comme apprenti ?
Il a eu plusieurs apprentis dont je me suis inspiré pour créer ce personnage. Il m’importait de montrer, à travers Luciano, la façon dont Frank se révèle être un père qu’il n’avait pas été avec son propre fils. Je trouvais intéressant de voir la façon dont un homme peut changer, dans un rapport filial. Et c’est aussi parce qu’il évalue le danger encouru par Luciano que la conscience de Frank est titillée. C’est un personnage ambigu dont la conscience le fait pencher vers les valeurs auxquelles il tient. Sans doute la présence de Luciano le fait-il aller vers ses valeurs humanistes.
A l’arrivée des Allemands, Frank Meier pleure « les jours heureux du monde d’avant ». Est-il un frère en nostalgie de Zweig face à la disparition du Monde d’hier ?
Frank Meier venait d’Autriche et peut-être est-ce l’esprit de Vienne qu’il a su insuffler dans son bar dans l’entre-deux guerres, le monde d’élégance et de raffinement intellectuel que l’on retrouve chez Stefan Zweig. Le bar de Frank Meier pouvait s’enorgueillir de servir de l’alcool dans un lieu qui savait faire écho à ce qu’était la civilisation européenne de l’entre-deux guerres. Alors quand Frank Meier voit l’héritier déchu de l’empire austro-hongrois quitter son bar, juste avant l’arrivée des Allemands, il est un frère en nostalgie de Zweig : comme lui, il sait que le monde qui l’a fait grandir, en lui offrant son statut, est en train de disparaître.
Plonger dans le livre permet de mesurer la gloire de Frank Meier, à l’aune des célébrités qui depuis 1921, ont gravité autour de son bar : Sacha Guitry, Serge Lifar, Jean Cocteau, Jean Marais, Arletty, Georges Mandel, Gabriel Chanel, Ernest Hemingway… F. Scott Fitzgerald lui a-t-il réellement soufflé l’idée d’écrire The Artistry of Mixing Drinks, qui paraît pour la première fois en français, préfacé par vos soins (L’Art du cocktail, Frank Meier, Albin Michel, avril 2024) ?
La rumeur, relevée par deux fois dans les correspondances, rapporte que Fitzgerald lui aurait suggéré d’écrire un livre pour, lui avait-il dit, s’inscrire dans la durée. Je ne sais pas si l’écrivain le lui a vraiment conseillé mais si c’est le cas, il a eu raison. Que son livre ressorte en librairie en 2024 est un témoignage, une marque de l’existence de Frank Meier.
Et Buffalo Bill qui lui aurait conseillé de rentrer en Europe où il avait pu lui-même, à travers ses spectacles, constater l’attrait des Européens pour tout ce qui venait d’Amérique ?
C’est une supputation mais je sais que Buffalo Bill fréquentait beaucoup le Hoffman House, bar de Broadway où Frank avait appris les secrets du métier. Il est fort probable qu’ils se soient croisés…
Vous l’avez dit : Frank Meier est un être ambigu. Un jour, il rend service aux Allemands et encaisse des recettes sur les paris hippiques et le lendemain, il aide des familles juives à s’enfuir. Est-ce une question de survie ou une définition du « ni héros, ni salaud » ?
Je pense que Frank était dans cette catégorie-là en effet : ni héros, ni salaud mais un entre-deux, cette zone grise qui fut d’ailleurs la plus largement représentée. Mais il avait, comme je l’ai dit, des valeurs auxquelles il avait longtemps cru. C’est à cela qu’il devait d’être celui qu’il était devenu.
Au fil de l’Occupation, je crois que son attachement à ces valeurs s’est renoué en lui. C’est en tous cas ce qui ressort de sa correspondance. Il a pris conscience que le petit univers qu’il avait créé au Ritz était plus qu’un débit de boisson. Et quand il a réalisé que les valeurs auxquelles il croyait étaient menacées par les nazis et que le Maréchal Pétain était une baudruche, il s’est rappelé d’où il venait, ce qu’il était et qui étaient ses parents sur lesquels il a dès lors porté un regard différent. Ce sont aussi ces valeurs qui l’ont aidé à tenir debout, en se disant que s’il n’était pas un héros, il n’était pas non plus un salaud.
Un colonel allemand s’étonne, auprès de Frank, de « l’appétit des Français pour la délation ». En digne reflet de la société, le Ritz ne semble pas avoir été épargné par ce travers…
Le Ritz a généré une nouvelle population, notamment des nouveaux riches qui collaboraient. L’hôtel étant resté ouvert au public, il était très important, pour un collabo, de savoir, par exemple, qui y déjeunait. En sachant que Göring s’y trouvait un vendredi midi, il était très malin d’y réserver une table le même jour. Pour obtenir ces informations, de gros pourboires circulaient et il y avait de la concurrence au sein du personnel du Ritz. Un jeune serveur pouvait ainsi être tenté de se débarrasser d’un concurrent auquel Henri Lafont [ndlr, repris de justice, chef de la Gestapo française] donnait de gros pourboires. Il y a eu de la délation à l’intérieur même du Ritz parce que l’argent à haute dose corrompt les âmes et l’argent à haute dose qui circulait au Ritz sous l’Occupation a corrompu beaucoup de gens.
« Le remords, ce sera d’avoir agi. Le regret, d’avoir failli » pense Meier, sous votre plume. L’Allemande Inga Haag lui parle du Rouge et du Noir de Stendhal comme de « l’histoire d’une faillite ». Faut-il y voir une référence à l’historien Marc Bloch qui a pointé une faillite intellectuelle et administrative de la France ?
Marc Bloch est une sorte de héros pour moi : un héros français, civique et intellectuel. J’ai pour lui une très grande admiration. C’est un personnage qui me nourrit depuis longtemps. Cette notion de faillite, cet effondrement que Frank peut parfois craindre pour lui-même fait écho à cette France qui s’est effondrée, celle que décrit si bien Marc Bloch dans L’étrange défaite.
C’est fascinant : Marc Bloch a cette acuité inouïe de faire de l’histoire au présent. Quand vous relisez ‘L’étrange défaite’, il est démentiel de voir qu’il comprend exactement ce qui est en train de se passer, au temps présent. On aimerait bien avoir cette capacité-là. Ce livre, quatre-vingt-quatre ans plus tard, reste d’une extraordinaire actualité.
Frank lit, dans la presse, le compte-rendu du procès de Riom où, selon le New York Times, Léon Blum a brillé par la qualité de sa défense. On ne s’étonnera pas de ce clin d’œil à Blum auquel vous avez consacré un extraordinaire podcast dans lequel vous rappelez que l’ancien président du Conseil a concentré sur lui toutes les haines pour avoir voulu remettre en cause « l’ordre des choses »…
Ce qui est intéressant, dans la personnalité de Frank, c’est son besoin d’ordre – notamment pour des raisons de cheminement social et parce qu’il a peur que l’on découvre sa judéité – et en même temps, sa tentation de la transgression qui signifie remettre en cause l’ordre des choses. Ce que j’aurais aimé, c’est le pousser à être plus transgressif. Je pense que l’admiration qu’il voue à Blanche tient aussi au fait qu’elle est transgressive et qu’elle prend des risques. J’imagine que, comme beaucoup, il a dû se dire : pourquoi n’ai-je pas eu le courage de Blum, de Leclerc ou de De Gaulle ? Ces personnages-là incarnent une forme d’héroïsme que tout un chacun aimerait avoir…
« La question se pose toujours dans ces moments-là : qu’auriez-vous fait ? Qu’aurais-je fait ? »
« Si le cocktail est un art de la rigueur et de la mesure, tenir un bar c’est au contraire l’art du désordre » écrivez-vous. Pendant l’Occupation, tenir son bar n’a de fait pas relevé, pour Frank Meieir, de l’art du désordre…
Oui, bien sûr. C’est une façon de faire qu’il avait parfaitement incarnée dans le monde bohème des années 1920-30. Avec l’arrivée des Allemands, cela a été compliqué à maintenir. Et il avait peur. Il a préféré obéir à l’ordre : servir les Allemands et faire attention à lui. Tout en faisant de l’argent. Mais la question se pose toujours dans ces moments-là : qu’auriez-vous fait ? Qu’aurais-je fait ?
Arrêté par les policiers fin août 1944, Frank Meier a été interrogé par un comité d’épuration. Il a été accusé d’avoir profité de l’Occupation allemande et a dû sa libération aux 300 000 francs qu’il a pu verser aux forces françaises de l’intérieur. Sans doute de l’argent qu’il avait « mis de côté » pendant l’Occupation. Un paradoxe, une ironie de l’histoire, une faillite morale ?
C’est tout cela et en même temps, ce qui est terrible, c’est que, d’un certain côté, cela lui donne raison : avec cet argent, il a pu sauver sa peau, celle de son fils et de sa nièce. C’est terrible, égoïste, un peu pathétique, évidemment et c’est une faillite de la pensée. On aurait aimé qu’il fût plus courageux. Mais avoir un peu détourné sa caisse lui a permis de se sortir d’affaire : de son point de vue, qui est celui de la survie, il a eu raison. On en revient à la zone grise.
Sur la tombe de Fitzgerald qui a tant inspiré Frank Meier, est gravée la dernière phrase de ‘Gatsby le Magnifique’ : « Car c’est ainsi que nous allons, barques luttant contre un courant qui nous ramène sans cesse vers le passé. » Que nous dit cette histoire, alors que sur notre époque planent les ombres de Léon Blum, de Marc Bloch et de tant d’autres, telles que celle de Frank Meier, enfermée dans une zone grise ?
D’abord, elle nous dit que la mémoire, incarnée par ceux qui ont vécu cette période, est en train de s’échapper. Nous sommes face à un défi : comment nous, génération suivante, arrivons-nous à entretenir cette mémoire ? C’est l’une des questions que ce récit nous pose.
Deuxième chose : cette guerre nous a légué un héritage politique, économique et social. Depuis quatre-vingts ans, nous vivons sur cet héritage qui, on le sent bien, est en danger. Il était pourtant comme une arche d’alliance entre les hommes. Il était la fraternité européenne.
Nous sommes tous face à cette question : que faisons-nous de cet héritage fraternel, de cette alliance passée entre les hommes ?
« Les impératifs du présent se moquent toujours du passé. »
Enfin, on se rend compte que l’on peut, en faisant de l’Histoire et en la racontant, aider les gens à penser le présent et à donner corps à l’héritage dont nous avons parlé mais on se rend compte aussi -c’est terrible et très frustrant – que les impératifs du présent se moquent toujours du passé. Concrètement, il est difficile d’expliquer à des gens en colère contre le pouvoir d’achat ou l’immigration qu’une Histoire les a précédés et qu’ils doivent être vigilants parce qu’il y a danger. L’Histoire ne peut pas grand chose, elle n’est en tous cas jamais un rempart. Cela nous a été rappelé à de nombreuses reprises.
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Philippe COLLIN, Le barman du Ritz, Albin Michel, 416 p., 21,90 €
L’auteur sera reçu au mémorial de la Shoah le dimanche 22 septembre.