A Tel Aviv, un cinéaste américain documente les « petites histoires » de guerre
Eli Katzoff a filmé la 'veillée des 1 300 bougies' sur le Kikar Dizengoff, montrant comment un Israël uni pleure ensemble sur une place public
Eli Katzoff, un touriste américain, est tombé par hasard sur une émouvante veillée aux bougies sur le Kikar Dizengoff de Tel Aviv jeudi soir. En tant que cinéaste professionnel, il a sorti son appareil photo et a spontanément commencé à documenter ce moment.
« C’est sorti de nulle part », explique-t-il au Times of Israel. Il s’est renseigné et a appris que quelques habitants de Tel Aviv avaient eu l’idée de ce qu’ils ont appelé la « veillée aux 1 300 bougies » et avaient créé un mémorial public temporaire.
« Ils sont rapidement venus et ont allumé les bougies, puis ils sont repartis et ont laissé la communauté entrer et faire ce qu’elle avait à faire », raconte-t-il. Dans le cycle de l’actualité israélienne, ce n’était qu’une parenthèse. S’il avait cligné des yeux, il n’aurait pas vu l’événement.
« J’ai pris ma caméra et j’ai commencé à filmer et à faire des interviews ; c’était un moment incroyablement fort », raconte Katzoff.
La vidéo qui en résulte est un film époustouflant de deux minutes qui capture la douleur, la fierté et l’unité de ce moment israélien unique.
Une femme décrit les raisons qui l’ont poussée à venir sur le Kikar Dizengoff. Au son de l’hymne national israélien, l’Hatikva, chanté en arrière-plan, elle dit « essayer de trouver un moment pour pleurer et j’essaie d’aller dans des endroits où j’ai l’impression que je pourrai le faire ; je veux laisser sortir les choses. J’ai l’impression que c’est trop gros. »
Un autre jeune homme décrit son propre tourbillon d’émotions : « Ce que je ressens ? Je ressens de la fierté, de la gratitude, de l’humilité, un grand sens de la famille – c’est tout simplement magnifique. C’est la plus merveilleuse chose que j’ai vue depuis longtemps », déclare-t-il.
Filmée avec l’emblématique fontaine en arrière-plan, une jeune femme décrit, pour clore la vidéo, le moment vécu. « Les Israéliens sont pleins d’amour, tout le monde veut s’entraider et être là les uns pour les autres. Le fait d’être ici ce soir me donne beaucoup de force et d’espoir, car nous avons perdu la plupart de nos espoirs au cours de la semaine écoulée », dit-elle.
Ce n’est pas la première vidéo que Katzoff filme cette semaine dans le but de documenter cette période tumultueuse et d’aider à l’expliquer à l’étranger.
Katzoff, 38 ans, est un réalisateur de documentaires et un photographe de la région de Boston qui fait des allers-retours entre les États-Unis et Israël depuis quelques années. « J’ai vu comment [notre] communauté s’unissait, et j’ai vu les médias parler de toutes les bombes et les explosions (…). Je me suis senti inutile. Mon hébreu est très mauvais et je peux à peine trouver mon chemin », a-t-il déclaré.
Le matin du samedi 7 octobre 2023, lorsque le groupe terroriste palestinien du Hamas a lancé son assaut sur plusieurs fronts depuis Gaza, Katzoff était en randonnée dans le sud d’Israël, près de Mitzpe Ramon. Cette matinée allait donner lieu à des scènes de massacres horribles et à des récits de bravoure extrême, et allait marquer le début d’une guerre nouvelle et différente pour Israël.
« J’ai fait une randonnée de trois jours avec environ 25 personnes dans la région de Mitzpe Ramon, et un jour, les détonations nous ont réveillés. Nous sommes montés au sommet d’une montagne et nous avons allumé nos téléphones (…). C’était une cacophonie de bourdonnements et de sonneries. Il se passait quelque chose », raconte Katzoff.
Il était arrivé il y a deux semaines, mais une fois la guerre commencée, il a décidé de rester et d’utiliser ce qu’il appelle son « puissant talent, qui est l’imagerie visuelle ».
« J’ai donc commencé à documenter de petites histoires humaines, comme celle d’un homme qui ouvrait sa pizzeria parce qu’il ne supportait plus de regarder les informations », explique-t-il. « L’instant d’après, je suis de retour à Tel Aviv et je reçois un appel d’un ami qui me dit : ‘Hey, tu peux nous déposer du bœuf séché, nous avons été mobilisés ».
« Les soldats se trouvaient dans un jardin d’enfants fortifié et voulaient parler », explique-t-il.
Le court-métrage qui en résulte met en lumière les nuances et les réalités de jeunes soldats israéliens sur le point de combattre, retranchés dans une école construite pour résister aux missiles parce qu’elle est si proche de la frontière de Gaza. Dans la poignante scène finale, un soldat explique qu’il connaît déjà au moins cinq personnes qui ont été tuées ou enlevées par le Hamas, avant de s’effondrer.
Ce soldat s’est ensuite approché de Katzoff et l’a remercié, expliquant que c’était la première fois qu’il pouvait vraiment pleurer ses pertes.
« J’ai remarqué une chose : les gens n’ont pas le temps de faire leur deuil, ils sont passés à l’action. C’est un sentiment général », explique Katzoff.
Katzoff, qui a l’habitude d’avoir une équipe de 5 à 10 personnes sur les tournages, se consacre maintenant à documenter « avec tout le matériel à disposition » les petites histoires qui se déroulent actuellement en Israël, dit-il.
« Il faut comprendre, entre les lignes, que j’y vois une société qui sait si bien s’unir en ces temps difficiles. Cela contraste avec les États-Unis, où l’isolement est plus grand. Là-bas, on prend soin de soi et de sa famille, mais en tant que société, ce n’est pas la même chose », explique Katzoff.
« Mon objectif est de continuer à le faire, de continuer à diffuser ces choses. »
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