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Affaire des fuites : Les informations étrangères concordent avec les déclarations de Netanyahu sur les otages

Netanyahu a dit que le Hamas ne voulait pas d'accord et qu'il pourrait faire passer les otages en Iran. Quelques jours plus tard, ses propos sortaient dans la presse. Un assistant est accusé de vol et divulgation d'informations classifiées

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu devant une carte lors d'une conférence de presse dans les bureaux du service de presse du gouvernement à Jérusalem, le 4 septembre 2024. (Crédit : Abir Sultan/Pool via AP)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu devant une carte lors d'une conférence de presse dans les bureaux du service de presse du gouvernement à Jérusalem, le 4 septembre 2024. (Crédit : Abir Sultan/Pool via AP)

Dimanche, un juge a révélé qu’Eli Feldstein, porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu, avait été arrêté la semaine dernière, soupçonné d’avoir dérobé des informations classifiées d’une base de données de l’armée israélienne et de les avoir divulguées à un organe de presse.

Feldstein serait impliqué dans la communication d’un document au tabloïd allemand Bild montrant que le Hamas n’était pas prêt à conclure un accord pour assurer la libération des otages de Gaza.

Selon un deuxième article, publié puis supprimé par le Jewish Chronicle, le Hamas tenterait de faire passer clandestinement des terroristes et des otages de Gaza vers l’Iran en passant par l’Égypte.

De source judiciaire, ces fuites auraient nui aux tentatives d’organiser la libération des otages toujours aux mains de Gaza.

Quatre-vingt-dix-sept otages enlevés le 7 octobre se trouvent en effet encore dans la bande de Gaza, nombre d’entre eux encore vivants, plus quatre autres, détenus depuis une dizaine d’années.

Certains estiment que les informations données par ces deux médias correspondent aux propos tenus par Netanyahu au moment des faits, qui s’en servait pour justifier que les soldats restent dans Gaza tout en reprochant au Hamas l’absence de progrès dans les négociations en vue d’organiser la libération des otages et un cessez-le-feu.

Netanyahu n’est pas suspecté dans cette affaire et aucune preuve de lien n’a été présentée.

Le cabinet du Premier ministre s’est désolidarisé des agissements M. Feldstein.

Découvrez la chronologie des événements connus à ce jour :

Octobre 2023 : Selon les informations publiées par les médias israéliens, Eli Feldstein est contacté par le cabinet du Premier ministre pour prendre en charge les relations presse avec les journalistes spécialistes des questions militaires suite au massacre du Hamas du 7 octobre et à l’offensive militaire à Gaza. Feldstein a précédemment occupé les fonctions de porte-parole du ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, avant quoi il était officier supérieur dans le service du porte-parole de l’armée israélienne.

Selon les informations disponibles, Feldstein aurait échoué au test du polygraphe (NDLT : le détecteur de mensonges) et se serait vu refuser les habilitations de sécurité. On ignore à ce stade s’il était employé par le cabinet du Premier ministre ou s’il était un collaborateur ponctuel.

Eli Feldstein, alors porte-parole de Tsahal, lors des funérailles d’une victime du terrorisme dans l’implantation de Homesh en Cisjordanie, le 17 décembre 2021. (Crédit : Sraya Diamant/Flash90)

Avril-mai 2024 : Un document interne du Hamas recommandant à l’organisation terroriste de continuer la guerre à Gaza et de faire trainer les choses sur le plan du cessez-le-feu et de l’accord sur les otages, dans le but de polariser la société israélienne, parvient à Tsahal. L’armée dira plus tard que le document n’a rien de particulier et ressemble à bien d’autres documents trouvés avant cela à Gaza.

31 mai : Le président américain Joe Biden annonce les grandes lignes d’un accord permettant la libération des otages sur la base de ce qu’il dit être une offre israélienne, de façon à augmenter les chances de parvenir à un accord. Aucune mention n’est faite des soldats toujours stationnés à l’intérieur du corridor de Philadelphie, cette bande de terre stratégique située à la frontière entre Gaza et l’Égypte qui, d’après Israël, est un axe majeur pour la contrebande.

Août : En dépit des attentes, d’une intense activité diplomatique et des pressions internationales, l’accord en vue de la libération des otages reste hors d’atteinte. L’un des points de friction est la condition israélienne concernant le caractère réversible de la trêve et le maintien de soldats de Tsahal le long du corridor de Philadelphie.

En Israël, les critiques de Netanyahu lui reprochent d’avoir compromis les négociations en ajoutant une condition concernant le corridor de Philadelphie, et certains s’interrogent même sur sa réelle envie de voir aboutir ces négociations, qui en cas de réussite et de fin de la guerre lui vaudraient de s’expliquer et de faire face à un règlement de comptes politique. Les membres de sa coalition, à commencer par Ben Gvir, n’ont pas hésité à faire pression sur lui en le menaçant de renverser le gouvernement si un accord était conclu en faveur du cessez-le-feu et de la libération des otages.

29 août : Selon une information de la chaîne N12, le ministre de la Défense Yoav Gallant se querelle avec Netanyahu sur la question du corridor de Philadelphie, Netanyahu assurant qu’il privilégierait le maintien de Tsahal dans Gaza sur la libération des otages. Soutenu par des officiers supérieurs, Gallant estime que la frontière peut être efficacement surveillée même en l’absence de soldats israéliens sur le site.

Le ministre de la Défense Yoav Gallant en compagnie de soldats, le long du corridor de Philadelphie, zone frontalière entre l’Égypte et Gaza, le 21 août 2024. (Ariel Heremoni/Ministère de la Défense)

1er septembre : Les dépouilles des otages Hersh Goldberg-Polin, Eden Yerushalmi, Ori Danino, Alex Lobanov, Carmel Gat et Almog Sarusi sont découvertes dans un tunnel de Gaza. Selon l’armée, les corps portaient des signes de violences attestant qu’ils avaient été tués un jour ou deux avant, à l’annonce de l’arrivée des militaires.

Cette découverte n’a fait que douter davantage de l’opportunité de mener des raids pour secourir les otages et a fait redoubler les pressions sur Netanyahu et son gouvernement afin qu’ils concluent un accord pour faire libérer les otages tant qu’ils sont en vie, quitte à mettre un terme à l’offensive militaire.

Des Israéliens manifestent à Tel Aviv avec des photos d’otages assassinés, lors d’une manifestation en faveur d’un accord pour garantir la libération des otages du groupe terroriste du Hamas à Gaza, le 5 septembre 2024. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

4 septembre : A l’occasion d’une conférence de presse destinée à la presse étrangère, Netanyahu souligne l’importance de tenir un corridor de Philadelphie utilisé pour faire de la contrebande d’armes et faire sortir des otages de la bande de Gaza.

« Ils peuvent facilement faire passer des otages ici, dans le désert du Sinaï en Égypte, où ils disparaissent », aurait-il dit. « Ils n’ont même pas besoin de faire les choses dans la clandestinité. Ils disparaissent dans le Sinaï et finissent ensuite en Iran ou au Yémen. Et ils sont partis pour toujours. »

« Il faut quelque chose pour faire pression [sur le Hamas], pour l’empêcher de mener son projet à bien, pour qu’il libère les derniers otages. Pour faire libérer les otages, il faut contrôler le corridor de Philadelphie », aurait-il ajouté.

5 septembre : Le Jewish Chronicle de Londres publie un article affirmant qu’un document découvert dans la bande de Gaza prouve que le chef du Hamas, Yahya Sinwar, prévoit de sortir clandestinement de Gaza pour se rendre en l’Égypte et de là en Iran en empruntant le corridor de Philadelphie.

L’information est reprise par certains médias israéliens de droite et diffusée sur les réseaux sociaux par le fils de Netanyahu, Yair.

Le haut dirigeant du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, s’exprime lors d’une conférence dans la ville de Gaza, le 4 novembre 2019 (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

Netanyahu apparaît sur la chaîne américaine Fox News, où il reprend certains de ses propos passés sur l’importance de tenir le corridor de Philadelphie. « Cela va empêcher Gaza de redevenir cette enclave terroriste iranienne qui nous menace et aussi les empêcher d’exfiltrer discrètement des otages pour les conduire en Égypte, dans le Sinaï, puis en Iran ou au Yémen, où leur trace sera à jamais perdue », affirme encore Netanyahu.

Il affirme également que les informations faisant état de progrès en vue d’un accord sont « mensongères » et reproche au Hamas de faire trainer en longueur les pourparlers : « Ils ne sont d’accord sur rien : ni sur le corridor de Philadelphie, ni sur le principe de l’échange otages – terroristes emprisonnés, ni quoi que ce soit. »

L’article de Bild du 6 septembre 2024 évoquant un document découvert par des soldats sur l’ordinateur du chef du Hamas, Yahya Sinwar.

6 septembre : Le tabloïd allemand Bild publie un article affirmant qu’un document découvert par des soldats sur l’ordinateur de Sinwar, à Gaza, prouve que le Hamas ne souhaite pas vraiment que la guerre prenne rapidement fin mais privilégie le maintien des capacités militaires de l’organisation terroriste et « l’épuisement » de l’armée israélienne.

Selon cette même source, la stratégie du Hamas consiste à mener une guerre psychologique à l’encontre des familles des otages et d’autres encore, qui leur paraît diviser la société israélienne.

Sur une banderole lors d’une manifestation à Tel Aviv en faveur d’un accord de libération des otages, on peut lire : « Vous vous êtes vengés, maintenant occupez-vous de nous. Ramenez-les tous à la maison maintenant ! » en référence à la mort récente du chef du Hamas, Yahya Sinwar, à Tel Aviv, le 19 octobre 2024. (Yael Gadot)

8 septembre : Netanyahu mentionne l’article de Bild au début du Conseil des ministres, qu’il dit basé sur un document officiel du Hamas et qualifie les manifestations en faveur d’un accord pour la libération des otages de « piège du Hamas ».

Le même jour, l’armée israélienne annonce le lancement d’une enquête interne à propos de la fuite de documents à Bild, qu’elle qualifie de « manquement grave ».

10 septembre : Le porte-parole de Tsahal, Daniel Hagari, nie catégoriquement et publiquement que l’armée ait eu connaissance des renseignements évoqués par le Jewish Chronicle. Il le fait suite à plusieurs informations laissant entendre que les autorités de la Défense parlent d’informations infondées.

12 septembre : L’armée israélienne organise une visite pour des journalistes, dans le sud de Gaza, et dément les affirmations selon lesquelles les tunnels situés sous la frontière entre l’Égypte et Gaza peuvent servir à de la contrebande, faiant douter de la nécessité de s’accrocher au corridor de Philadelphie.

Un grand tunnel du Hamas découvert le long du corridor de Philadelphie à Rafah, dans le sud de Gaza, le 12 septembre 2024. (Emanuel Fabian/Times of Israel)

14 septembre : Le Jewish Chronicle retire des écrans son article sur les projets de contrebande de Sinwar et tous les autres de son journaliste Elon Perry, ce qui met un terme final à l’enquête interne diligentée à propos de Perry, de son passé et de la fiabilité de ses reportages. « Nous n’étions pas satisfaits de certains de ses propos », écrit le journal.

Perry réagit en expliquant avoir refusé de révéler sa source au JC et niant être un messager de Netanyahu.

27 octobre : Feldstein est arrêté à 4 heures du matin dans le cadre d’une enquête restée secrète jusque-là, impliquant la police, Tsahal et le Shin Bet, au sujet du vol et de la fuite présumés d’un ou plusieurs documents classifiés appartenant aux bases de données de Tsahal. Trois autres personnes, qui n’ont pas encore été identifiées, sont également détenues. Les enquêteurs, supposément masqués, effectuent une descente au domicile des suspects.

31 octobre : Le cabinet de Netanyahu publie une déclaration disant qu’il a exigé la levée de l’embargo sur « l’affaire secrète ». « L’ordre d’embargo ne fait que diffamer délibérément et de manière malveillante les services du Premier ministre », peut-on lire.

1er novembre : Le juge Menachem Mizrahi, du tribunal de première instance de Rishon Lezion, lève partiellement l’embargo sur cette affaire et révèle que plusieurs suspects ont été arrêtés dans le cadre d’une affaire d’exploitation abusive de documents classifiés. Mizrahi écrit que cette fuite est de nature à nuire à l’action militaire israélienne.

En réaction aux informations des médias liant ses services à cette affaire, le cabinet du Premier ministre publie une déclaration affirmant qu’aucun de ses membres n’a été interpelé dans le cadre de cette enquête.

Le porte-parole Eli Feldstein lors d’un événement avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu pendant la guerre entre Israël et le Hamas (Armée israélienne)

Selon une source citée par la chaîne d’information N12, le suspect a travaillé en étroite collaboration avec Netanyahu, et plusieurs médias publient des photos floues montrant les deux hommes lors de réunions ou d’événements.

« Au moment où [le scandale] a éclaté, Netanyahu l’a jeté sous le bus et a même menti en disant qu’il ne travaillait pas pour lui », a déclaré la source de la chaîne d’information N12.

2 novembre : Le cabinet du Premier ministre nie être à l’origine de la fuite de Bild tout en minimisant la gravité de l’affaire et ses conséquences.

« Le document publié n’a jamais été envoyé par la Direction du renseignement militaire de Tsahal au cabinet du Premier ministre : le Premier ministre en a pris conaissance par les médias », a déclaré le cabinet du Premier ministre. « Ce document ne fait que contribuer au retour des otages, il ne peut pas nuire. »

Cette déclaration met également de la distance entre Netanyahu et le suspect, dont elle dit qu’il « n’a jamais participé à des réunions sur la sécurité, n’a pas été exposé ou n’a pas reçu d’informations classifiées et n’a pris part à aucun déplacement classifié ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à droite) avec le chef d’État-major de Tsahal, Herzi Halevi, au QG du ministère de la Défense à Tel Aviv, le 24 septembre 2024. (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO)

3 novembre : Le juge Mizrahi donne des détails de l’affaire et désigne Feldstein comme le suspect civil, en plus de trois personnes du milieu de la défense dont l’identité n’est pas révélée.

Mizrahi confirme également les informations selon lesquelles cette fuite aurait nui à la libération des otages.

Le cabinet du Premier ministre refuse d’en dire davantage sur le rôle de M. Feldstein.

Le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a réagi en disant : « Si des informations déclassifiées sont dérobées et sont utilisées pour organiser sa propre survie politique, ce n’est pas seulement une infraction pénale, c’est une forfaiture. »

Le Forum des otages et des proches de disparus a publié une déclaration affirmant que les informations sorties dans le cadre de cette affaire « indiquent que les proches du Premier ministre ont agi d’une manière qui met en danger la sécurité nationale dans le but de contrecarrer le retour des otages ».

4 novembre : Les médias israéliens révèlent qu’un officier de Tsahal a été interpelé dans le cadre de l’enquête.

La chaîne publique Kann affirme que le document divulgué cité par Bild n’a pas été découvert par des soldats à Gaza en fouillant l’ordinateur de Sinwar, mais par « un autre type de renseignement ».

Selon cette information, les procureurs craignent que la fuite ne révèle au Hamas des méthodes de collecte du renseignement.

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