Aide ou ingérence politique ? Israël et l’UE s’affrontent au sujet de bâtiments palestiniens
L'Europe dit qu'elle finance les constructions dans la zone C de Cisjordanie pour compenser les négligences d'Israël ; Jérusalem soutient que ces structures sont illégales
Maale Adumim, Cisjordanie (JTA) – Dans un village délabré donnant sur un chemin de terre dans les collines du centre de la Cisjordanie, près d’une cabane habitée faite d’un toit en toile et de murs d’étain, se dresse un hangar sur lequel apparaît un vieil autocollant où figure le drapeau de l’Union européenne. Le texte sous le drapeau indique « Aide Humanitaire et Protection Civile. »
L’annexe au batiment est une structure beaucoup plus solide que celles qui l’entourent dans cette communauté méconnue, avec des vis serrées, des murs propres et soudés en angle droit, un toit rigide, une porte que l’on peut verrouiller et une bouche d’aération. C’est l’un des quelque 1 000 bâtiments se trouvant dans les zones contrôlées par Israël en Cisjordanie et dont la construction a été financée par l’Union européenne.
Les bâtiments – des toilettes, des maisons et des écoles – ont déclenché une controverse concernant ce qui devrait – et pourrait – pourvoir au bien-être des Palestiniens dans les zones plus connues sous le nom de zone C.
Soutenue par Regavim, un groupe de défense politiquement orienté à droite, Israël affirme que les bâtiments de l’Union européenne ont été construits sans l’autorisation d’Israël et violent le droit international. Israël a démoli des dizaines de bâtiments au cours de ces dernières années.
« Ils construisent sans autorisation, contre les normes déterminées, dans une tentative claire de créer une réalité politique », a déclaré en janvier le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a des membres de la presse étrangère en Israël. « Et quand nous détruisons ces construction illégales, nous sommes alors, encore une fois, condamnés ; c’est une situation inextricable ».
L’Union européenne rétorque qu’Israël ne prend pas ses responsabilités envers les Palestiniens sous son contrôle, de sorte que l’Europe compense cette négligence.
Au cours des deux dernières années, l’UE a donné environ 15 millions de dollars pour le développement de constructions palestiniennes dans la zone C. En plus des bâtiments, les dons européens financent des conduites d’eau et des routes pour les villages palestiniens. L’UE et les localités palestiniennes ont coordonné leurs efforts pour créer des « plans directeurs » pour la construction d’infrastructures, de projets d’eau et de routes.
« La situation serait également grandement améliorée si les autorités israéliennes approuvaient les plans de développement soumis par les communautés locales, a écrit le bureau de l’UE à Jérusalem – connu sous le nom de Bureau du Représentant de l’Union européenne – dans un courriel à JTA. « A défaut, Israël a le devoir d’accepter et de faciliter les actions de secours internationales et d’accorder un accès sans entrave à l’aide humanitaire. »
Entre 150 000 et 300 000 Palestiniens vivent dans la zone C, qui comprend toutes les implantations israéliennes et couvre environ 60 % de la superficie de la Cisjordanie. Les Palestiniens de la zone C vivent dans environ 180 villages, dont la plupart ne sont pas reconnus par Israël.
Ces villages non reconnus manquent souvent d’infrastructures de base et de planification, et sont sous une constante menace de démolition. Israël démolit chaque année entre des dizaines et des centaines de bâtiments palestiniens dans la zone C, selon Bimkom, un groupe d’urbanistes et d’architectes israéliens qui milite pour les droits à la construction des Palestiniens.
Israël rejette presque toutes les demandes palestiniennes concernant les permis de construire dans la zone C. Sur 240 demandes de permis palestiniens en 2014, un seul a été approuvé, selon Bimkom.
« Il n’y a pas de direction ou de plan d’action », a déclaré Alon Cohen-Lipshitz, directeur de Bimkom pour la zone C. « C’est une tentative pour créer un contrôle en refusant le développement palestinien. [Ils] ne tiennent même pas compte de ceux qui sont là ».
Le Coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires, ou COGAT, qui gère la politique d’Israël en Cisjordanie, a des plans pour quatre villes palestiniennes dans la zone C.
Selon Regavim, ces villes ont pour but d’établir des habitations palestiniennes de manière incohérente sur le territoire. Mais leurs opposants soutiennent que ces villes pourraient aussi amener beaucoup de Palestiniens à abandonner leur mode de vie agricole et les diriger vers des modes d’habitations plus denses.
La politique de COGAT pour la démolition des structures construites illégalement n’est cependant pas toujours mise en pratique.
Dans un rapport du mois de mars, l’Inspecteur général d’Israël a blâmé le COGAT pour ne pas avoir appliqué les lois contre la construction illégale par les Palestiniens et les Israéliens dans la zone C, et pour avoir exécuté des ordres de démolition de manière non organisée, sans surveillance et de façon non transparente.
Aussi bien les critiques que les défenseurs du COGAT se réfèrent au rapport comme une preuve que les pratiques juridiques de la zone C ont besoin d’être améliorées.
Regavim a également accusé l’Union européenne de se mêler de la politique d’Israël en établissant une présence palestinienne autour des implantations israéliennes. Les relations d’Israël avec l’UE sont déjà tendues après une discorde l’an dernier concernant des directives européennes encourageant l’étiquetage des marchandises produites dans les implantations israéliennes.
“Ils prennent des mesures unilatérales dans la zone C sans demander et sans discuter avec Israël », a déclaré Ari Briggs, directeur international de Regavim.
« Ils ont pris la décision de travailler directement avec l’Autorité palestinienne pour lui donner plus de contrôle et de pouvoir dans la zone C. »
L’UE reconnaît avoir un objectif politique.
Son plan de mise en œuvre humanitaire palestinien de 2014 dit que le financement européen « pourrait ouvrir la voie à plus de développement et de pouvoir de l’Autorité palestinienne sur la zone C. »
Cet objectif, selon l’UE, est conforme aux engagements pris par Israël dans les accords d’Oslo de 1993. Si une grande partie de la zone C est destinée à faire partie d’un futur Etat palestinien, selon un courriel adressé à JTA, il ne devrait y avoir aucun problème à fournir des logements pour les Palestiniens là-bas.
« La zone C fait partie des Territoires palestiniens occupés et d’un futur Etat palestinien viable », peut-on lire dans l’e-mail.
« L’UE a appelé à plusieurs reprises à un changement fondamental de la politique israélienne afin de permettre une accélération de la construction palestinienne, ainsi qu’un développement social et économique dans la zone C. »
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