Alors qu’il libère des terroristes, Israël est face à un dilemme : garder ses ennemis proche ou les éloigner
L'histoire montre les dangers et les avantages possibles de la libération de meurtriers en Cisjordanie ou à Gaza, mais aussi les risques liés à l'exil des chefs terroristes hors de portée d'Israël

De récents sondages effectués avant la conclusion de l’accord de libération d’otages et de cessez-le-feu avec le Hamas ce mois-ci ont révélé des niveaux élevés de soutien à un accord qui libérerait les otages israéliens détenus à Gaza depuis plus de 15 mois, même s’il n’y a aucun consensus parmi les Israéliens sur les contours exacts que devait prendre la trêve ou sur les concessions acceptables à faire pour y parvenir.
Des sondages antérieurs réalisés au cours de la guerre avaient montré des niveaux de soutien nettement inférieurs, ce qui suggère une impatience croissante face au sort des otages et un épuisement face à la guerre et au nombre croissant de morts parmi les soldats israéliens qui se battent encore dans la bande de Gaza.
Les accords de libération d’otages procurent à une nation meurtrie un sentiment d’exaltation dans la perspective de retrouvailles émouvantes entre les otages et leurs familles. Cette euphorie collective peut toutefois être éphémère, car la prise de conscience du prix à payer commence à se faire sentir.
Pour Israël, ce prix implique la libération de près de 2 000 détenus palestiniens en échange des seuls 33 premiers otages israéliens. D’autres devraient être libérés en échange des otages restants au cours des deuxième et troisième phases de l’accord.
Parmi ceux qui seront libérés figurent plusieurs terroristes palestiniens condamnés à plusieurs peines de prison à vie pour meurtre – les « gros calibres » dans le jargon israélien.
Israël n’avait guère d’autre choix que d’accepter les termes de l’accord s’il voulait récupérer les 97 otages qui se trouvaient à Gaza au moment de la signature de l’accord, dont au moins 35 déclarés morts. Bien qu’une poignée d’entre eux aient été sauvés par des commandos israéliens, les responsables militaires avaient clairement indiqué que toute nouvelle tentative serait pratiquement impossible et mettrait en danger la vie des otages, dont la santé se détériore.
Toutefois, Israël doit faire des choix pour s’assurer que les terroristes libérés ne pourront pas répéter leurs attaques meurtrières. L’un de ces choix est de savoir si les meurtriers libérés sont autorisés à vivre en Cisjordanie ou à Gaza ou s’ils doivent s’exiler en dehors de la région une fois libérés.
Au sein d’agence de sécurité du Shin Bet, les avis restent partagés.

Israël a exigé que les assassins les plus notoires – ceux dont il est certain qu’ils reprendront leurs activités terroristes – soient expulsés en dehors de la région.
Toutefois, certains estiment qu’il serait préférable de les relâcher en Cisjordanie, où Israël jouit d’une totale liberté opérationnelle et peut les atteindre immédiatement et relativement facilement.
Malheureusement, Israël a de l’expérience à faire valoir.
Dangers proches et lointains
En 2011, lorsqu’Israël a libéré 1 027 prisonniers en échange du soldat Gilad Shalit, il a permis à nombre d’entre eux de retourner en Cisjordanie. Selon Israël, certains ont repris leurs activités terroristes, profitant de leur accès facile à des cibles israéliennes.
Mais trois ans plus tard, lorsqu’Israël a lancé une vaste campagne de répression contre le Hamas à la suite de l’enlèvement et du meurtre des adolescents israéliens Gil-ad Shaer, Naftali Fraenkel et Eyal Yifrach, il a pu rapidement arrêter de nouveau un grand nombre d’entre eux.
Les prémices de cet enlèvement meurtrier remontent à un autre prisonnier palestinien libéré en 2010, Saleh al-Arouri, qui s’est exilé à l’étranger.
Travaillant depuis son nouveau domicile en Turquie, puis au Liban, Arouri a établi le « quartier général du Hamas en Cisjordanie », un centre opérationnel qui a orchestré des dizaines d’attaques, y compris l’enlèvement des trois adolescents en juin 2014, qui a conduit à la guerre de 2014 à Gaza.

Arouri a également joué un rôle clé dans la constitution de la branche armée du Hamas à Gaza, en tirant parti de ses liens avec l’Iran et le Hezbollah.
Au Liban, il a contribué à l’implantation du Hamas avec l’approbation tacite du Hezbollah, qui a pu s’appuyer sur des agents palestiniens des camps de réfugiés de Tyr.
Un barrage de dizaines de roquettes tirées sur Israël en avril 2023 a montré la capacité et la volonté du Hamas d’ouvrir un autre front contre Israël sous l’œil vigilant du Hezbollah.
Israël a assassiné Arouri à Beyrouth au début du mois de janvier 2024, mais les décideurs ont d’abord hésité à attaquer cette figure centrale du Hamas par crainte de la réaction du Hezbollah, ce qui souligne les difficultés en aval qui peuvent découler de l’expulsion des chefs terroristes.

Ni Israël ni l’Autorité palestinienne (AP) n’ont indiqué quels pays pourraient accueillir les prisonniers de premier plan qui seraient déportés. L’endroit où ils s’établiront déterminera la manière dont Israël pourra les traiter si ces déportés reprennent leurs activités terroristes. La Turquie et le Qatar sont interdits aux opérations israéliennes, tandis que les actions dans d’autres pays dépendront des circonstances politiques et des opportunités opérationnelles.
Au Liban, par exemple, Israël a maintenu sa politique d’action contre toute menace émergente, même après avoir accepté un cessez-le-feu avec le Hezbollah en novembre.
Jérusalem a insisté pour appliquer la même politique à Gaza après la guerre et le Premier ministre Netanyahu continue d’affirmer que l’ancien président américain Joe Biden et l’actuel président Donald Trump ont tous deux promis de soutenir Israël s’il reprenait les combats.
Israël pourrait décider d’expulser certains de ces terroristes vers Gaza. C’est là que se sont retrouvés bon nombre de ceux qui ont été libérés dans le cadre de l’accord Shalit, notamment Yahya Sinwar, le défunt chef du Hamas qui a orchestré le massacre du 7 octobre.
Le défi de Gaza
En plus de s’assurer qu’il ne libère pas le prochain Sinwar dans l’environnement terroriste fécond de Gaza, Israël se concentre également sur l’objectif provisoire d’empêcher le Hamas de reconstruire ses capacités militaires à un niveau tel qu’il puisse représenter une nouvelle menace.

Cet objectif ne peut être atteint que par la fermeture la plus stricte possible des voies de contrebande à partir de l’Égypte – une question actuellement au cœur des négociations israélo-égyptiennes au Caire.
Il n’est pas certain que la proposition d’un nouveau point de passage au triangle frontalier Gaza-Égypte-Israël soit toujours d’actualité. L’idée avait été lancée par l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant, qui envisageait que le site soit surveillé par Israël, l’Égypte et des acteurs internationaux.
Les responsables israéliens soulignent qu’ils n’ont pas abandonné l’objectif principal de la guerre : empêcher le Hamas de conserver un quelconque contrôle gouvernemental ou militaire. La question de savoir qui pourrait prendre sa place reste cependant ouverte.
Entre-temps, de nouveaux défis se posent avec la libération imminente de centaines de terroristes condamnés en Cisjordanie, administrée par une AP affaiblie et financièrement exsangue.
L’une des principales réussites d’Israël dans cette guerre a été de maintenir une relative stabilité en Cisjordanie, de poursuivre la coordination de la sécurité avec les forces de sécurité palestiniennes et d’empêcher l’apparition d’un nouveau front. Néanmoins, le Hamas considère toujours la Cisjordanie comme un endroit où il peut opérer avec une relative facilité, et Israël le sait.

Israël et l’Autorité palestinienne aimeraient tous deux prendre des mesures préventives à l’encontre du Hamas. Mais si l’AP veut agir, elle n’en a pas les moyens, ce qui soulève de sérieux doutes quant à sa capacité à gouverner la bande de Gaza.
En l’absence d’alternative, le Hamas comblera la vacance du pouvoir. Dimanche, en remettant les trois otages libérés à la Croix-Rouge, le Hamas a montré qu’il conservait un certain contrôle sur les rues de Gaza, contrôle qui risque de se renforcer si le calme persiste.
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