Après un tollé dans d’autres villes, une expo sur l’immobilier israélien annulée à Brooklyn
Selon l’organisateur, la décision a été prise en raison de problèmes de sécurité "sérieux"; A Teaneck, Montréal et Toronto, des manifestations ont eu lieu mais l'exposition a été maintenue
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
JTA / New York Jewish Week – Devenue polémique et sujette à des manifestations pro-palestiniennes, la tournée de promotion de l’immobilier israélien et dans les implantations de Cisjordanie a annulé sa dernière date à Brooklyn, mercredi, en raison de problèmes de sécurité, a fait savoir un organisateur.
Producteur des événements immobiliers My Home in Israel, Gidon Katz a expliqué que l’hôte de l’exposition, à savoir une synagogue des environs de Flatbush-Midwood, avait annulé en raison de « menaces sérieuses ».
Katz a fait part de son désaccord, regrettant que les dirigeants de la communauté « aient reculé face au terrorisme ».
« Il n’y a rien que je puisse [faire] », a déclaré Katz au New York Jewish Week.
« Ce n’était pas entre mes mains. »
La synagogue dans laquelle devait se tenir l’événement, Khal Bnei Avrohom Yaakov, n’a pas répondu aux appels téléphoniques mardi et mercredi. Sa salle polyvalente est fréquemment utilisée pour des événements communautaires.
Une coalition d’organisations pro-palestiniennes a parlé de « victoire » suite à l’annulation de l’événement et a appelé à un rassemblement au lieu de la manifestation prévue.
Cette exposition à Brooklyn devait être la dernière d’une tournée passée par un certain nombre de quartiers fortement juifs tels que Teaneck, New Jersey, Montréal, Toronto ou Lawrence, dans l’Etat de New York.
Les autres événements ont suscité de vives critiques ainsi que des manifestations, mais n’ont pas été annulés.
Katz, qui travaille pour une société de relations publiques en Israël, où il vit, a rappelé que le groupe immobilier faisait cette tournée depuis 20 ans.
Cette année, en raison de l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre et de la guerre qui s’en est suivie, les expositions immobilières sont devenues plus populaires mais également plus controversées, explique Katz.
Comme chaque année, cette tournée a attiré les curieux intéressés par l’achat de biens immobiliers en Israël, alors que le pays traverse une crise et que l’antisémitisme s’est intensifié, mais elle a également reçu la visite de militants dénonçant la vente de « terres palestiniennes volées » – ce que Katz nie.
« Les gens ont l’impression qu’il y a un gros problème ici, et même s’il y a un problème en Israël, s’il y a vraiment des problèmes, il vaut mieux être tous ensemble. Ils sentent qu’Israël est leur maison », explique Katz, en faisant allusion aux informations faisant état d’un regain d’antisémitisme.
Pour certains candidats à l’achat, analyse Katz, Israël est un refuge, pour d’autres, un lieu de vacances ou encore un moyen de se rapprocher de leurs enfants. La guerre semble décider les acheteurs, estime-t-il. « La guerre a accéléré ce mouvement, et non l’inverse », souligne-t-il.
Lors de cette tournée, 35 vendeurs ont commercialisé une centaine de projets immobiliers, en leur présentant les destinations israéliennes les plus recherchées par les olim américains et en leur donnant des informations sur les prêts hypothécaires ou les déménagements internationaux.
Les projets immobiliers se trouvent par exemple à Jérusalem, Tel Aviv ou Haïfa, ainsi que dans des villes plus petites à forte population orthodoxe comme Beit Shemesh ou Givat Shmuel.
Trois implantations de Cisjordanie – Efrat, Neve Daniel et Maale Adumim – ont également fait l’objet d’un dépliant publicitaire, Katz se disant seulement informé des projets à Efrat.
La polémique a commencé d’enfler lorsque Rich Siegel, qui s’est présenté comme un habitant juif de Teaneck, s’est opposé à ce que l’exposition se tienne dans sa ville lors d’une réunion du conseil municipal en février dernier. Siegel avait alors indiqué qu’un tel événement était illégal, dans la mesure où seuls les Juifs pouvaient y assister, que la synagogue y prêtait son concours et que des biens situés dans des implantations y étaient mis en vente.
Les propos de Siegel, qui a affirmé que cet événement « violait à la fois le droit national et le droit international », se sont répandus comme de la poudre sur Internet et ont donné lieu à une manifestation. Des centaines de personnes se sont massées devant le lieu de l’exposition de Teaneck avec des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Résistance jusqu’à la libération ».
D’autres manifestations, parfois assorties de contre-manifestations pro-israéliennes, ont eu lieu lors des autres étapes de la tournée. Lors d’une manifestation à Toronto, un homme semblant être un contre-manifestant opposé aux groupes palestiniens a été arrêté pour port de pistolet à clous, ont fait savoir les médias canadiens.
Katz a nié les accusations portées contre ces expositions. Il a ainsi déclaré que l’entrée n’était en rien réservée aux Juifs et que les synagogues leur louaient des espaces, sans pour autant être co-organisatrice des événements. Par ailleurs, rien n’a été vendu lors des expositions, a-t-il assuré.
L’Anti-Defamation League a également émis un avertissement sur les « propos inexacts, clivants et provocateurs » tenus au sujet de cette exposition.
S’agissant des biens à vendre dans les implantations, Katz a établi une distinction reprise par de nombreux Israéliens. Si les Nations Unies et une grande partie de la communauté internationale considèrent que les implantations sont contraires au droit international, nombre d’Israéliens font le distinguo entre les implantations de banlieue construites près de la frontière entre la Cisjordanie et Israël et les avant-postes établis plus profondément en Cisjordanie, dont beaucoup sont considérés comme illégaux en vertu de la loi israélienne. (Les Israéliens d’extrême droite soutiennent les avant-postes et souhaitent leur développement.)
Efrat, Neve Daniel et Maale Adumim sont relativement proches de Jérusalem. Elles sont parfois qualifiés d’implantations « consensuelles », très probablement annexées à Israël si un accord de paix avec les Palestiniens se faisait jour. Katz a expliqué que la grande majorité des biens immobiliers présentés lors de cette tournée se trouvaient à l’intérieur des frontières reconnues d’Israël.
Avant l’arrivée de l’exposition à Brooklyn, des organisations pro-palestiniennes en avaient condamné le principe et promis de manifester.
Le Conseil des relations américano-israéliennes de New York, connu sous le nom de CAIR, avait annoncé son intention de manifester, accusant les organisateurs de « vol de terres ».
La branche new-yorkaise du CAIR a déclaré que des dizaines de groupes d’activistes new-yorkais soutenaient activement le principe de la manifestation. Ses organisateurs ont appelé leurs soutiens à faire pression sur les fonctionnaires, à commencer par le bureau du procureur général, pour faire annuler l’exposition pour illégalité.
Le bureau du procureur général n’a pas souhaité faire de commentaire.
Sur Instagram, dans un message revendiquant la victoire, l’un des groupes pro-palestiniens, Al-Awda, a par ailleurs revendiqué les terres sur lesquelles se trouvent les biens immobiliers – sans établir de distinction entre la Cisjordanie et Israël.
« La vente illégale de terres palestiniennes volées à Flatbush, Brooklyn, a été annulée ! », peut-on lire. « Nous ferons tout pour qu’elle ne se tienne pas, au nom de la Palestine, et nous continuerons à nous battre pour notre terre jusqu’à la libération totale et le retour, du fleuve à la mer. »