Avec tact mais fermeté, Blinken conseille à Netanyahu de ne pas nuire à la démocratie
Dans l'ombre du projet de refonte judiciaire, le secrétaire d'État a rappelé à son hôte que les liens entre les deux pays ont toujours été fondés sur des valeurs partagées

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Avec le Premier ministre à ses côtés, le secrétaire d’État américain en visite, Antony Blinken, a lancé dimanche un appel avec tact, mais sans équivoque, à Benjamin Netanyahu pour qu’il préserve la démocratie dynamique d’Israël et reconsidère les éléments radicaux de la refonte du système judiciaire qui la menacent.
Si certains avaient pensé que le secrétaire d’État choisirait de passer sous silence les projets de réformes – qui donnerait un pouvoir presque illimité à la majorité politique en Israël et empêcherait largement la Haute Cour de servir de frein indépendant et compétent aux abus du gouvernement – les derniers passages des remarques publiques de Blinken à Jérusalem ont souligné que l’administration américaine considère les changements proposés comme tout sauf une affaire interne à Israël. Au contraire, a-t-il précisé, « l’essence démocratique d’Israël est au cœur de la relation bilatérale ».
Blinken avait déjà mentionné l’importance de la démocratie israélienne plus tôt dans son bref discours, lorsqu’il a souligné la conviction des États-Unis que s’éloigner de « la vision de deux États » pour les Israéliens et les Palestiniens est « préjudiciable à la sécurité à long-terme d’Israël et à son identité à long-terme en tant qu’État juif et démocratique ».
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Mais c’était une salve d’ouverture mineure par rapport à ce qui a suivi peu après.
Blinken a fait remarquer que non seulement les « intérêts communs » mais aussi les « valeurs communes » sont au cœur des liens entre les États-Unis et Israël, et qu’ils l’ont toujours été. « Tout au long de la relation entre nos pays, nous revenons sans cesse sur le fait qu’elle est ancrée à la fois dans des intérêts et des valeurs partagés », a-t-il déclaré.
Puis il s’est montré plus précis, dévoilant une liste de ces valeurs partagées de longue date. « Cela inclut notre soutien aux principes et institutions démocratiques fondamentaux, notamment le respect des droits de l’Homme, l’administration égale de la justice pour tous, l’égalité des droits des groupes minoritaires, l’État de droit, la liberté de la presse, une société civile robuste. »
Au cas où quelqu’un n’aurait pas compris, Blinken a ensuite noté, dans une référence claire aux manifestations et aux lettres alarmistes qu’ont entraînées les projets de révision. « Et le dynamisme de la société civile israélienne a été pleinement affiché ces derniers temps. »
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Après avoir indiqué que le respect des principes démocratiques par Israël est crucial pour les relations bilatérales, Blinken a poursuivi en donnant quelques conseils. « L’engagement des personnes dans nos deux pays à faire entendre leur voix, à défendre leurs droits, est l’une des forces uniques de nos démocraties », a-t-il déclaré. « Une autre est la reconnaissance du fait que la recherche d’un consensus pour de nouvelles propositions est le moyen le plus efficace de s’assurer qu’elles sont adoptées et qu’elles perdurent. »
En termes moins diplomatiques, cela revient à demander à Netanyahu de ne pas essayer de faire passer les réformes au Parlement en quelques semaines, en ignorant et en écrasant l’opposition des partis n’appartenant pas à la coalition, d’une grande partie du public, des économistes, des banquiers, des universitaires, des artistes et autres, comme la coalition a clairement indiqué son intention de le faire. Au lieu de cela, le secrétaire encourageait le Premier ministre à s’engager dans le type de discussion prudente et patiente qui est manifestement nécessaire si l’on veut faire un véritable effort pour ajuster le délicat équilibre des pouvoirs entre les branches exécutive et judiciaire de la gouvernance.
Pour conclure cette liste de conseils non sollicités, Blinken a pris soin de le présenter non pas comme une critique sévère, mais comme le genre de contribution constructive que des alliés chaleureux doivent parfois fournir lorsque l’un d’eux risque de s’écarter du chemin de l’intérêt national et de l’intérêt bilatéral.
« Nos camarades démocratiques peuvent aussi nous rendre plus forts », a souligné Blinken. « C’est ce que les États-Unis et Israël ont fait l’un pour l’autre pendant des dizaines d’années – en nous tenant aux normes mutuelles que nous avons établies, et en parlant franchement et respectueusement, comme le font les amis, lorsque nous sommes d’accord et lorsque nous ne le sommes pas. »

Blinken a conclu en assurant au monde entier, malgré tout ce qu’il venait de dire, qu’il était convaincu que son hôte ne conduirait pas Israël sur la voie de la ruine démocratique. « La discussion que le Premier ministre et moi-même avons eue aujourd’hui n’était pas une exception. Cette conversation se poursuivra, y compris avec d’autres membres du gouvernement israélien et de la société civile, dans le cadre d’un processus continuel visant à défendre et à renforcer les piliers de notre démocratie, à laquelle nous sommes tous deux attachés. »
Il ne s’agissait donc pas d’une directive de la part de la superpuissance amie d’Israël, ni d’une condition brutale pour le maintien de l’alliance cruciale, mais certainement d’un rappel clair que le partenariat bilatéral intime a toujours été « enraciné » dans l’hypothèse qu’Israël était, est et sera un partenaire démocratique de confiance pour les États-Unis.
La conclusion incontournable n’a pas été stipulée : si Israël ne doit plus être une nation démocratique dynamique – avec ce « respect des droits de l’Homme, l’administration égale de la justice pour tous, l’égalité des droits des groupes minoritaires, l’État de droit, la liberté de la presse, une société civile robuste » – il n’aura tout simplement pas le même partenariat avec son allié le plus essentiel.
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