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Analyse

Bahrein: même les alliés arabes de Trump ont considéré 2 Etats comme essentiels

Ils n'ont pas suivi l'appel de l'AP à boycotter l'atelier économique de Kushner mais les participants ont clairement établi que la vision US devait intégrer un état palestinien

Raphael Ahren

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le sénateur américain Lindsey Graham lors d'une audience de confirmation de la commission judiciaire du Sénat au Capitole, le 20 mars 2017. (AFP Photo/Brendan Smialowski)
Le sénateur américain Lindsey Graham lors d'une audience de confirmation de la commission judiciaire du Sénat au Capitole, le 20 mars 2017. (AFP Photo/Brendan Smialowski)

Une semaine après l’atelier économique organisé au Bahreïn, les responsables américains et palestiniens ont – et c’était prévisible – une vision très différente de l’événement qui avait été annoncé comme étant la révélation de la première partie de la proposition de paix très attendue soumise par la Maison blanche.

« Le sommet ‘De la paix vers la prospérité’ qui a eu lieu au Bahreïn a été une réussite avec une participation internationale qui a dépassé les attentes », a dit Jason Greenblatt, l’envoyé au Moyen-Orient du président Donald Trump, au Times of Israel cette semaine.

Nous avons été bouleversés par la réponse que nous avons obtenue », a ajouté mercredi Jared Kushner, haut-conseiller de Trump, dans une conférence téléphonique avec des journalistes.

« Tous les pays que nous avions invités sont venus, et nous avons eu une assistance très, très importante. Nous avons eu un grand nombre d’éminents hommes d’affaires venus du monde entier ainsi que toutes les grandes entreprises », a-t-il ajouté.

Les Palestiniens, qui ont pour leur part boycotté l’événement, ont estimé – sans surprise – que la conférence avait été un échec colossal qui n’avait pas produit grand-chose, sinon du verbiage.

« C’est passé. C’est fini. Certains Arabes sont venus et d’autres non. Certains Européens sont venus et d’autres non » dit mercredi le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.

« Cette conférence était un gros mensonge proféré par Kushner et d’autres, qui a été mis au point pour nous ridiculiser. Personne ne nous ridiculisera », a-t-il ajouté.

Le président de l’AP Mahmoud Abbas s’adresse aux eaux journalistes palestiniens et arabes au siège présidentiel de l’AP, le 3 juillet 2019 (Crédit : Wafa)

Jusqu’à présent, rien de bien étonnant. Mais les résultats concrets qui ont pu éventuellement être obtenus à Manama restent néanmoins aussi flous que les contours du volet politique qui sera révélé dans le futur dans le cadre de ce qui a été appelé « l’Accord du siècle ».

Mais le Bahreïn aura au moins eu un avantage, permettant de clairement établir une chose : Aujourd’hui, même ceux qui sont favorables à la proposition de paix de l’administration Trump considèrent qu’un accord de statut final doit comprendre un état palestinien sous une forme ou une autre.

Dans le monde arabe, un grand nombre de personnes étaient et restent sceptiques – c’est le moins qu’on puisse dire – sur l’approche choisie par la Maison Blanche face au conflit israélo-palestinien. Et pourtant, un nombre impressionnant de haut dignitaires arabes ont assisté au sommet du Bahreïn.

Les autorités de Ramallah avaient espéré que ces pays qu’elles considèrent comme des alliés allaient rejoindre son boycott.

Mais l’Egypte, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et d’autres y ont néanmoins pris part, offrant une certaine crédibilité aux efforts de paix de l’administration américaine et permettant, ce faisant, à Kushner et à Greenblatt de présenter la conférence comme une réussite absolue.

Néanmoins, dans les couloirs de l’hôtel Four Seasons de Manama – où s’est tenue la conférence mardi et mercredi dernier – un grand nombre de participants ont fait part avec force de leur conviction que le plan de paix s’effondrerait lamentablement s’il n’offrait pas aux Palestiniens un état, sous quelque forme que ce soit, et que si ce n’était un état pleinement souverain, alors au minimum un « état moins ».

Tout ce qui exclura une solution à deux Etats n’aura aucune valeur, ont convenu les invités au sommet et leurs entourages.

Le ministre des Affaires étrangères du Bahreïn Khalid bin Ahmed Al Khalifa s’entretient avec le Times of Israël en marge de l’atelier de Paix et de Prospérité à Manama, au Bahreïn, le 26 juin 2019. (Courtesy)

Même le ministre des Affaires étrangères du Bahreïn, Khalid bin Ahmad Al Khalifa, qui a fait les gros titres pour des propos exceptionnellement pro-israéliens – notamment au cours d’une interview avec ce journaliste et d’autres médias au sein de l’Etat juif – a répété le soutien apporté par son pays à la solution à deux Etats.

« Nous soutenons un Etat palestinien sur les frontières du 4 juin 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, avec une pleine souveraineté et jouissant des pleins droits pour la population palestinienne. C’est là notre position et elle n’a pas changé », a-t-il confié à la chaîne d’information saoudienne Al-Arabiya vingt-quatre heures après la clôture de la conférence.

Et mardi, lors d’un entretien avec de hauts-responsables des secteurs de la Défense et des Affaires étrangères, Khalifa a évoqué les « résultats fructueux » du sommet tout en réaffirmant le soutien de son gouvernement à un état indépendant pour les Palestiniens « avec Al-Quds [Jérusalem] comme capitale ».

L’ex-Premier ministre britannique Tony Blair, qui a été interviewé sur la scène de la conférence par Kushner à la fin des deux jours de discussions, mercredi soir, a pour sa part répété son positionnement à plusieurs occasions : « Je reste convaincu de la nécessité d’une solution à deux Etats, convaincu des aspirations légitimes des Palestiniens à un Etat » (des propos que Kushner a écouté, impassible).

La représentante spéciale pour le processus de paix au Moyen-Orient de l’Union européenne, Susana Terstal, qui a assisté à la conférence de Manama, a également répété qu’une solution à deux Etats était le seul moyen d’aller de l’avant.

Dans des conversations privées en marge de la conférence, même les défenseurs fervents d’Israël ont présumé que la nature détaillée du plan économique – qui, sur 140 pages, propose environ 175 projets et programmes pour améliorer la qualité de vie en Cisjordanie et à Gaza – semblait indiquer que la partie politique qui suivra dorénavant devrait probablement proposer une forme d’Etat palestinien.

Le sénateur américain Lindsey Graham lors d’une audience de confirmation de la commission judiciaire du Sénat au Capitole, le 20 mars 2017. (AFP Photo/Brendan Smialowski)

Pour sa part, Lindsay Graham, un allié de Trump et sénateur républicain de Caroline du nord plutôt belliqueux qui s’est rendu au sein de l’Etat juif cette semaine, a noté qu’il était également opposé à tout plan de paix qui omettrait deux Etats pour deux peuples.

« Si on regarde l’avenir, la seule manière de garantir que l’Etat juif soit démocratique et reconnaîssent les droits de sa population n’est certainement pas le choix de la solution à un Etat », a-t-il dit lors d’une conférence de presse organisée mercredi à Jérusalem. « Et cela signifie de mettre en place une solution à deux Etats ».

Graham a ajouté que « je n’investirai pas un seul centime dans une situation qui résulterait en un seul Etat.

L’administration américaine a-t-elle écouté ? Difficile de répondre à cette question.

Interrogé sur d’éventuels changements du plan de paix en préparation suite au Bahrein, Greenblatt a déclaré cette semaine au Times of Israel que « nous continuerons notre collecte de retour d’informations techniques et constructives sur la vision économique afin d’aider à façonner la version finalisée du projet économique ».

Kushner, lors de sa conférence téléphonique avec des journalistes, mercredi, a déclaré que lui et son équipe avaient quitté Manama avec « des idées nouvelles et quelques retours d’information constructifs sur le plan économique ».

Il n’a pas précisé si les propos qu’il avait pu entendre à la conférence sur la nécessité d’une solution à deux Etats se répercuteraient dans le volet politique de sa proposition.

Mais il a ajouté qu’il pourrait l’annoncer très rapidement.

« Nous dirons probablement la semaine prochaine quelles seront nos prochaines actions », a-t-il précisé, « et nous continuerons alors à avancer ».

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