Ces vestiges de l’Empire ottoman dans la Jérusalem d’aujourd’hui
Les structures historiques dans toute la capitale ont été restaurées et offertes à l'usage public, apportant les arts, la culture, l'éducation et la couleur à la ville
Le 30 octobre 1946, les membres des réseaux clandestins en Palestine avaient fait exploser la salle d’attente de la gare de Jérusalem. Cette dernière était considérée comme une cible légitime, les trains étant utilisés par les Britanniques pour redéployer leurs forces. Et les Britanniques, qui dirigeaient alors le pays, empêchaient des survivants désespérés de la Shoah d’entrer en Palestine. Quand la bombe avait été activée, la structure avait été partiellement détruite et un policier arabe ainsi qu’un sapeur-pompier britannique avaient perdu la vie.
Inaugurée le 26 septembre 1892, la gare de Jérusalem avait été un projet conjointement mené par la France et les Allemands pour les tous premiers trains ralliant la ville sainte à la côte (et vice versa). Et tandis que le voyage durait alors presque quatre heures, l’inauguration du réseau ferroviaire avait entraîné l’euphorie générale.
Selon un journal de l’époque, HaOr (la lumière), il y avait eu « une foule massive rassemblée à Emek Refaim [une rue avoisinante]… Des Juifs, des Arabes, des Grecs, des Européens, des Asiatiques… Des voitures qui allaient et venaient… Et la place, presque toujours désolée, remplie d’individus aux visages radieux… avec des voix qui criaient : ‘La locomotive à moteur arrive ! Jérusalem est connectée au monde’ ! »
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La First Station (tahana harishona)
La gare historique de Jérusalem était restée en fonctionnement jusqu’à l’été 1998. Pendant quelques années, elle avait été ensuite laissée à l’abandon – jusqu’au début des travaux de restauration, en 2010, dans ce qui est connu aujourd’hui sous le nom de tahana harishona.
Ouverte sept jours sur sept, c’est l’un des sites les plus populaires de la ville et elle accueille des restaurants, des divertissements gratuits, des bazars, une grande variété d’activités et un parcours de course à pieds/bicyclette/ marche le long des anciennes voies qui fait sept kilomètres de long.
Et la tahana harishona n’est que l’une parmi des nombreuses structures remarquables qui avaient été construites à Jérusalem au cours de l’ère ottomane en Palestine (1517-1917) et qui sont utilisées aujourd’hui par différents secteurs de population. Edifiées au 19e et au début du 20e siècle par les Juifs, les Arabes, les Ethiopiens, les Allemands, les Français, les Anglais et les Italiens, leurs histoires, leur fonction et leur architecture sont très variées.
L’Atelier d’imprimerie de Jérusalem
Parmi ces bâtiments, il y a l’Atelier d’imprimerie de Jérusalem, qui se trouve au 38 de la rue Shivtei Yisrael, l’une des toutes premières constructions ayant été dressées aux abords des murs de Jérusalem. Datant de 1965 et imaginé par un architecte arabe, il a été érigé en deux phases. Et il a accueilli, au fil des ans, toutes sortes de résidents fascinants.
Le premier était Hassan Bey Turjeman, un riche entrepreneur, qui exploitait au rez-de-chaussée une usine de fabrication de carrelage. Plus tard, les habitants devaient inclure un Juif nord-africain vivant à Paris, qui en avait fait sa résidence secondaire pour la période estivale ; un survivant des pogroms atroces de Kishinev connu sous le nom du Rabbin rouge (dans la synagogue duquel trônaient de grands portraits de Lénine et de Marx) ; un atelier clandestin qui fabriquait des vêtements pour les enfants et des imitations de jeans ; et le dortoir de l’école pour filles située de l’autre côté de la rue. Pendant la guerre d’Indépendance et plus tard, lors de la guerre des Six jours, cette belle structure avait été ravagée par les balles et partiellement détruite.
En 1976, quand l’artiste Arik Kilemnik a acheté le bâtiment pour l’Atelier d’imprimerie de Jérusalem, une organisation à but non-lucratif, la bâtisse était dans un terrible état, menaçant presque de s’écrouler.
Kilemnik explique qu’il y a une longue tradition d’imprimerie sur la terre d’Israël, qu’il a voulu faire perdurer. L’organisation invite donc des artistes locaux et internationaux qui créent des imprimés et des livres d’artistes en finançant la totalité du processus créatif. Elle utilise même de vieilles machines à imprimer – et notamment celle, historique, qui avait été assemblée en Italie en 1854 et grâce à laquelle Moshe Yoel Salomon devait publier le premier journal en hébreu dans le pays, le Levanon.
Les créations d’artistes sont présentées dans les deux galeries de l’Atelier – mises en valeur par l’intérieur voûté de la structure. Actuellement, c’est un imprimeur écossais, Stuart Duffin, qui présente ses ouvrages qui mélangent gravures et mezzo-tinto – majoritairement consacrés à Jérusalem. Une seconde exposition permet de découvrir les oeuvres d’un groupe d’artistes utilisant une grande variété de techniques. Si vous comptez vous rendre là-bas, n’oubliez pas de jeter un coup d’oeil aux portes originales dotées d’une poignée très inhabituelle.
Beit Davidoff
Situé au nord-ouest du quartier ultra-orthodoxe de Mea Shearim, le quartier de Bukhara a été fondé en 1891 par de riches immigrants originaires de Bukhara (ville d’Ouzbékistan, un pays du centre de l’Asie). Il voulait offrir des habitations spacieuses sur des boulevards bordés d’arbres, avec des artères principales de taille généreuse (10,5 mètres de largeur) et des rues adjacentes de cinq mètres de largeur.
Traditionnalistes, les fondateurs du quartier avaient nommé ce dernier Rehovot (Espaces vastes) en s’inspirant du puits creusé par Isaac dans la vallée de Gerar : « Il se transporta de là, et creusa un autre puits, pour lequel on ne chercha pas querelle; et il l’appela Rehovot, car, dit-il, l’Eternel nous a maintenant mis au large, et nous prospérerons dans le pays » [Genèse 26:22].
Il reste très peu de choses aujourd’hui du quartier d’origine, la majorité des bâtiments élégants ayant été détruits ou se trouvant à l’état de ruines. Les descendants des habitants initiaux ont déménagé et ils ont presque entièrement été remplacés par les Haredim. Même certains noms de rue ont changé (peut-être de manière non-officielle). Lors de notre dernière visite, nous avons appris ainsi que la rue Rehovot Habukharim était devenue la rue David.
Toutefois, il reste au moins un joyau dans les vestiges des habitations du quartier. Construit par Joseph Davidoff in 1914, il est connu pour être une copie de son élégant domicile familial à Bukhara. La maison porte le nom de Beit Davidoff.
Les fenêtres sont bordées de petites colonnes, avec à leur sommet des pignons joliment sculptés. A l’extérieur, des motifs floraux et un tuyau de gouttière inhabituel, fabriqué à base de pierre et non d’étain. Un modèle de fenêtres asymétriques et d’étoiles de David décorent ce bâtiment fabuleux, qui a hébergé le premier lycée hébreu de Jérusalem dans les années 2020. Le plus exceptionnel reste toutefois le toit en tuiles rouges sur deux couches qui s’élève au-dessus de la demeure.
Après avoir été négligé pendant des décennies, Beit Davidoff a été restauré et est devenu le centre Moksel, chargé de la préservation soigneuse des artisanats ethniques. Aujourd’hui, la maison héberge le centre communautaire Geula Bukarim et sert 55 000 résidents haredim.
Une excellente exposition permanente, dans le bâtiment, raconte cette histoire ainsi que celle des quartiers adjacents. Le centre Paam pour les visiteurs offre une grande variété de visites guidées, ainsi que des enregistrements, des cartes et des écouteurs pour une visite audio du quartier de Bukharan.
Ponts pour la paix
A moins de deux kilomètres, l’édifice adorable du 7 de la rue Shmuel Adler avait été construit par la famille royale éthiopienne au tout début du 20e siècle. Il aurait pu servir de palais d’hiver pour la reine mais devait ensuite être transformé en appartements dont la location allègerait le fardeau de la pauvreté pesant sur les épaules des Ethiopiens chrétiens de Jérusalem.
En 1999, la structure a été louée à une ONG chrétienne appelée Bridges for Peace (Ponts pour la paix) et elle accueille aujourd’hui le siège international du groupe. Bridges for Peace avait été fondé en 1976 par le docteur G. Douglas Young, qui avait antérieurement créé l’Institut d’études en terre sainte sur le mont Sion (devenu aujourd’hui le Jerusalem University College).
Selon la directrice-générale Rebecca Brimmer, Bridges for Peace se bat pour offrir aux chrétiens du monde entier une nouvelle perspective sur Israël.
« La majorité des gens, hors des frontières d’Israël, ne savent que ce qu’ils lisent ou ce qu’ils voient dans les médias », explique-t-elle.
« Ils ne sont jamais venus ici, ils ne connaissent pas d’Israéliens et parfois, ils n’ont même pas rencontré un seul Juif. Les informations positives ne franchissent jamais les frontières de ce pays », ajoute-t-elle.
Bridges for Peace collecte des fonds par le biais de ses bureaux dans neuf pays du monde, qui sont chargés de distribuer un journal pro-israélien plein de dynamisme. L’organisation est responsable de la venue de milliers de touristes dans le pays chaque année et, en travaillant avec des dizaines de municipalités et conseils locaux, elle propose une Banque alimentaire aux Israéliens dans le besoin. De plus, chaque année, le groupe prend en charge la scolarité – des repas aux fournitures, en passant par les excursions – de 400 enfants israéliens.
« Nous nous efforçons véritablement de combler l’abîme créé entre les chrétiens et les Juifs au cours de 1 700 ans d’histoire malheureuse. Nous ne pouvons pas changer les injustices terribles qui ont été commises envers les Juifs dans le passé », dit Brimmer, « mais nous pouvons en revanche changer le présent et l’avenir ».
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Geula Bukharim est ouvert du dimanche au jeudi de 9 heures à 21 heures.
Les horaires d’ouverture de l’Atelier d’imprimerie de Jérusalem sont de 8 heures à 15 heures, du lundi au jeudi. Les visiteurs et les dons faits à l’ONG sont les bienvenus.
Aviva Bar-Am est l’auteur de sept guides de langue anglaise à Israël.
Shmuel Bar-Am est un guide agréé qui fournit, des visites privées personnalisées en Israël pour les individus, les familles et les petits groupes.
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