Des archéologues découvrent les origines de l’évolution de l’alphabet
Le plus ancien précurseur de la lettre S a été retrouvé dans un texte cananéen de 9 lettres déterré à Lakish
Ilan Ben Zion est journaliste au Times of Israel. Il est titulaire d'une maîtrise en diplomatie de l'Université de Tel Aviv et d'une licence de l'Université de Toronto en études du Proche-Orient et en études juives
Un tesson légèrement plus grand qu’une carte de contact a été trouvé dans les ruines d’un temple de la fin de l’Age du Bronze sur le site biblique de Lakish dans le sud d’Israël.
Il a révélé à quelques lettres d’un alphabet du 12e siècle avant notre ère – ce qu’un chercheur a appelé « une [trouvaille] d’une génération ».
L’inscription, trois lignes contenant neuf lettres sémitiques, a été découverte lors de fouilles sur le site en 2014 et la date a été estimée à environ 1130 avant notre ère.
C’est la première inscription cananéenne retrouvée qui date de l’époque de la fin de l’ère de l’âge du Bronze en plus de 30 ans, ont précisé les auteurs de l’étude. Les lettres ont été gravées dans un pot en argile avant sa cuisson, et sont exceptionnellement claires.
Sur la première ligne, les lettres PKL ont été inscrites, sur la deuxième ligne, il y a les lettres SPR – la racine sémitique pour le mot scribe – mais sur la troisième ligne, il y a deux lettres qui ont une signification incertaine, (pour une lettre, on a retrouvé qu’un fragment).
Le texte comprend les premiers exemples datables des lettres Kaf – le précurseur de la lettre latine K – samekh – S – et Resh – R. Samekh n’avait jamais été trouvée dans les inscriptions du début de l’ère cananéenne.
Les détails de l’intrigante inscription de neuf lettres ont été publiés dans le numéro de novembre / décembre du Bulletin of the American Schools of Oriental Research.
Les Cananéens ont commencé à développer l’alphabet vers 1800 avant notre ère, plus de mille ans après que l’écriture cunéiforme est apparue en Mésopotamie.
Le Professeur Yosef Garfinkel de l’université Hébraïque, l’un des co-auteurs de l’article, a signalé que cette innovation est « la plus grande contribution intellectuelle de la terre d’Israël à la culture mondiale ».
« ‘il n’y avait pas eu un alphabet, il n’y aurait pas eu de Bible », a-t-il ajouté.
Mais il y a des siècles de silence après les plus anciennes inscriptions alphabétiques connues. « Nous n’avions aucune idée de comment l’alphabet a été préservé au fil des ans, la façon dont il n’a pas été oublié ou perdu », a-t-il expliqué.
Les archéologues de l’université de Tel Aviv, de l’université Hébraïque et de l’université Adventiste du Sud du Tennessee, qui ont étudié l’inscription de tesson, ont déterminé qu’il était trop fragmentaire pour parier sur ce qu’il pourrait dire.
La découverte du fragment de pot dans un temple suggère que le texte peut être un texte consacré.
Les chercheurs ont souligné, toutefois, que les lettres elles-mêmes fournissent des informations cruciales sur le développement de l’alphabet proto-cananéen – le précurseur des alphabets hébreu, grec et latin.
« Les inscriptions datant de la fin de l’âge de Bronze en elles-mêmes sont très rares », ont affirmé les auteurs, dirigés par Benjamin Sass de l’université de Tel Aviv. « Entre quatre et six inscriptions alphabétiques existent depuis la fin de l’âge de bronze, pendant le 13e siècle et une partie du 12e ».
« Chaque bout d’information est une autre pièce du puzzle », a déclaré Garfinkel au téléphone. « Une fois tous les 30 ans, une fois par génération, on trouve une inscription ».
Les premiers textes alphabétiques de cette période sont tellement rares, notent-ils, que plusieurs lettres de l’alphabet ne sont toujours pas documentées. Ce qu’ils démontrent est l’évolution progressive des lettres sémites, du pictogramme à des symboles plus linéaires. « L’impact d’un nouveau texte unique peut être considérable » pour comprendre l’évolution du début de l’alphabet, ont expliqué les auteurs.
A l’époque où l’inscription a été écrite, Lakish était un centre économique prospère dans le pays de Canaan, dominé par les Egyptiens, et l’une des villes les plus importantes de la région pendant l’âge du bronze.
Il a été mentionné dans d’anciennes correspondances entre l’Egypte et ses vassaux cananéens retrouvés à Amarna.
Lors des fouilles, des tombes opulentes ont été découvertes, des ruines de grands temples, et les marchandises importées en provenance de Chypre et de la Grèce.
Mais plus important encore, des fouilles dans les années 1970 ont trouvé un trésor hébraïque de sceaux royaux portant les mots « au roi ».
« La ville cananéenne de Lakish était l’un des centres les plus importants dans le monde pour l’utilisation de l’alphabet », et a préservé la culture de l’aide d’un système d’écriture égalitaire, a précisé Garfinkel.
Les systèmes antérieurs d’écriture comme le cunéiforme sumérien ou les hiéroglyphes égyptiens, exigeaient des années d’étude et étaient compréhensibles seulement par une élite de cadres scribes. Les alphabets étaient beaucoup plus accessibles à tout le monde.
Pendant l’âge de fer, avec la montée du royaume de Juda, Lakish est devenue la deuxième ville de la monarchie israélite, une ville fortifiée majeure à la frontière du pays des Philistins.
Les comptes-rendus narratifs bibliques et assyriens documentent sa capture et sa destruction par l’armée de Sennachérib en 701 avant notre ère.
[mappress mapid= »4505″]
Plus tôt cette année, Garfinkel a annoncé la découverte d’une inscription datant de l’âge de fer cananéen retrouvée sur un grand bocal de stockage en argile trouvée à Khirbet Qeiyafa, à plus de 16 km au nord de Lakish, datant d’environ 1020 à 980 avant notre ère.
L’inscription de Qeiyafa porte le nom d’un personnage biblique : Ishbaal, fils de Beda.
« La culture cananéenne influe essentiellement à ce jour toutes les langues qui utilise un alphabet », a expliqué Garfinkel. « Pas seulement en hébreu et en arabe mais auss d’autres langues sémitiques ».