Enquête policière sur un responsable de ‘Breaking the silence’
La ministre de la Justice a demandé qu'une enquête soit ouverte sur Dean Issacharoff, filmé en train de décrire comment il avait frappé un manifestant désarmé

La police a ouvert une enquête pour agression jeudi contre le porte parole de l’organisation ‘Breaking the Silence’ Dean Issacharoff après qu’une vidéo dans laquelle il décrivait les coups brutaux qu’il avait donnés à un manifestant palestinien désarmé à Hébron est devenue virale.
Cette investigation suit une demande soumise au procureur général Avichai Mandelblit par la ministre de la Justice Ayelet Shaked d’ouvrir une enquête sur le porte-parole de l’ONG israélienne, soupçonné de crime de guerre.
« Dans cette vidéo, Dean Issacharoff affirme qu’il a frappé sans aucune raison apparente au visage et à la poitrine un Palestinien, qui a saigné et perdu connaissance et ce devant ses supérieurs et d’autres soldats », a indiqué un communiqué du ministère de la Justice.
Un des fondateurs de l’ONG, Yehuda Shaul, a précisé à l’AFP que l’incident impliquant le porte-parole à Hébron avait eu lieu en 2014.
Toutefois, le procureur de l’état a nié que sa décision d’enquêter sur Issacharoff ait eu quelque chose à voir avec la demande émise par Shaked, précisant qu’elle était venue du procureur général militaire.
Shaked avait déclaré à la radio militaire au début du mois qu’elle cherchait à savoir si Issacharoff avait dit la vérité lorsqu’il avait décrit un incident présumé survenu dans la ville de Cisjordanie de Hébron ou s’il mentait dans le but de discréditer l’armée israélienne.
« Le porte-parole de ‘Breaking the Silence’ se lève pour dire qu’il a lui-même commis un crime contre un Palestinien et qu’il l’a roué de coups », a dit Shaked. « Si c’est véritablement ce qu’il s’est passé, une enquête doit être ouverte et il doit être puni. Si ce n’est pas le cas, l’état doit officiellement déclarer que ce n’est pas arrivé ».

‘Breaking the Silence’ — une ONG israélienne qui publie les témoignages d’anciens soldats israéliens qui rapportent de présumées violations faites aux droits de l’Homme en Cisjordanie et dans la bande de Gaza – a suscité la colère des responsables israéliens et attiré les critiques de ceux qui mettent en doute l’authenticité des témoignages soumis, majoritairement de manière anonyme.
Issacharoff avait été filmé il y a deux mois lors d’un rassemblement de ‘Breaking the Silence’ à l’occasion d’une confession publique dans laquelle il avait raconté avoir passé à tabac un Palestinien.
Issacharoff, lieutenant de réserve ayant servi dans l’armée entre 2011 et 2015, avait raconté comment son unité d’infanterie – la Brigade Nahal – avait été déployée à Hébron et affrontait régulièrement des manifestants palestiniens qui leur jetaient des pierres.
A une occasion, avait-il dit, le commandant de sa compagnie lui avait ordonné de passer les menottes à un Palestinien qui résistait de façon passive à l’arrestation.
« En tant que soldat, je n’avais jamais appris comment gérer quelqu’un qui offrait une résistance non-violente, » avait expliqué Issacharoff à l’auditoire de ce rassemblement.
La version livrée par Issacharoff des événements a été contestée par des membres de sa propre unité, qui, le mois dernier, ont publié une réponse en vidéo via l’association ‘Reservists on Duty’, une organisation qui fait campagne contre ‘Breaking the Silence’ pour défendre la réputation des soldats de l’armée israélienne.
Dans la vidéo, les militaires – notamment l’ancien commandant d’Issacharoff – qualifient de « menteur » ce dernier de manière répétée tout au long du récit.
Après l’approbation donnée par le procureur de l’Etat Shai Nitzan au début de la semaine, la police s’est tournée vers Issacharoff — fils de l’ambassadeur israélien en Allemagne Jeremy Issacharoff — pour lui faire savoir qu’une investigation avait été ouverte sur l’incident. Jeudi, il a été soumis à un interrogatoire, durant lequel il a réaffirmé l’authenticité du récit partagé lors du rassemblement.
Selon le quotidien Haaretz, Issacharoff a expliqué à la police que l’incident était une affaire de routine, lorsqu’un soldat est obligé maintenir l’ordre au sein d’une population civile.
Répondant à l’enquête contre son porte-parole, ‘Breaking the Silence’ a critiqué Shaked dans un communiqué émis jeudi. « Elle ne s’inquiète pas tant des Palestiniens, de la justice ou de la moralité. Tout ce qu’elle veut, c’est nuire à ‘Breaking the Silence’ et utiliser comme des instruments de persécution politique le ministère de la Justice et le procureur de l’Etat ».
L’ONG a recommandé que des enquêtes soient ouvertes sur les centaines de soldats qui ont témoigné, en son nom, des violations aux droits de l’Homme qu’ils affirment avoir commis durant leur service en Cisjordanie et à Gaza.
« Il s’agit d’une tentative flagrante de la ministre d’imposer le silence aux voix de la résistance à l’occupation et à ceux qui en exposent le caractère violent », a-t-elle ajouté.
Une vingtaine d’écrivains mondialement reconnus ont publié ces derniers jours un recueil d’écrits sur « l’occupation des Territoires palestiniens par Israël depuis 50 ans », en annonçant que les recettes du livre iraient à ‘Breaking the Silence’.
En avril, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait annulé une rencontre avec le chef de la diplomatie allemande Sigmar Gabriel à la suite du refus de ce dernier de renoncer à rencontrer à Jérusalem des représentants de ‘Breaking the Silence’ et de ‘BTselem’, une autre ONG hostile à « l’occupation ».
Stuart Winer a contribué à cet article.