Espagne : un musée abandonne le nom « Du fleuve à la mer » pour un cycle d’activités
L'ambassade d'Israël et la communauté juive d'Espagne avaient dénoncé l'intitulé, qui appelait, selon elles, à "l'anéantissement d'Israël"
Le musée madrilène Reina Sofía a annoncé jeudi changer le nom d’un cycle d’activités organisé en soutien aux Palestiniens et vivement critiqué par l’ambassade d’Israël et la communauté juive qui considéraient qu’il appelait à « l’élimination d’Israël ».
Ce cycle d’activités, incluant notamment des conférences et des rencontres avec des artistes palestiniens, avait été baptisé « Du fleuve à la mer ».
Ce slogan, scandé dans les manifestations de soutien aux Palestiniens, fait référence aux frontières de la Palestine sous mandat britannique s’étendant du fleuve Jourdain à la mer Méditerranée avant la création d’Israël en 1948. Il est interprété par ses détracteurs comme un appel à l’élimination d’Israël.
Dans un communiqué, le musée Reina Sofía a annoncé « donner un nouveau nom » à ce cycle – « Rencontres de pensée critique. Solidarité internationale avec la Palestine » -, le nom initial ayant été considéré comme « offensant pour certaines communautés ».
L’ambassade d’Israël et la communauté juive d’Espagne avaient dénoncé la semaine dernière le nom de ce cycle d’activités appelant, selon elles, à « l’anéantissement d’Israël ».
Le musée Reina Sofía est l’un des plus visités d’Espagne et compte dans sa collection le célèbre tableau de Guernica de Pablo Picasso.
L’Espagne est l’un des pays de l’UE les plus critiques à l’égard de l’opération militaire israélienne dans la bande de Gaza, menée en représailles à l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre.
Le positionnement du gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez et ses appels à la reconnaissance d’un Etat palestinien ont provoqué des tensions avec Israël qui avait rappelé temporairement en novembre son ambassadrice en Espagne.
Géographiquement proche du Maghreb, l’Espagne s’est tournée vers les pays arabes durant la dictature de Franco (1939-1975) afin de contourner son isolement en Occident – une diplomatie dite de « substitution » longtemps cultivée par Madrid, rappelle Juan Tovar, professeur à l’université de Burgos.
Ce n’est qu’en 1986, en outre, que le pays a établi des relations officielles avec Israël. La conséquence de tensions nées de l’opposition de l’Etat hébreu à l’entrée dans l’ONU de l’Espagne au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en raison de sa proximité avec l’Allemagne nazie, rappelle Isaías Barreñada, professeur à l’Université Complutense de Madrid.
Madrid est ensuite allé jusqu’à jouer les médiateurs, accueillant ainsi en 1991 une Conférence de paix, avec pour la première fois l’ensemble des parties arabes en conflit direct avec l’Etat hébreu: Palestiniens, Syriens, Jordaniens et Libanais.
Deux ans après cette conférence, les accords d’Oslo, à travers lesquels Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) se reconnaissaient mutuellement, étaient signés à Washington.
Mais globalement, l’Espagne reste perçue par de nombreux acteurs comme pro-arabe.