Israël en guerre - Jour 472

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Analyse

Étiquetage des produits des implantations : l’Union européenne, loin d’être unie

Nous avons demandé à 10 pays membres si la décision du tribunal affectera leur politique ; certains poursuivront l'étiquetage, d'autres s'y opposent, la France ne se prononce pas

Raphael Ahren

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Des employés juifs travaillent sur le vignoble de Beit El dans l'implantation juive de Beit El en Cisjordanie, le 4 septembre 2019. (Hillel Maeir/Flash90)
Des employés juifs travaillent sur le vignoble de Beit El dans l'implantation juive de Beit El en Cisjordanie, le 4 septembre 2019. (Hillel Maeir/Flash90)

Une enquête du Times of Israel auprès de 10 Etats membres a montré que l’Union européenne (UE) est très divisée quant à sa politique controversée exigeant que les produits fabriqués dans les implantations israéliennes soient étiquetés comme tel.

Certains gouvernements déclarent catégoriquement que l’exigence d’étiquetage est juste, nécessaire et qu’elle doit être mise en œuvre et appliquée. D’autres sont moins enthousiastes. Et certains ne veulent pas en parler.

Le bloc des 28 États s’efforce généralement de parler d’une seule voix sur les questions de politique étrangère et, jusqu’à présent, il s’est plus ou moins mis d’accord sur une position commune sur le conflit israélo-palestinien ; les appels à la création d’un État palestinien et l’opposition aux implantations israéliennes sont des positions de consensus.

Dans le même temps, une poignée d’États d’Europe centrale, menés par la Hongrie, ont bloqué les déclarations communes de l’UE condamnant le déplacement de l’ambassade américaine à Jérusalem en 2018 et, plus récemment, la nouvelle position politique de Washington selon laquelle les implantations ne sont pas illégales.

C’est également Budapest qui, en 2015, s’est élevé le plus vigoureusement contre la nouvelle politique de l’UE qui exigeait que les produits venus des implantations israéliennes soient étiquetés comme tels.

Le ministre hongrois des Affaires étrangères Péter Szijjártó à Jérusalem, le 16 novembre 2015. (Andres Lacko)

« C’est une mesure inefficace. Elle est irrationnelle et ne contribue pas à une solution [au conflit israélo-palestinien], mais cause des dégâts », avait déclaré le ministre hongrois des Affaires étrangères Péter Szijjártó à l’époque.

Bien que les directives d’étiquetage aient depuis été considérées comme obligatoires, il semble que peu de gouvernements les aient prises au sérieux, ou du moins n’aient fait que peu ou pas d’efforts pour les appliquer. Une étude récente a révélé que 9 vins sur 10 provenant des implantations proposés dans les supermarchés européens, par exemple, n’étaient pas étiquetés conformément aux instructions de l’UE.

Le 12 novembre, la Cour de justice de la Communauté européenne, en réponse à une action en justice intentée par une entreprise vinicole de Cisjordanie, a décidé qu’il était effectivement obligatoire pour tous les États membres de l’UE d’étiqueter les produits en provenance des implantations.

Yaakov Berg, propriétaire du vignoble Psagot, pose pour une photo lors d’une interview dans l’implantation israélienne de Psagot adjacente à la ville palestinienne de Ramallah, en Cisjordanie, le 19 novembre 2019. (Emmanuel DUNAND / AFP)

La décision a été dénoncée par le gouvernement israélien, le Département d’État américain, certains responsables politiques européens et même le Parlement néerlandais.

La Chambre des représentants des Pays-Bas a adopté une résolution jugeant qu’il serait injuste que seuls les produits israéliens soient étiquetés alors que les produits provenant d’autres régions en litige ne le sont pas. Ce texte, adopté à une large majorité, appelait le gouvernement de La Haye à s’élever contre « l’inégalité de traitement » d’Israël à Bruxelles et à « plaider au niveau de l’UE pour que ces réglementations ne s’appliquent que si elles s’appliquent également à tous les autres territoires occupés ».

Le gouvernement néerlandais a répondu à la motion en déclarant que l’exigence de l’UE en matière d’indication correcte de l’origine « s’applique à tous les pays et territoires », en insistant sur le fait qu' »il n’y a pas de traitement inégal d’Israël et des territoires occupés par Israël ».

Le Times of Israel a contacté 10 gouvernements européens – certains considérés comme amicaux envers Israël et d’autres plutôt critiques – au sujet de la décision de la justice européenne le mois dernier. Nous avons posé deux questions :

1. Dans quelle mesure votre pays a-t-il mis en œuvre l’obligation d’étiquetage prévue dans la notice interprétative de 2015 ?

2. Votre pays modifiera-t-il sa politique en matière d’application de l’obligation d’étiquetage à la lumière de l’arrêt rendu la semaine dernière par la Cour de justice européenne ?

Peu de gouvernements ont fourni des réponses claires, mais leurs réponses – ou leur non-réponse – sont tout de même révélatrices. Non seulement l’Europe semble profondément divisée sur les mérites de sa politique controversée en matière d’étiquetage, mais certains pays, où l’on pourrait s’attendre à ce que la décision de la Cour suscite un certain enthousiasme, ont semblé également quelque peu mal à l’aise face à ce sujet.

La République tchèque et la Lituanie, généralement très pro-israéliennes, se sont contentées de réponses très brèves, déclarant que leurs gouvernements respectifs doivent encore examiner la décision de justice du 12 novembre et son incidence sur leurs politiques.

La Pologne, qui est généralement favorable à l’Etat juif, mais toujours en colère contre le refus du ministre des Affaires étrangères Israël Katz de s’excuser d’avoir dit que les Polonais « tètent l’antisémitisme du sein de leur mère » n’a pas répondu du tout.

Des travailleurs palestiniens dans une usine d’emballage de dattes dans la vallée du Jourdain en Cisjordanie, le 11 novembre 2015. Ce produit sera étiqueté « Produit de Cisjordanie (implantation israélienne), s’il est exporté vers l’Union européenne. (Crédit : Melanie Lidman/Times of Israel)

L’Irlande – un pays traditionnellement hostile à Israël, et où un projet de loi qui interdirait totalement les produits des implantations est en cours d’examen au Parlement – a apporté une réponse mesurée. Les autorités « examinent actuellement le jugement et se demandent s’il y a des implications pour l’Irlande », a déclaré un porte-parole du gouvernement à Dublin.

La réponse la plus détaillée est venue de Berlin, où un porte-parole du ministère allemand de l’Alimentation et de l’Agriculture a défini exactement quand et pourquoi l’UE a adopté la politique d’étiquetage, et qui est responsable de son interprétation et de son application.

Curieusement, la France, qui, comme l’Allemagne, était l’un des 16 États qui, en 2015, ont demandé à la Commission européenne à Bruxelles d’apporter des clarifications concernant l’étiquetage des produits provenant des implantations israéliennes, a refusé de fournir une déclaration officielle.

Une bouteille de vin vendue dans un supermarché en Belgique provenant d’un vignoble du Golan étiquetée « correctement » selon les règles européennes. (Capture d’écran)

Au lieu de cela, une source diplomatique, qui a insisté pour rester anonyme, nous a appelés et dicté quelques phrases types sur la protection des consommateurs et l’opposition de l’UE aux implantations.

Vous trouverez ci-dessous les réponses complètes des dix pays que nous avons interrogés – Suède, Allemagne, Royaume-Uni, Irlande, France, Hongrie, République tchèque, Pays-Bas, Lituanie et Pologne – sans ordre particulier.

Suède

La responsabilité du suivi de la mise en œuvre incombe aux autorités nationales compétentes. En Suède, la notice interprétative de 2015 de la Commission a été mise en œuvre par l’Agence nationale de l’alimentation et les municipalités.

La Suède ne prévoit aucun changement dans la mise en œuvre de la notice en raison de l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne, qui confirme – comme indiqué dans la notice – que l’indication de l’origine des produits originaires des implantations israéliennes doit être correcte et non trompeuse pour le consommateur. Par principe, les arrêts de la Cour de justice sont juridiquement contraignants pour tous les États membres de l’UE.

(Réponse fournie par un diplomate à l’ambassade de Suède à Tel Aviv)

Allemagne

L’Union européenne établit une distinction entre Israël et les territoires occupés au-delà de la ligne de cessez-le-feu du 4 juin 1967 (« Ligne verte ») et ne considère pas les implantations israéliennes dans les territoires occupés comme faisant partie du territoire israélien.

Les produits des territoires occupés, incluant les implantations israéliennes, ne proviennent donc pas d’Israël et ne peuvent donc pas être étiquetés avec la dénomination d’origine « Israël ». Ils ne bénéficient pas non plus de tarifs préférentiels dans le cadre de l’accord d’association UE-Israël.

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la notice interprétative de la Commission européenne du 12 novembre 2015 sur l’application correcte des règles existantes en matière d’appellation d’origine des produits des territoires occupés. La publication de la Commission n’a pas créé une nouvelle loi, mais s’est contentée d’expliquer la législation existante et la jurisprudence de la Cour de justice européenne.

L’obligation d’identifier correctement l’origine de produits spécifiques (par exemple, fruits et légumes, vin, miel, huile d’olive, viande et poisson, mais aussi produits cosmétiques) à des fins de protection des consommateurs est prévue dans diverses réglementations de l’UE, qui sont contraignantes dans tous les États membres.

Des employés d’une usine de cerises, en Cijosrdanie, en mai 2009. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Dans le domaine de la législation générale sur l’étiquetage des denrées alimentaires, le règlement (UE) n° 1169/2011 (LMIV) sur l’information des consommateurs s’applique. Il ne fait aucune déclaration spécifique sur les aliments israéliens, mais contient une interdiction générale d’induire en erreur (voir article 7).

En conséquence, l’information sur les aliments doit être exacte, claire et facile à comprendre pour les consommateurs. Les informations ne doivent pas induire en erreur sur les caractéristiques de la denrée alimentaire, notamment en ce qui concerne le type, l’identité, le pays d’origine ou le lieu de provenance.

L’indication du pays d’origine ou du lieu d’origine est obligatoire en vertu de la LMIV, « si, sans cette information, les consommateurs pourraient être induits en erreur par le pays d’origine ou le lieu de provenance réel, en particulier si l’information jointe à l’aliment ou l’étiquette dans son ensemble donne l’impression ou suggère que l’aliment provient d’un autre pays ou lieu d’origine ».

Une certaine impression quant à l’origine d’une denrée alimentaire donnée peut en principe être rectifiée en clarifiant les informations. L’entrepreneur dispose d’un large éventail d’options en ce qui concerne cette clarification ; le facteur décisif en fin de compte est l’impression générale, qui doit être déterminée au cas par cas.

La responsabilité d’une description correcte de l’origine d’une denrée alimentaire incombe à l’exploitant du secteur alimentaire. Le contrôle du respect des dispositions de la législation alimentaire relève de la compétence des États allemands. L’interprétation des règles relève en dernier ressort des tribunaux.

Dans le cadre de la procédure préliminaire, la Cour de justice européenne a statué sur l’interprétation du droit communautaire et sur la question de savoir quelles exigences la LMIV impose à l’étiquetage d’un aliment provenant d’une implantation israélienne. La décision de la CJE du 12 novembre ne crée pas une nouvelle loi, mais soutient seulement la ligne précédente de l’Allemagne. L’arrêt rendu la semaine dernière par la CJE est juridiquement contraignant pour tous les États membres de l’UE.

(Réponse fournie par un porte-parole du ministère fédéral de l’Alimentation et de l’Agriculture)

Grande-Bretagne

« Nous avons pris note de l’arrêt de la Cour de justice européenne sur l’indication de l’origine des marchandises originaires des territoires occupés par l’État d’Israël depuis 1967. L’approche du Royaume-Uni reste conforme à l’avis interprétatif de l’UE sur l’indication de l’origine des produits provenant des colonies israéliennes. »

(Réponse fournie par le Foreign and Commonwealth Office)

L’exploitation viticole Gush Etzion en Cisjordanie, le 18 juillet 2019. (Gershon Elinson/Flash90)

Irlande

L’arrêt de la CJE dans l’affaire C 363/18 a établi que les denrées alimentaires originaires des territoires occupés par l’État d’Israël doivent porter l’indication de leur territoire d’origine, et lorsque ces produits proviennent d’une implantation israélienne, cela doit également apparaître clairement sur l’étiquette.

L’arrêt de la Cour de justice est une interprétation de la mise en œuvre par la France de la note de la Commission et des règlements communautaires qui lui sont associés. Essentiellement, cela ne change rien à la situation. Toutefois, des responsables examinent actuellement le jugement et se demandent s’il y a des implications pour l’Irlande. L’exactitude de l’étiquetage des produits continuera d’être une question de protection des consommateurs, surveillée et appliquée jusqu’à présent.

(Réponse fournie par un porte-parole du ministère des Affaires étrangères et du Commerce)

France

Le gouvernement français n’a pas fait de déclaration. Une source diplomatique française anonyme a indiqué :

« La décision de la Cour de justice de l’Union européenne valide les lignes directrices européennes qui existent déjà et sert à fournir une information complète aux consommateurs. L’UE soutient le droit des consommateurs à connaître l’origine exacte des produits et à savoir s’ils proviennent des colonies israéliennes dans les territoires occupés. L’opposition de l’UE aux colonies de peuplement est permanente et inébranlable, car elle menace la solution à deux États ».

« Mais il ne s’agit en aucun cas d’un boycott, ce à quoi la France s’oppose vigoureusement. »

Hongrie

La Hongrie analyse actuellement la nouvelle situation juridique.

(Réponse fournie par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce)

République tchèque

1. Nous ne savons pas
2. Pour le moment, nous prenons connaissance de la réglementation

(Réponse fournie par le ministère des Affaires étrangères)

Pays-Bas

Les Pays-Bas sont l’un des 16 États membres de l’UE qui ont demandé à la Commission européenne, en 2015, de clarifier la manière dont les marchandises provenant des implantations dans les territoires occupés devraient être étiquetées, afin de garantir que les consommateurs ne sont pas trompés par de fausses informations.

Depuis lors, l’Autorité néerlandaise de sécurité des produits alimentaires et de consommation (Voedsel en Warenautoriteit, NVWA) s’est inspirée de la notice interprétative dans le cadre de sa politique en vigueur. C’est également ce qu’a dit le Cabinet en réaction à des questions écrites au Parlement (voir le lien, pour les Pays-Bas).

Le verdict contraignant de la Cour de justice de l’UE confirme la politique néerlandaise et donc ne justifie pas un changement de la politique néerlandaise.

Ces réponses ont été envoyées au « Times of Israel » avant l’adoption de la résolution parlementaire susmentionnée sur la question. Après avoir envoyé une demande de suivi, nous avons reçu les réponses suivantes :

La législation communautaire en vigueur (règlement (UE) n° 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires) exige que les consommateurs soient correctement informés de l’origine des produits et ne soient pas induits en erreur. Ceci s’applique aux produits de tous les pays et territoires.

Le récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne a clarifié la manière dont cette législation communautaire existante devrait être appliquée dans le cas spécifique des territoires occupés par l’État d’Israël et les implantations israéliennes.

Travailleurs du domaine viticole d’Arza dans la zone industrielle de Mishor Adumim en Cisjordanie. (Yonatan Sindel/Flash90)

L’arrêt n’a pas changé la situation des consommateurs néerlandais. S’ils ont des questions concernant l’origine d’un produit, d’un pays ou d’un territoire, ou s’ils croient que l’information sur l’origine figurant sur l’étiquette du produit est incorrecte, ils peuvent communiquer avec l’Autorité de la sécurité des aliments et des produits de consommation.

La position du gouvernement néerlandais est claire depuis l’introduction de la législation communautaire existante et n’a pas changé au fil des ans : les informations sur l’origine d’un produit – qu’il soit fabriqué dans les territoires occupés par Israël ou dans toute autre partie du monde – ne doivent pas être trompeuses.

La motion au Parlement a été adoptée hier. Le Cabinet y répondra par écrit.

(Réponse fournie par un porte-parole du ministère des Affaires étrangères)

Lituanie

En tant que membre de l’UE, la Lituanie s’appuie sur des obligations claires, y compris les arrêts de la Cour de justice européenne.

Nous prenons note de l’arrêt de la Cour de justice européenne sur l’indication de l’origine, rendu le 12 novembre. Actuellement, les autorités lituaniennes sont en train d’analyser les implications de cette décision.

(Réponse fournie par la Division de la surveillance de l’information et des médias du ministère des Affaires étrangères)

Pologne

Le ministère des Affaires étrangères de Varsovie nous a renvoyés vers le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, qui n’a pas répondu à nos nombreuses sollicitations.

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