Extradé par Londres, Abu Qatada a été acquitté et relâché en Jordanie
L'ex-détenu s'est illustré en Grande-Bretagne par de virulents prêches anti-occidentaux, anti-américains et anti-juifs
La justice jordanienne a acquitté et libéré mercredi le prédicateur islamiste Abu Qatada, jugé pour des affaires de terrorisme depuis son extradition en 2013 du Royaume-Uni, à l’issue d’une saga diplomatique et judiciaire d’une dizaine d’années.
De son vrai nom Omar Mahmoud Othmane, ce Jordanien, né en 1960 à Bethléem, était jugé par la Cour de sûreté de l’Etat depuis son extradition en juillet 2013 par Londres qui a réitéré mercredi son refus de le voir revenir au Royaume-Uni.
Abu Qatada a été acquitté, faute de preuves, de l’accusation d’avoir planifié des attentats terroristes visant des touristes en 2000 et il a été décidé de « sa libération immédiate », a indiqué une source judiciaire à l’AFP sous le couvert de l’anonymat.
En juin déjà, il avait été acquitté, faute de preuve, de l’accusation de complot terroriste contre l’école américaine d’Amman.
Abu Qatada avait plaidé non coupable de tous les faits qui lui étaient reprochés.
A l’annonce du jugement mercredi, le prédicateur a fondu en larmes et plusieurs membres de sa famille ont crié « Dieu est le plus grand » et applaudi la décision.
Son avocat, Me Hussein Mbidhine s’est félicité du verdict saluant un « succès » pour la justice jordanienne.
Prêches virulents
Abu Qatada a quitté en début d’après-midi la prison d’al-Mouaqqar (45 km au sud-est d’Amman), où de nombreux proches l’attendaient, selon un photographe de l’AFP.
Il s’est rendu ensuite dans sa résidence familiale à Amman.
Dès son acquittement en juin, le gouvernement britannique avait fait savoir qu’il s’opposerait à toute velléité de retour du prédicateur islamiste. « Nous ne voulons pas que cet homme revienne », avait réagi à chaud le vice-Premier ministre Nick Clegg.
“Les tribunaux britanniques ont considéré que Qatada présentait une menace pour la sécurité nationale du Royaume-Uni, nous sommes donc satisfaits d’avoir pu l’éloigner. Il est sous le coup d’un ordre d’expulsion, ce qui signifie qu’il ne pourra pas revenir au Royaume-Uni », avait pour sa part expliqué le secrétaire d’Etat à l’Immigration et à la Sécurité, James Brokenshire.
Mercredi, Londres a répété par la voix du ministère de l’Intérieur qu' »Abou Qatada était toujours soumis à un ordre d’expulsion et à une interdiction de voyage de l’ONU. Il ne reviendra pas au Royaume-Uni ».
Abu Qatada s’est illustré en Grande-Bretagne par de virulents prêches anti-occidentaux, anti-américains et anti-juifs.
Le juge espagnol Baltasar Garzon l’a décrit comme l' »ambassadeur européen de Ben Laden » ou encore le « chef spirituel d’Al-Qaïda » en Europe.
Alors qu’il était en détention en Jordanie, Abou Qatada a dénoncé à la mi-juillet comme « nulle et non avenue » l’annonce par le groupe extrémiste sunnite Etat islamique (EI) de la création d’un « califat » à cheval entre l’Irak et la Syrie, appelant les musulmans à ne pas rejoindre l’EI.
« Ils sont impitoyables dans leur relation avec les autres jihadistes. Comment pourraient-ils s’occuper des pauvres, des faibles et des autres personnes? » avait-il mis en garde.
10 ans de saga
En 1999, Abou Qatada avait été condamné à mort en Jordanie par contumace pour « complot en vue de mener des actes terroristes » notamment contre l’école américaine à Amman un an auparavant, une peine immédiatement commuée en prison à vie assortie de travaux forcés.
En 2000, il avait également été condamné par contumace à 15 ans de travaux forcés pour complot visant à attaquer des cibles touristiques en Jordanie.
Il a été de nouveau jugé à son retour au pays, la justice jordanienne lui donnant le droit à un nouveau procès en sa présence.
L’islamiste avait longtemps combattu son expulsion vers la Jordanie, devant la justice à la fois britannique et européenne, avant de faire savoir en mai 2013 qu’il acceptait de retourner dans son pays une fois ratifié par Londres et Amman un traité bilatéral lui garantissant un procès équitable.
Son départ du Royaume Uni avait suscité le soulagement des autorités britanniques, qui ont dépensé 1,7 million de livres (2 millions d’euros) pendant les 10 ans de saga judiciaire et diplomatique ayant abouti à cette expulsion.