Israël en guerre - Jour 436

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Face à l’antisémitisme post-7 octobre, les médecins juifs nord-américains s’interrogent sur leur avenir

39 % des professionnels de santé juifs américains se disent victimes d'antisémitisme au travail depuis le massacre du Hamas et la guerre à Gaza ; les Canadiens vivent la même chose

Illustration : Des médecins pratiquent un pontage cardiaque sur un patient souffrant d'une insuffisance cardiaque (KentWeakley via iStock by Getty Images)
Illustration : Des médecins pratiquent un pontage cardiaque sur un patient souffrant d'une insuffisance cardiaque (KentWeakley via iStock by Getty Images)

Demandez aux médecins juifs d’Amérique du Nord de vous parler de leur travail et ils vous parleront probablement de l’antisémitisme auquel ils font face depuis le début de la guerre d’Israël à Gaza, le 7 octobre 2023.

« Dans le service obstétrique et gynécologie de mon hôpital de Philadelphie, une des infirmières a répandu de terribles mensonges antisémites dans tout l’hôpital », confie un médecin, soucieux de témoigner en toute discrétion, par crainte de représailles.

« On évitait de lui confier des patients juifs de peur que quelque chose de grave ne se produise. Certains membres du personnel se sont plaints d’elle aux RH, et nous l’avons porté aux plus hauts niveaux de l’hôpital, mais rien n’a été fait. »

La donne a changé quand elle a pris des positions politiques. « Suite aux élections, elle a écrit sur les réseaux sociaux qu’elle souhaitait à toutes celles qui avaient voté pour Donald Trump de faire une fausse couche », poursuit le médecin. « Six heures plus tard, elle perdait son poste. C’est bien, mais nombre de médecins juifs ont regretté que rien n’ait été fait au sujet de ses propos sur Israël. »

Ce genre d’incident est de plus en plus fréquent, dans le domaine médical, en Amérique du nord.

Une étude publiée mercredi par l’organisation de défense d’Israël StandWithUs a révélé que 39 % des professionnels de santé se considérant comme juifs disaient avoir été directement exposés à des propos ou actes antisémites dans le cadre professionnel ou universitaire.

Plus d’un quart des 645 personnes interrogées disent se sentir en danger ou menacées du fait de ces actes antisémites.

Le sondage a été publié quelques jours après la publication d’une étude similaire de l’Association médicale juive de l’Ontario (JMAO). Menée auprès d’un millier professionnels de santé dans tout le Canada, l’enquête a révélé que si aucun médecin juif n’avait été victime d’actes antisémites graves au travail avant le 7 octobre, 39 % disent l’avoir été dans les hôpitaux et 43 % en milieu universitaire.

Plus de 98 % des médecins juifs canadiens interrogés se disent très inquiets des effets de l’antisémitisme sur les soins de santé au Canada et 80 % que cela nuit à leur bien-être.

De manière significative, l’étude révèle par ailleurs que de nombreux médecins juifs du Canada réfléchissent à leur avenir et 31 % des médecins juifs de l’Ontario envisagent sérieusement de quitter le pays.

Des membres de l’AJMA lors de la parade d’Israël à New York, en juin 2024 (Autorisation)

Ils sont déjà près de 14 % à avoir revu à la baisse leurs heures d’enseignement et 31 % d’entre eux envisagent de limiter leur implication en milieu universitaire, ajoute le rapport du JMAO.

Le problème est le même de part et d’autre de la frontière, explique Michelle Stravitz, directrice générale de l’American Jewish Medical Association (AJMA), créée l’an dernier pour faire face au pic d’antisémitisme issu du 7 octobre.

« Il y a de l’antisémitisme dans tous les milieux, dans les relations avec les collègues, les patients et même les étudiants en médecine », précise Stravitz.

« A plusieurs reprises, des plateformes de soins de santé ont été détournées par un programme anti-Israël et des étudiants en médecine sont parfois prêts à renier le serment d’Hippocrate pour les besoins de leur programme anti-sioniste. Cela distille de la peur et nuit à la confiance que les Juifs ont dans le milieu médical.

Michelle Stravitz, PDG de l’AJMA (Autorisation)

Les Juifs sont sur-représentés dans le secteur médical.

Selon une étude de 2005 publiée sur le site Internet de la National Library of Medicine des États-Unis, les Juifs, qui comptent pour 2 % environ de la population américaine, représentent 14 % des médecins. Au Canada, un recensement de 1991 indiquait que quatre médecins et dentistes sur dix à Toronto étaient juifs.

Aujourd’hui, nombre de professionnels de santé juifs disent que l’antisémitisme est une menace constante sur leur lieu de travail.

« Je me trouvais en salle d’opération au moment d’une opération à Gaza : en pleine intervention, le chirurgien a commencé à parler des raisons pour lesquelles les Juifs avaient envahi la Palestine », peut-on lire dans le témoignage d’un médecin recueilli par la JMAO.

« Un patient m’a laissé des messages vocaux injurieux pour me dire qu’il n’honorerait pas le rendez-vous parce que j’étais juif », explique un autre. Un autre, encore, ajoute : « Un patient a tenté de me convaincre du bien-fondé de ses opinions anti-sionistes alors que j’étais en train de faire mon travail. »

« Notre cérémonie annuelle d’illumination de Hanoucca a été annulée », poursuit un autre.

Selon une autre source, publiée la semaine dernière par le Journal of Religion and Health, aux États-Unis, plus de 75 % des étudiants en médecine et des professionnels de santé se considérant comme juifs disent avoir fait face à de l’antisémitisme.

L’enquête, dirigée par la Dre Daniella Schwartz de l’Université de Pittsburgh, a révélé que les références à l’antisémitisme dans les publications médicales américaines et les réseaux sociaux avaient quintuplé depuis le 7 octobre 2023 et l’utilisation de stéréotypes antisémites, multipliée par un facteur de 2 à 4.

Certains s’inquiètent des effets délétères sur l’avenir de la médecine de la perpétuation d’un environnement antisémite.

Le Dr Barry Pakes, médecin et professeur à l’Université de Toronto (Autorisation)

« Tout le monde parle des 31 % de médecins qui envisagent de quitter le Canada, mais ce qui est tout aussi inquiétant, ce sont les 46 % des médecins qui ont dit envisager ou avoir déjà revu à la baisse leurs heures d’enseignement », analyse le Dr Barry Pakes, médecin et professeur à l’Université de Toronto.

« Les médecins juifs ont peur d’enseigner aux étudiants et les étudiants juifs, de se retrouver en cours avec des camarades ou enseignants antisémites », poursuitPakes. « Le Canada manque de médecins et il s’ouvre des facultés de médecine partout dans le pays. »

Si les médecins juifs se sentent mal à l’aise pour enseigner et encadre des étudiants, cela pourrait avoir des effets sur l’ensemble du système médical.

Stravitz évoque la baisse du nombre des inscriptions juives dans les écoles de médecine américaines, ces dernières années, « même s’il est possible que ce soit lié à une moindre proportion d’étudiants se déclarant ouvertement juifs, de peur d’être pris pour cibles », ajoute-t-elle.

« Ces discriminations ne causent pas uniquement du tort aux médecins », remarque la présidente de la JMAO, Ayelet Kuper, par voie de communiqué. « Elles sapent les fondements de l’ensemble du système de santé et compromettent la qualité des soins donnés aux patients comme l’intégrité du lieu de travail. »

L’antisémitisme a surgi dans la quasi-totalité des professions, mais Pakes estime qu’il y a quelque chose de particulièrement blessant dans son émergence au sein de la sphère médicale.

« Nous, médecins, sommes fiers de nous fonder sur les preuves et d’être mus par la science. Nombre d’entre nous sont par ailleurs très attachés à la justice sociale et à l’écoute des besoins des minorités les plus vulnérables », explique-t-il. « Il est particulièrement blessant pour nous de ne plus nous sentir les bienvenus en ces lieux. »

« Nous travaillons en étroite collaboration avec des collègues venus de tous les horizons et nous voulons qu’ils nous voient comme tous les autres, et ce même si l’antisémitisme ne les concerne pas », poursuit Pakes. « Il est choquant d’être rejeté par des collègues si férocement antisémites et déconnectés des faits. »

Pakes, qui porte sa kippa en public et au travail, dit faire face à des réactions mitigées de la part de ses patients et de ses collègues.

« Généralement, la réaction est positive mais nombre de mes collègues vivent des choses très différentes », ajoute-t-il.

« Ce que montrent ces enquêtes, c’est que ce ne sont pas des incidents individuels : elles permettent de rendre bien tangible et de mesurer l’ampleur du traumatisme collectif vécu par des milliers de médecins. »

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