Farhan al-Qadi dit avoir été pris en otage parce qu’il refusait de dénoncer des Juifs au Hamas
L'ex-otage secouru par l'armée évoque ses 11 mois de calvaire ; selon une source, l'otage tuée Eden Yerushalmi avait été privée de nourriture à Gaza. Sa dépouille ne pesait que 36 kg
Enlevé par le Hamas le 7 octobre et secouru par les soldats de Tsahal la semaine dernière, Farhan al-Qadi a déclaré mercredi à l’antenne de la Douzième chaîne qu’il avait été kidnappé parce qu’il avait refusé de révéler aux terroristes du Hamas où ils pourraient trouver des Juifs, lors du pogrom qui a couté la vie à 1 200 personnes dans le sud d’Israël.
Dans l’interview qu’il a accordée à cette chaîne, al-Qadi est revenu sur ses 11 derniers mois, depuis le moment où il a été pris en otage, alors qu’il travaillait près du kibboutz Magen, non loin de la frontière de Gaza, jusqu’à son sauvetage.
Lorsque les sirènes d’alerte ont retenti, le 7 octobre, al-Qadi a pensé qu’il s’agissait d’une nouvelle salve de roquettes – de celles qui étaient fréquemment tirées depuis Gaza sur Israël -, jusqu’à ce que son frère l’appelle pour lui dire que des terroristes étaient entrés en territoire israélien, explique-t-il dans cette interview.
« Je suis sorti et j’ai vu, à 100 mètres de moi, trois terroristes du Hamas en train de me tirer dessus tout en courant dans ma direction », poursuit-il.
Al-Qadi ajoute qu’ils l’ont attrapé et posé des questions pour s’assurer qu’il était musulman, avant de lui dire : « Emmène-nous en voiture là où nous pourrons trouver des Juifs. »
« Je préférais mourir plutôt que de dénoncer des Juifs, ou qui que ce soit. Tous les moshav sont de bons amis », a assuré al-Qadi à la Douzième chaîne.
Lorsqu’il a refusé de leur dire où se trouvaient les Juifs, les terroristes lui ont tiré dans la jambe, l’ont jeté au sol et lui ont attaché les mains dans le dos. Il a ensuite été jeté dans une voiture et emmené à Gaza où il a vu plusieurs travailleurs étrangers être forcés à entrer dans un tunnel. À ce moment précis, sa jambe l faisait tellement souffrir qu’il ne pouvait plus marcher et l’un des terroristes l’a emmené à l’hôpital Nasser de Khan Younès.
Comme il ne pouvait pas marcher, al-Qadi a dû monter les escaliers de l’hôpital à quatre pattes. En le regardant, a-t-il dit, ils ont ri et dit : « Regardez, notre petit chien se promène. »
« Il y avait beaucoup de monde et on pouvait clairement voir leur joie ; ils avaient l’impression d’avoir gagné », se souvient al-Qadi.
Il a pu voir deux médecins qui ont recousu sa blessure sans anesthésie pendant qu’ils l’interrogeaient.
« Je me suis dit à ce moment-là que la douleur morale était pire que la douleur dans ma jambe. Je pensais à ma famille, au fait qu’ils n’auraient plus Farhan avec eux », a-t-il déclaré.
Une fois sa jambe recousue, al-Qadi a été conduit dans la même pièce qu’Aryeh Zalmanovich, un diabétique de 85 ans, otage kidnappé à Nir Oz, blessé à la tête et aux mains.
Les deux hommes sont restés dans la même pièce pendant un mois et demi, Zalmanovich dans le lit et al-Qadi assis sur la chaise.
« Il me racontait des histoires. Il avait une petite-fille qu’il aimait beaucoup et deux fils qui vivaient dans le nord. Il parlait d’eux dès qu’il le pouvait », se souvient al-Qadi, ajoutant que certains matins, Zalmanovich lui disait avoir rêvé qu’ils étaient libérés ensemble.
Al-Qadi a ensuite été déplacé et laissé seul dans une pièce, jusqu’à ce que Zalmanovich y soit lui aussi transféré une semaine plus tard. Dans les jours qui ont suivi, a déclaré al-Qadi, la santé de Zalmanovich s’est considérablement détériorée : il ne parlait presque plus.
« Le jour de sa mort, vers midi, il a commencé à parler. Je me suis levé pour me rapprocher de lui. Il disait au revoir au kibboutz, à ses amis, à sa petite-fille… Ça m’a brisé le cœur. J’ai essayé de lui parler, je l’appelais ‘Aryeh, Aryeh’, mais rien. Il ne m’entendait plus. Et puis plus rien », a poursuivi al-Qadi, ajoutant que Zalmanovich était devenu un des siens.
Quelques heures plus tard, al-Qadi a été conduit dans une pièce dans laquelle se trouvaient la dépouille de Zalmanovich, deux terroristes du Hamas et un vidéaste. On lui a alors ordonné de dire que Zalmanovich était gravement malade et qu’ils avaient fait tout ce qu’ils pouvaient pour l’aider.
Quelques semaines plus tard, al-Qadi a été transféré dans une maison de Khan Younès. Cette maison a été détruite par une frappe aérienne le lendemain matin. Le Hamas a attendu que les civils évacuent la ville pour faire discrètement passer al-Qadi : il a été emmené dans une tente restée fermée, puis dans un tunnel auquel on accédait en passant par une maison. C’est là qu’il allait passer les huit mois suivants.
Al-Qadi a déclaré à la Douzième chaîne qu’il avait passé ce temps à dormir et lire le Coran.
« Je me suis dit que si c’était ainsi qu’ils traitaient les musulmans, qu’en était-il pour les Juifs ? », a-t-il dit.
A un moment de sa captivité, il a demandé à pouvoir être en présence d’autres otages, ce qui lui a été refusé parce qu’ils le considéraient comme un traître et un ennemi pire que les Israéliens juifs.
« Si tu nous avais dit où il y avait des Juifs, alors tu serais resté avec les tiens », lui a-t-on dit.
Il a été retrouvé et secouru par les soldats de Tsahal la semaine dernière. Il a dit que les soldats l’avaient accueilli chaleureusement, mais que l’accueil reçu en Israël n’avait pas été aussi chaleureux.
Al-Qadi dit avoir été critiqué et menacé, la semaine dernière, après que la Douzième chaîne de droite a dit de lui qu’il se considérait plus comme Palestinien que comme Israélien. Il a clarifié ses propos et expliquait qu’il avait voulu dire qu’il importait peu d’être israélien ou palestinien, que tout le monde méritait d’être libre.
« Cela m’a fait très mal », a-t-il déclaré. « J’ai reçu une balle dans la jambe parce que je n’ai pas voulu dénoncer des Juifs. C’est comme ça que j’a été élevé, c’est comme ça que mon grand-père avait été élevé, et c’est comme ça que mes enfants sont élevés. »
« Quatre-vingt-dix pour cent des habitants d’Israël – musulmans, juifs, bédouins – forment une famille, un peuple, juif et arabe. Personne ne peut nous retirer cette unité », a-t-il déclaré.
Ayant lui-même vécu la captivité prolongée, al-Qadi a terminé son interview en appelant à la libération des otages.
« Sortez-les de là, et faites ce que vous voulez, Netanyahu », a-t-il dit, ajoutant que s’il était libre et heureux d’avoir retrouvé sa famille, sa tête était toujours à Gaza.
La Douzième chaîne a également rapporté mercredi qu’Eden Yerushalmi, dont le corps a été retrouvé à Gaza ce week-end avec les cinq autres personnes assassinés un jour ou deux avant l’arrivée de Tsahal, semblait avoir été privée de nourriture car elle avait perdu 10 kilos en captivité. Son corps ne pesait plus que 36 kilos lorsqu’il a été retrouvé.
Quatre-vingt-dix-sept des 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre sont toujours à Gaza, parmi lesquels les corps de 33 morts confirmés par Tsahal.
Le Hamas a libéré 105 civils à la faveur d’une trêve d’une semaine, fin novembre, qui s’ajoutent aux quatre otages libérés peu de temps avant. Sept otages vivants ont été secourus par des soldats et les corps de 30 otages ont été retrouvés, dont trois tués par erreur par l’armée alors qu’ils tentaient d’échapper à leurs ravisseurs.
L’organisation terroriste détient également deux civils israéliens entrés dans la bande de Gaza respectivement en 2014 et 2015, ainsi que les corps de deux soldats israéliens tués en 2014.