Gadi Mozes évoque sa captivité : « Tout n’était que violence psychologique »
L'ex-otage de 80 ans reproche à Netanyahu et aux membres du gouvernement de ne pas l'avoir accueilli à son retour de Gaza ; il déclare que le plus urgent, pour lui, ce sont "ses amis qui sont toujours là-bas"

Gadi Mozes, qui a été libéré par les terroristes à Gaza au mois de janvier dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu conclu entre Israël et le Hamas, a déclaré dans une interview qui a été diffusée jeudi que pendant ses 482 jours de captivité, « tout n’a été que violence psychologique ».
« La profondeur de la peur, la profondeur de ce sentiment de déconnexion du monde, la profondeur de l’inconnu – ce sont des choses impossibles à exprimer », a confié devant les caméras de la chaîne d’information N12 cet agriculteur vivant au kibboutz Nir Oz, qui est âgé de 80 ans.
Il a ajouté que ses ravisseurs du Jihad islamique palestinien « ont essayé de me déprimer, ils ont essayé de me briser ».
« Pendant tout ce temps, je suis resté sur mes gardes, je me concentrais uniquement sur les moyens à employer pour qu’ils ne me fassent pas de mal, » a continué Mozes.
« Je me calmais moi-même », a-t-il raconté. » Je me disais : ‘Ça va s’arranger tout seul’. Mais rétrospectivement, c’était une illusion. Je n’ai jamais vraiment réussi à me calmer ».
Mozes a dit qu’il attendait de pouvoir être interviewé depuis longtemps : « Ce qui est urgent pour moi, ce sont mes amis qui sont toujours là-bas ».

« Je sais très bien que je suis le seul homme âgé à avoir survécu et à être revenu vivant », a fait remarquer l’ex-otage. « Je sais très bien quelles sont les souffrances et les tortures subies par toutes les personnes qui étaient là-bas et qui en sont revenues, qui ont été subies par les personnes qui ont perdu la vie ou par celles qui y sont encore ».
Évoquant le Premier ministre Benjamin Netanyahu, il s’est interrogé : « Le Premier ministre veut-il nous entendre ? Comprend-il ce que nous ressentons ? Veut-il seulement comprendre le sentiment de trahison que nous ressentons, ce sentiment face au fait que l’État nous a abandonnés ? »
« Je pense que le Premier ministre a décidé qu’il se refuserait à nous regarder », a-t-il poursuivi.
Mozes a également reproché à Netanyahu de ne pas être venu au kibboutz Nir Oz depuis le pogrom commis par les hommes du Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023. Sur les 400 résidents approximativement du kibboutz, 117 avaient été tués ou enlevés et 14 sont toujours conservés en captivité à Gaza. Neuf otages originaires de la communauté auraient perdu la vie en détention, selon les autorités israéliennes.

Netanyahu a refusé de multiples invitations des habitants de Nir Oz – y compris des invitations lancées par d’anciens otages.
« Personne ne devrait avoir à vous inviter. Vous auriez dû être le premier à venir ici », a déploré Mozes. « Des gens viennent nous voir et veulent nous aider depuis le monde entier – peut-être que notre gouvernement pourrait aussi nous apporter son aide ? »
Il a raconté qu’à son retour, il avait été accueilli par le président Isaac Herzog et par l’ambassadeur d’Allemagne, notant l’absence de tous les membres du gouvernement : « Pas un seul représentant officiel de tous ces gens mauvais n’était là pour dire ne serait-ce que ‘Bienvenue’. »

Mozes avait été kidnappé à Nir Oz le 7 octobre 2023 – lorsque des milliers de terroristes placés sous la direction du Hamas avaient pris d’assaut le sol israélien, massacrant plus de 1 200 personnes et enlevant 251 personnes qui avaient été prises en otage dans la bande. Cette attaque sanglante avait été à l’origine de la guerre au sein de l’enclave côtière.
Une grande partie du kibboutz, dont Mozes était l’un des fondateurs, il y a six décennies, avait été complètement incendiée. L’octogénaire s’est engagé à prendre part à sa reconstruction.
Pendant le pogrom, Mozes avait quitté son habitation pour tenter de défendre sa fille Moran, qui vivait à proximité et qui a survécu au massacre.
L’ex-otage s’est rappelé avoir été kidnappé sur le seuil de sa porte par « trois gorilles – deux avaient des fusils, le troisième avait un couteau à la main ».
Ce dernier, s’est souvenu Mozes, « m’a crié : ‘Nous ne sommes pas le Hamas, nous sommes le Jihad’. Comme si le fait d’être tué par le Jihad ou par le Hamas avait de l’importance ».
Ce jour-là, à son insu, les terroristes s’étaient également emparés de la femme qui partageait sa vie depuis 20 ans, Efrat Katz, de la fille de cette dernière, Doron Katz-Ahser, et des deux petites filles de Doron, Aviv et Raz, qui se trouvaient au domicile du couple ce week-end-là.

Doron, Aviv et Raz avaient été remises en liberté dans le cadre de l’accord de trêve d’une semaine qui avait été conclu au mois de novembre 2023. Efrat Katz, pour sa part, avait été tuée par le tir d’un hélicoptère de Tsahal qui avait pris pour cible le véhicule qui l’emmenait à Gaza, ce qu’a confirmé une enquête militaire la semaine dernière.
Devant les caméras de N12, Mozes a déclaré que lorsqu’il avait quitté son habitation, il ne se doutait pas que ce serait la dernière fois qu’il verrait Katz en vie.
Ses ravisseurs lui avaient menti, lui disant qu’elle était vivante et libre, a déclaré Mozes. Il a ajouté que le 22 novembre, le jour de l’anniversaire de Katz, il avait demandé à envoyer un message à Efrat et que son ravisseur avait fait semblant d’accepter de lui transmettre par WhatsApp le message suivant : « Joyeux anniversaire, je t’aime ».
Il devait se passer la même chose à l’occasion de l’anniversaire de Moran, la fille de Mozes, le 29 décembre, a-t-il confié à la chaîne. Dans les deux cas, ses ravisseurs lui avaient affirmé qu’ils avaient obtenu une réponse enthousiaste à ces vœux.
Mozes a précisé qu’environ un mois plus tard, il avait appris la mort de Katz en entendant à la radio qu’une enquête militaire serait menée sur les circonstances de son décès. Il a dit avoir été à la fois bouleversé et furieux contre ses geôliers.

« Tout mon monde s’est effondré », s’est rappelé Mozes. « J’ai réalisé que cet homme m’avait menti et je lui ai lancé la radio en disant : ‘Menteur !’. »
Il a expliqué que ce jour-là, il avait « décidé » que Moran était également morte afin de ne pas subir un autre « coup de marteau sur la tête ». Lorsque l’ex-otage est rentré en Israël, il a été très ému d’apprendre qu’elle était en vie.
Lorsqu’il était en captivité, Mozes était appelé « Hajj ». Il était nourri deux fois par jour : le matin, il mangeait du pain pita avec des haricots et l’après-midi, il mangeait de la pita avec du riz. Il avait rapidement commencé à demander l’heure à la personne qui lui servait à manger et à marquer l’heure sur l’ombre qui était projetée par la petite fenêtre de sa cellule.
Transformer le mur en cadran solaire de fortune « m’a occupé pendant environ six mois », a-t-il indiqué.
Un jour, son ravisseur lui avait donné du porridge – un plat que Mozes avait refusé de manger. « Soudain, je l’ai vu passer des gants en silicone sur ses mains », a-t-il ajouté. « J’ai commencé à me demander s’il allait m’étrangler ou s’il allait me nourrir de force. »

« Il m’a donné un coup sur l’épaule et il m’a dit : ‘Tu vas manger’, » a raconté Gadi Mozes. Je lui ai dit : ‘Écoute, si tu me touches encore une fois, je te frapperai à mort, je me fiche de ce que ces armes pourront bien me faire mais tu ne me toucheras pas’. »
« Quel que soit le prix à payer, je ne le laisserai pas m’humilier », s’était-il dit.
Mozes avait été conservé en captivité dans dix endroits différents, notamment aux abords de l’hôpital Nasser, à Khan Younès, où des milliers de personnes déplacées à Gaza avaient trouvé refuge. Il avait été emmené dans une école du secteur.
« Des visions horribles », s’est-il exclamé. « Des milliers de personnes, des réfugiés qui avaient fui les bombardements, gisant, entassés comme des sardines, dans les couloirs, sur le sol ».
Alors qu’il lui était demandé s’il avait ressenti de la pitié pour eux, Mozes a répondu par la négative.
« J’ai vu quelque chose qui n’était pas normal, mais je n’ai ressenti aucune émotion », a-t-il déclaré. « Je me fichais de tout. Moi aussi, je souffre – comme eux. »
Selon N12, l’ex-captif a également été détenu dans la zone humanitaire d’Al-Mawasi. Il s’y trouvait lors de la frappe israélienne massive, dans le secteur, qui avait entraîné la mort de Muhammad Deif, le chef militaire du Hamas, au mois de juillet.

« Mon ravisseur m’a expliqué : ‘Il y a une chose que tu ne comprends pas concernant l’islam’, » a raconté Mozes. « Je dois te protéger avant de me protéger moi-même. Mais sache que si ton armée vient te sauver, nous te tirerons dessus avant même de nous défendre ».
Mozes a noté qu’il n’avait pas souhaité que l’armée lance une mission de sauvetage pour venir le tirer des griffes de ses geôliers : « Je me suis dit : ‘Je souffre tellement, et pour quelle raison ? Tout ça pour revenir dans un cercueil ?’. »
La remise en liberté de l’octogénaire a eu lieu dans le cadre de la première phase de l’accord de cessez-le-feu conclu entre Israël et le Hamas – une phase de 42 jours – qui a permis à 33 femmes, enfants, hommes civils de plus de 50 ans et personnes considérées comme des « cas humanitaires » d’être relâchés par les groupes terroristes en échange d’environ 1 900 prisonniers palestiniens, dont plus de 270 purgeaient des peines de prison à perpétuité en lien avec les meurtres de dizaines d’Israéliens.

Les combats ont repris mardi. 59 otages se trouvent toujours à Gaza – 24 seraient encore en vie.
Gadi Mozes, qui a dit qu’il essayait en permanence d’éviter tout conflit avec ses ravisseurs, a rappelé que le jour de sa libération, lorsque le Jihad islamique palestinien avait tenté de lui faire faire un V de la victoire pour une vidéo de propagande, il avait refusé catégoriquement.
« Je me suis dit : ‘Je ne vais pas leur donner une image de victoire, tout foutre en l’air’, » a-t-il déclaré.
Avant la remise de l’otage à la Croix Rouge, le 30 janvier, ses geôliers avaient filmé un clip de propagande dans lequel il faisait leur éloge, a-t-il expliqué.
Ils l’avaient emmené dans un cimetière où ils l’avaient placé devant une fosse déjà creusée dans le sol, deux fusils braqués sur lui, a expliqué Mozes. Il s’est souvenu avoir pensé à sa famille – il était sûr qu’il était en train de vivre ses derniers instants.
Ses ravisseurs n’avaient d’abord pas dit un mot – un silence total.
« Puis, tout à coup, ils ont commencé à m’interroger : ‘Est-ce que c’est vrai que la nourriture du Jihad était bonne ?’. J’ai répondu : ‘Bonne ? Fantastique ! Je n’avais jamais mangé de riz aussi bon’, » a raconté l’ex-otage. « Il m’ont ensuite demandé : ‘Et c’est vrai qu’ils vous ont bien traité ?’. J’ai répondu : ‘Extrêmement bien’… Tout était scénarisé et enregistré », a-t-il indiqué.

« Je ne sais pas si je peux réussir à trouver les mots pour parvenir à vous décrire ce sentiment de peur, ce sentiment de terreur – je tremblais. J’avais tellement peur devant cette fosse », s’est souvenu Mozes. « Et puis ils m’ont dit de monter dans la voiture : ‘On y va’. »
Mozes avait été confié aux soins de la Croix-Rouge à Khan Younès en compagnie d’Arbel Yehoud, 28 ans, une habitante du kibboutz Nir Oz qui était également détenue, seule, par le Jihad islamique palestinien. Le véhicule dans lequel ils se trouvaient avait été encerclé par des milliers de Gazaouis, dont de nombreux hommes armés – à l’occasion d’une cérémonie organisée à des fins de propagande qu’Israël devait ultérieurement critiquer avec force.
« Le bruit était assourdissant. Ce que l’on voyait à la télévision, c’était rien du tout », a dit Mozes. « Les gens continuaient à pousser, la voiture se balançait. »
Yehoud avait été la première à sortir du véhicule.
Les ravisseurs « ont ouvert la porte et ils lui ont dit : ‘Viens’ – et j’ai cru que j’allais perdre la tête », s’est rappelé Mozes devant les caméras de N12. « Je n’ai rien vu, juste une masse de gens… J’étais effrayé à l’idée qu’elle ait été livrée à la foule ».
Une heure plus tard, Mozes avait quitté le véhicule. Il s’était alors dit : « Ça y est, ils ont dévoré Arbel et maintenant, ils vont me dévorer ».

L’octogénaire stoïque, qui avait semblé esquisser un demi-sourire alors qu’il se frayait un chemin dans la foule, a ajouté : « On pouvait voir sur mon visage que j’avais l’air hystérique ».
S’exprimant depuis Nir Oz, à l’Est de Gaza, Mozes a précisé que « mon cœur s’arrête » lorsqu’il regarde en direction de la bande de Gaza.
« Quand je regarde en direction de l’Ouest, je perds la tête parce que je sais que c’est de là que vient le Hamas », a-t-il indiqué. « C’est très difficile pour moi de regarder vers l’Ouest ».
Mozes, qui a toujours été à gauche sur l’échiquier politique, a fait remarquer qu’il se sentait tiraillé après l’assaut lancé par le Hamas.
« Je pense que la paix ne peut se conclure qu’avec les ennemis », a-t-il dit. « Quelle autre option y a-t-il ? Que mes petits-enfants meurent aussi là-bas ? Qu’ils soient enlevés ? »
Il a noté que d’un autre côté, « des années et des années de conviction que nous pourrions nous entendre, que nous pourrions trouver une formule qui donnerait sa place à tout le monde, ont volé en éclats après ces meurtres horribles, la mort de mes meilleurs amis qui croyaient tous en cette possibilité ».