GB : L’antisémitisme du parti Travailliste est « comme soulever une pierre et voir des insectes ramper »
Wes Streeting, travailliste, vice-président d’un groupe sur l’antisémitisme, choqué par les commentaires de sa collègue députée, dit que « quelque chose de très laid » se passe aussi dans le syndicalisme étudiant

LONDRES – L’un des nouveaux députés en vue du parti Travailliste déplore la réponse « maladroite et inefficace » de son propre parti à la vague de commentaires antisémites dans laquelle s’enlise actuellement le parti Travailliste. Mais Wes Streeting, qui représente la circonscription de Ilford North du nord de Londres où l’on trouve une grande communauté juive, a insisté cette semaine pour dire que le problème existait déjà avant que Jeremy Corbyn ne prenne la direction du parti.
Et curieusement, alors que Streeting a salué la démission de sa collègue la députée Naz Shah de son poste de secrétaire privée parlementaire du Chancelier de l’ombre John McDonnell, il ne voulait pas que l’argument sur ses messages de médias sociaux litigieux la force à démissionner du Comité spécial des affaires intérieures à la recherche sur l’antisémitisme.
Streeting est dans une position unique pour commenter les deux derniers cas de rhétorique antisémite du parti Travailliste – il est l’ancien président de l’Union nationale des étudiants (NUS), qui la semaine dernière a élu l’activiste BDS Malia Bouattia à sa tête – et il est vice-président du Groupe parlementaire multipartite sur l’antisémitisme. Le groupe a l’intention d’organiser un rassemblement parlementaire sur la question en juin.
S’adressant au Times of Israel dans le petit bureau encombré qu’il partage avec un autre député, à côté de la Chambre des communes, Streeting, 33 ans, a déclaré : « Jeremy Corbyn est un anti-raciste de longue date et engagé et je suis convaincu qu’il pense que l’antisémitisme est odieux. Mais en tant que chef du parti Travailliste, il a la responsabilité de prendre l’antisémitisme au sérieux – et de l’éradiquer. En raison de ses positions de gauche, il peut avoir un rôle important à jouer, s’il le veut, pour aider les gens à faire la distinction entre la critique légitime de l’Etat d’Israël et le racisme totalement inacceptable envers le peuple juif ».
Streeting déclare ne pas être surpris par la plupart des commentaires antisémites de la gauche dure, en ayant fait l’expérience et s’y étant habitué dans le syndicalisme étudiant.
Mais, a-t-il dit, « il y a maintenant un examen des médias sur l’élection de Jeremy Corbyn. C’est un peu comme soulever une pierre et voir sortir des insectes rampant.
« Beaucoup d’entre nous y assistent depuis des années et ont passé beaucoup de temps à le combattre. Nous savons que Jeremy est un critique de longue date de l’Etat d’Israël. Nous savons aussi qu’il est très fier de ses références en tant qu’antiraciste », a déclaré Streeting.
Le député, qui a été élu pour la première fois en 2015, a dit qu’il y avait un certain nombre de changements concrets qu’il aimerait voir se réaliser au sein du parti Travailliste pour aider à lutter contre l’antisémitisme.
Un « plan d’action contre l’antisémitisme » a été mis en avant et Streeting soutient fortement certaines de ses recommandations, y compris des modifications au livre des règlements du parti qui prévoiraient l’exclusion à vie pour ceux ayant propagé la haine de la race juive.
Il est également convaincu qu’il devrait y avoir une meilleure formation pour les personnes au sein de l’administration du parti qui sont responsables de la reconnaissance des commentaires antisémites – « ceux qui pourraient avoir à arbitrer les plaintes. »
« Quelque chose de très laid se passe dans le syndicalisme étudiant »
Seulement six ou sept ans se sont écoulés depuis que Streeting a été président de l’Union nationale des étudiants. Il avait alors la réputation d’être un ami proche de l’Union des étudiants juifs, mais l’élection de Malia Bouattia en tant que présidente, la semaine dernière l’a parfaitement horrifié.

Par le passé, Bouattia a fait référence à l’Université de Birmingham comme étant « un avant-poste du sionisme » et fief de « l’une des plus grandes sociétés juives dans le pays. »
Elle a également parlé avec passion à l’appui de la violente « résistance » palestinienne, insistant qu’elle ne devrait pas être considérée comme du terrorisme et a critiqué l’idée que la « Palestine » pourrait être libérée par l’action non-violente seule.
À l’occasion de la conférence de Brighton où elle a fait ses remarques à propos de l’Université de Birmingham, les étudiants ont également débattu pour savoir si le NUS devrait célébrer la Journée internationale du Mémorial de l’Holocauste. Un étudiant s’étant déclaré contre l’événement a été applaudi par les délégués.
Streeting a déclaré au Times of Israel qu’il y avait « quelque chose de très laid en cours dans le syndicalisme étudiant, en particulier en ce qui concerne l’antisémitisme. Nul besoin de chercher très loin sur Internet pour trouver des références aux « Holohoax » (le fait de nier l’Holocauste) et à la conviction que l’Holocauste était un outil politique pour faire avancer les intérêts d’Israël, plutôt qu’une atrocité qui est à juste titre commémorée de telle sorte que nous pouvons en tirer de bonnes leçons. C’est là que l’opposition à la Journée internationale du Mémorial de l’Holocauste atteint son apogée. Je suis vraiment choqué que quelqu’un ait parlé contre la Journée internationale du Mémorial de l’Holocauste et ait reçu une salve d’applaudissements. Ce genre de chose n’existait pas quand je participais à l’Union nationale des étudiants ».
Le syndicat national, qui représente environ 7 millions d’étudiants britanniques, a « un problème », a déclaré Streeting.
« Il veut débattre de la sémantique condamnant l’Etat islamique d’une part, mais aura une approche tout à fait fausse sur la façon dont il traite de l’Etat juif d’Israël », a déclaré Streeting. « Je pense que le NUS est coupable de doubles standards épouvantables et des pires mouvements politiques. Je crains que cela ne mène à ce que le NUS ne soit plus pris au sérieux sur les questions de tous les jours qui touchent les étudiants. »
Néanmoins, Streeting soutenait que « la lutte n’est pas finie avec le NUS. Des étudiants décents d’esprit doivent récupérer leur union nationale et la sortir de la politique d’extrême-gauche qui domine actuellement les hautes sphères du NUS. L’accent doit être mis sur la récupération du NUS, pas sur sa destruction ».
Deux heures après l’entrevue avec Streeting, la Cambridge Jewish Society est devenue la première Société juive de Grande-Bretagne à demander à son université de se désaffilier du NUS.
Nul besoin de chercher très loin sur Internet pour trouver des références aux « Holohoax » (le fait de nier l’Holocauste) et à la conviction que l’Holocauste était un outil politique pour faire avancer les intérêts d’Israël
Dans un communiqué, la Cambridge University Jewish Society a dit qu’elle avait adopté une motion en faveur de la désaffiliation – apparemment à 65 % – et a déclaré que « à la lumière de l’élection de Malia Bouattia, dont la rhétorique a troublé beaucoup de nos membres, un référendum permettra aux étudiants de l’Université de Cambridge de décider s’ils souhaitent être représentés par l’Union nationale des étudiants ».
Une rencontre est prévue avec le conseil syndical des étudiants de l’université, le 2 mai.
Streeting était dédaigneux de quelques-unes des déclarations faites par Bouattia en réponse aux critiques de ses remarques sur les sionistes.
« Je ne pense pas qu’elle a répondu à la raison pour laquelle avoir une large société étudiante juive serait problématique. Je ne pense pas qu’elle a montré une bonne compréhension de la différence entre la critique légitime de l’Etat d’Israël et le langage et l’imagerie antisémites. Je ne pense pas qu’elle a expliqué comment elle a jugé acceptable, dans un discours réfléchi qu’elle a lu, que la protestation violente [contre les Israéliens] est acceptable ; et, dans ce contexte, je ne comprends pas comment elle peut possiblement prétendre représenter tous les étudiants. Elle n’a clairement pas la confiance des étudiants juifs et je doute qu’elle parle pour la majorité des étudiants de ce pays ».
Choc sur Shah : « une question toxique pour le parti »
En ce qui concerne la députée Naz Shah, Streeting se déclarait « choqué. Je la connais très bien et j’ai appris a véritablement l’estimer et apprécier le travail qu’elle a accompli dans la promotion de la diversité et la lutte contre la discrimination. Je suis vraiment choqué par les commentaires qu’elle a postés car ils semblaient détonner complètement avec ce qu’elle a pu dire et faire depuis qu’elle est devenue députée ».
Il a dit qu’il était « heureux » qu’elle ait démissionné de son poste de secrétaire privée parlementaire de John McDonnell et qu’ « elle a effectivement pris la responsabilité de ses paroles et montré qu’elle avait compris pourquoi c’était des choses inacceptables à dire.
« Je pense qu’elle peut jouer un rôle important dans la lutte contre l’antisémitisme à l’avenir, parce qu’il y a beaucoup de gens qui ont utilisé le même langage que Naz et qui sont ignorants, et nous devons leur dire pourquoi l’utilisation particulière de certaines images est si dommageable », a-t-il dit.
Shah n’est « pas quelqu’un qui fait des excuses le cœur léger », a insisté Streeting, affirmant que sa collègue députée était au courant des implications de ce qu’elle avait dit. Mais il a ajouté qu’il était important pour elle de rester sur l’investigation sur l’antisémitisme du Comité spécial dans l’espoir qu’elle pourrait apprendre quelque chose sur la haine de la race juive.
« Ce problème ne disparaîtra pas [dans le Parti travailliste] », a déclaré Streeting. C’est « une question toxique pour le parti et sa réputation avec la communauté juive. J’ai eu à travailler très dur pour construire des ponts avec la communauté juive dans ma circonscription : j’espère que les leçons sont en train d’être apprises ».
Alors que nous arrivions au bout de notre entretien, un groupe de politiciens Conservateurs, faisant référence à la promesse du Chancelier de l’ombre, John McDonnell, que les antisémites seraient chassés du parti Travaillistes, a demandé à Jeremy Corbyn d’exclure Naz Shah.
Oliver Dowden, député d’Hertsmere, a demandé au leader travailliste : « Pourriez-vous confirmer que cette tolérance zéro sera appliquée à l’ancienne secrétaire privée parlementaire du Chancelier de l’ombre ? Ne pas agir remettrait en question l’engagement du parti Travailliste à gérer un comportement tout à fait inacceptable et constituerait une trahison des valeurs que tous ceux qui croient en la démocratie doivent défendre ».
Le président parlementaire des Amis conservateurs d’Israël, député et ancien ministre des Communautés, Sir Eric Pickles, a déclaré : « Ces mots nuisibles font écho aux actes de haine et d’intolérance que nous, en tant que pays, avons toujours combattu – et le fait qu’ils proviennent d’un membre du Parlement sur le point de mener une enquête sur la montée de l’antisémitisme est scandaleux. J’exhorte le leader travailliste Jeremy Corbyn à prendre des mesures immédiates ».
Et le 27 avril, en réponse à une question de la députée conservatrice Suella Fernandes sur l’antisémitisme, le Premier ministre David Cameron a déclaré : « L’antisémitisme est par essence du racisme, et il doit être éradiqué. »
« Le langage que j’employais n’était pas correct »
Il a continué, citant les commentaires du Chancelier de l’ombre, John McDonnell, sur la réponse du parti Travailliste à l’antisémitisme au sein de la formation « Dehors, dehors, dehors…», puis a rugi : « Trop d’heures s’écouleront aujourd’hui avant que cela n’arrive à la députée en question. »
Presque au même moment que les commentaires de Cameron, le Jewish News de Londres a publié une lettre exclusive d’excuses de Shah.
« Le langage que j’employais n’était pas correct », a écrit Shah. « Il est nuisible. Ce qui est important est l’impact que ces messages ont eu sur d’autres personnes. »
[Naz Sha a été suspendue du parti Travailliste juste après l’entretien.]
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