Hommage à Sivan Weil, un jeune soldat franco-israélien tombé au combat
L’armée israélienne annonçait le 31 mars la mort de ce soldat de 20 ans qui avait succombé à ses blessures subies lors de combats contre le groupe terroriste palestinien du Hamas dans la région de Khan Younès. Entretien avec ses proches
Yom HaZikaron représente une date incontournable pour les Israéliens, particulièrement forte et poignante pour les familles des soldats tombés au combat.
Ce jour du souvenir, littéralement traduit en français, dédié à la mémoire de ceux qui ont péri en défendant leur pays, ainsi qu’aux victimes du terrorisme revêt comme chaque année un goût terriblement amer, tant la douleur des familles demeure vive et les images barbares du 7 octobre gravées dans notre esprit.
Cette année, plus de 1 500 noms se sont ajoutés à la liste des soldats et civils « victimes du terrorisme », depuis l’assaut barbare et sadique du groupe terroriste palestinien du Hamas sur le sud d’Israël le 7 octobre et la guerre qui s’en est suivie dans la bande de Gaza.
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Selon des chiffres officiels, 25 040 soldats et membres des forces de sécurité sont morts en service actif depuis 1860, lorsque les premiers habitants juifs de la Vieille ville de Jérusalem ont créé pour la première fois de nouveaux quartiers en dehors des murailles.
Israël rend aussi hommage aux 5 100 civils tués dans des attentats terroristes, selon des chiffres de l’Institut national d’assurance, chargé des indemnisations, dont plus de 800 depuis le 7 octobre. Ce chiffre inclut les victimes d’attaques en Israël, en Cisjordanie et près de la frontière nord avec le Liban.
Après ce constat désarmant, plus de sept mois après le début de la guerre, nous tenons à rendre hommage à l’un de ces soldats, Sivan Weil (z”l) dont le Times of Israël a rencontré les proches.
Tous à travers leur témoignage donnent de lui l’image d’une personne déterminée, pleine de joie. Sivan est l’un des soldats grièvement blessés au cours du combat entraînant la mort du sergent de première classe Alon Kudriashov et de 16 autres soldats blessés de l’unité d’Egoz dont il faisait partie. Il a succombé à ses blessures, atteint par un tir de RPG lors de combats dans la zone de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. Ses parents ont décidé de faire don de ces organes dans la continuité de l’altruisme de Sivan permettant de sauver 5 personnes.
Sa famille a accepté de partager des souvenirs de son enfance, de son parcours, et également de ses derniers moments, au lendemain du premier mois de deuil.
C’est dans leur maison à Raanana (centre), que Julien et Hélène, accompagnés de Nathan, Ido et Alma, les frères et sœurs de Sivan, ainsi que de leurs amis de toujours Teo, Yair et Etan, se sont rassemblés pour se remémorer ensemble qui était Sivan, un jeune homme discret mais sachant vivre pleinement le moment présent, avançant avec force et sourire dans la vie.
Depuis combien de temps votre famille réside-t-elle en Israël ?
Hélène : Nous avons fait notre alyah en Israël en 1998. Notre arrivée découle de l’opportunité professionnelle saisie par Julien à cette époque, alors qu’il a obtenu un service civil, à l’ambassade de France. Initialement prévu pour une durée d’un an et demi, ce séjour devait répondre à une aspiration de longue date de Julien à s’établir dans ce pays. Pour ma part, j’étais plus mitigée quant à cette décision.
Toutefois, dès notre installation en Israël, nous avons rapidement décidé de nous y installer de façon permanente. Nous avons posé nos bagages le 7 avril, jour où, en 2022, Sivan a intégré l’armée.
Deux ans après notre arrivée, nous nous sommes unis par les liens du mariage, en 2000. Par la suite, nous avons eu quatre enfants. Tous ont vu le jour en Israël : Nathan en 2001, Sivan en 2003, Ido en 2006 et Alma, notre cadette, en 2013.
Pourquoi avoir choisi le prénom « Sivan » ?
Julien et Hélène : Nous avons été inspirés par une chanson israélienne populaire à l’époque, « Sivan » d’Yigal Bashan. Bien que ce prénom soit plus couramment attribué aux filles, nous avons trouvé qu’il possédait une aura singulière pour un garçon… Nous aimons particulièrement l’harmonie des lettres hébraïques, סיון, qui descendent en decrescendo du ‘youd’ jusqu’au ‘noun sofi’.
De plus, cela a permis de dissiper toute confusion avec son commandant à l’armée, qui partageait le même nom de famille, Weil. Son mefaked [commandant] a exactement le même nom que son grand-père Daniel Weil (z”l), c’était symbolique. Les amis de l’armée, c’est comme la famille.
Même après avoir eu une appendicite sévère à Gaza et après qu’il a dû être évacué d’urgence, passant un mois en convalescence à la maison, il a reçu un appel et aussitôt, il est reparti. Il sentait qu’ils avaient encore besoin de lui là-bas.
Quels étaient les loisirs de Sivan ?
Julien et Hélène : Sivan, passionné de sports, a pratiqué le judo, la capoeira, le handball, le volley et le football, où il était gardien de but pour le Hapoël Raanana. Jeune mais sûr de lui, il avait un sang-froid remarquable depuis son enfance.
Comment décririez-vous sa personnalité ?
Julien et Hélène : Sivan était ce que l’on pourrait qualifier de « force tranquille ». Son calme apparent dissimulait une force physique exceptionnelle. Malgré cela, il demeurait serein et réservé. Il pouvait passer des heures dans sa chambre, absorbé dans la lecture ou le visionnage de films. Il lisait Harry Potter en entier, tous les ans. C’était comme un rituel, un cycle qu’il entamait avec Harry Potter. Il savait qu’à l’année suivante… il recommencerait. Pendant pratiquement six ans d’affilée.
Pendant la période du Corona, nous plaisantions sur le fait que l’empreinte de son corps semblait gravée dans son lit, tant il y passait de temps.
Toutefois, derrière cette apparence tranquille se cachait un esprit taquin. Sivan aimait faire des blagues, mais toujours avec discrétion. Il avait un côté carpe diem inné, une capacité naturelle à insuffler de la joie et de la légèreté dans les situations du quotidien.
Un de ses camarades de l’armée nous a récemment raconté une anecdote où, lors d’un repas, Sivan avait ajouté du sel dans l’eau de ses compagnons. À l’âge de 20 ans, cette âme d’enfant demeurait intact. Et en même temps, il était très professionnel sur le plan militaire, il était toujours au top, précis et direct dans sa façon d’agir. Tout était clair dans sa tête. Il était limpide. Il savait trancher très rapidement.
Son caractère direct et sa limpidité se manifestaient au quotidien et dans ses choix de vie, où il faisait preuve d’une grande clarté d’esprit. Sivan était d’une logique implacable. Bien qu’il fut réservé de prime abord, il accordait sa confiance avec discernement, préférant s’entourer de personnes qu’il connaissait bien. Son attachement à ses proches et son sens de la camaraderie étaient des traits saillants chez lui.
Il ne faisait aucun projet pour le futur. Il ne disait pas ‘plus tard je vais être ingénieur’, et quand on lui demandait, il répondait simplement ‘j’en sais rien’. Son projet, c’était simplement sa journée, quoi.
Yair et Ethan : C’était quelqu’un en qui on pouvait avoir une confiance totale, tout le temps. Il était très proche de nous. J’avais toujours le sentiment qu’avec Sivan, on allait bien s’amuser.
Une anecdote marquante à propos de Sivan ?
Yair et Ethan : Il y a un enregistrement de Sivan avec son copain Ben, le frère de Téo, en train de faire vraiment une bêtise dans la forêt. Au lieu de prendre une petite branche pour faire du feu, il a pris tout l’arbre. Ça, c’est vraiment Sivan. À chaque fois, il revenait avec des arbres comme ça, énormes.
Hélène : C’était tellement lui. Il adorait le feu, s’occuper des barbecues, et tout ce qui était excursions dans la nature : marcher, dormir dehors. Il adorait. Je crois que s’il y a quelque chose qui ne l’a pas gêné à l’armée, c’est ça. Ne pas se doucher pendant une semaine, ce n’était pas un problème pour lui. Mais après, quand il était à Gaza, c’était autre chose.
Son attachement aux Éclaireurs israélites de France ?
Hélène : Chaque année, la bande des quatre mousquetaires partait pour un séjour de trois semaines aux EEIF, en France. Il n’avait que dix ans lors de sa première expérience, où ils téléphonaient une fois par semaine. En fait, ils se sont éclatés. Je crois que c’est leur meilleur souvenir de vacances, mieux que le Japon, les États-Unis et les grands voyages. De plus, cela les prépare à l’armée, ou quand ils ont déjà une certaine maturité, ils savent se séparer sans problème de leurs parents. Ils savent se débrouiller dehors, se faire à manger, etc…
Yair et Ethan : Surtout aux EEIF, chaque fois qu’on arrivait, c’était une autre atmosphère. On faisait beaucoup plus de bêtises qu’à la maison. On se sentait vraiment libres, indépendants.
Son parcours militaire, une vocation d’être combattant ?
Nathan : Dès l’âge de 16 ans, Sivan visait uniquement les unités d’élite de l’armée israélienne, telles que la Shayetet 13 ou la Sayeret Matkal. Moi, j’étais déjà en service à l’époque. Il s’entraînait dans une préparation avant l’armée et il a obtenu finalement Egoz. Je l’ai découvert avant lui et je lui ai dit. Il était satisfait de son affectation.
Julien : Il avait à cœur de servir son pays et était fier de porter l’uniforme. Il était animé d’une grande maturité et profondément sioniste dans l’âme.
Son rapport à sa double culture franco-israélienne ?
Julien : Je me souviens que lorsque Hélène lui parlait en français, Sivan lui répondait systématiquement en hébreu. Il était fier de sa maîtrise de la langue hébraïque et de son appartenance à la culture israélienne. Même quand il partait au camp d’été en France, il était censé parler en français pour que les autres le comprennent. Et lui, il disait apparemment, non, ‘nous on vient d’Israël, c’est à eux de nous comprendre’. Même au fin fond de la Dordogne, il continuait à parler hébreu. Mais il passait beaucoup de temps en France, au moins un mois et demi par an ; après les camps des EEIF, il restait dans notre maison familiale dans le Pays Basque. Il adorait le gâteau basque. Donc à chaque fois que nous partions en France, on lui en ramenait. C’était son gâteau préféré. Il aimait le gâteau basque et tous les gâteaux aux fruits et en particulier aux fruits rouges. Et là-bas, il continuait à vivre à la mode française. Il l’aimait, mais malgré ça, il revenait à la maison en Israël heureux.
Qu’avez-vous découvert sur Sivan en rangeant ses affaires ?
Julien : Nous avons reçu son journal de guerre, tenu lors de son temps à Gaza. Il décrivait ses impressions et ses émotions. Pour ma part, ça n’a que confirmé ce que je savais de mon fils. Son dernier message, était adressé à sa petite amie Yali, qu’il avait rencontré pendant sa période de convalescence à la maison. C’est la première fois qu’il nous avait présenté une jeune fille officiellement.
Yali a souhaité partager quelques mots sur les moments partagés avec son Sivan avant son décès : “Sivan et moi nous sommes rencontrés environ une semaine et demie après qu’il eut été blessé pour la première fois à Gaza. Nous nous sommes retrouvés dans un bar à Herzliya, et à partir de là, nous avons commencé à parler et à mieux nous connaître. Pendant son mois et demi à la maison, nous sommes sortis souvent : à la mer, au cinéma, au bowling, au restaurant, et nous sommes simplement restés chez nous pendant des journées entières. Au cours des deux mois où nous nous sommes connus, j’ai découvert une personne extraordinaire avec une personnalité unique. Je suis tellement heureuse d’avoir eu l’opportunité de le connaître et suis reconnaissante pour tout notre temps passé ensemble.”
La décision de faire don de ses organes, une démarche difficile ?
Julien : Prendre la décision de faire don des organes de notre fils a été un choix compliqué, d’autant plus qu’il n’avait pas exprimé explicitement son souhait de le faire. Nous avons pensé aux familles qui pourraient bénéficier de ce geste altruiste et nous nous sommes projetés à leur place. Nous avons estimé que c’était une manière si on peut dire de prolonger sa vie et de perpétuer son souvenir. En donnant ses organes, il y a une petite part de lui qui continue de vivre à travers ceux qu’il a aidés. Nous savons désormais que le don de ses organes a permis de sauver des familles entières, quelles que soient leur origine, juive, arabe israélienne, druze. Nous souhaitons simplement continuer à faire le bien, à apporter du positif en son nom.
Que retenez-vous du parcours de vie de Sivan ?
Julien : La vie de Sivan a été pleine, trop courte… mais pleine. Il est parti trop tôt, mais je pense qu’il n’aurait rien à regretter aujourd’hui.
Sa façon d’être au monde est une source d’inspiration pour nous, et nous nous efforçons de perpétuer son souvenir en cultivant les valeurs et les traits de caractère qu’il incarnait.
Sa lucidité, sa force, sa capacité à vivre pleinement le moment présent, nous tentons au mieux de les faire nôtres. Je pense que ça ne peut être que des bonnes choses à retenir, même pour nous, et à apporter du positif au monde.
Yair : L’art de vivre le moment, d’être dans le présent.
La famille de Sivan et ses amis ont créé une page Instagram @remember-sivan-weil pour partager des souvenirs de Sivan. Que sa mémoire soit une bénédiction.
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