« J’ai repris la vie que j’aime » : les premiers messages des ex-otages
Moins de 24 heures après sa libération, Emily Damari a retrouvé ses repères et envoyé un message sur les réseaux sociaux avec un emoji "rock", clin d'oeil à ses deux doigts perdus le 7 octobre

Le pays tout entier a fait de son mieux pour ne pas se montrer intrusif, soucieux de laisser leur intimité aux trois otages libérés des griffes du du Hamas à Gaza, dimanche. Mais les messages publiés par les trois jeunes femmes et leurs proches ont fait plaisir et ont redonné espoir en Israël, après plus de 15 mois de guerre.
« De l’amour, de l’amour, de l’amour », a écrit Emily Damari dans une story Instagram qui a été publiée lundi matin, dans laquelle elle a remercié sa famille et ses amis pour leur soutien. « J’ai repris la vie que j’aime. »
Le centre hospitalier Sheba a déclaré dimanche soir que Damari, 28 ans, Romi Gonen, 24 ans, et Doron Steinbrecher, 31 ans, étaient, à l’issue de leur transfert par hélicoptère entre la frontière de Gaza et cet hôpital des environs de Tel Aviv, dans un état stable. Elles sont en compagnie de leurs proches.
Ces femmes sont les premières des 33 otages qui doivent être libérés ces prochaines semaines, en vertu des dispositions de la première phase de l’accord qui pourrait, in fine, voir la libération des 94 captifs restés à Gaza et mettre fin aux combats dans l’enclave palestinienne.
C’est dans une atmosphère chaotique que les trois femmes ont été relâchées dans la ville de Gaza, dimanche soir : des hommes armés masqués du Hamas les ont remises à la Croix-Rouge au beau milieu d’une foule compacte et bruyante qui était principalement composée de jeunes hommes.
Dans un communiqué publié lundi matin par le Forum des familles d’otages et de portés-disparus, la mère de Damari, Mandy, a déclaré que sa fille était « en bien meilleure santé que prévu ».

« Hier, j’ai enfin pu prendre Emily dans mes bras, comme j’en rêvais depuis longtemps », a-t-elle déclaré en remerciant celles et ceux qui ont fidèlement soutenu cette binationale israélo-britannique, ces 15 derniers mois.
« Quelle joie de voir – comme le monde entier – la force, la détermination et le charisme d’Emily au moment de sa libération », a-t-elle ajouté.
Elle n’a toutefois pas caché qu’il faudrait du temps à sa fille pour se remettre de son calvaire : elle avait perdu deux doigts lorsque des terroristes du Hamas lui avaient tiré dessus le jour du pogrom, lors de la prise d’assaut du kibboutz Kfar Aza. Les hommes armés qui étaient entrés chez elle avaient ouvert le feu sur son chien, a-t-elle expliqué à ses proches et à ses amis lors de ses premiers échanges avec ces derniers, dimanche soir – et elle avait été blessée alors qu’elle tentait de réconforter son animal mourant, a-t-elle raconté.
Sur Instagram, l’ex-otage a écrit que tout cet amour et ce soutien faisaient « exploser son cœur de joie ». « Merci, merci, merci », a-t-elle ajouté. « Je suis tellement heureuse d’être en vie. » Son message était accompagné d’un emoji « rock », clin d’œil au signe de ralliement que sa main fait désormais en permanence.

Sur des photos et des vidéos très émouvantes de leur libération, dimanche, on voit Damari, Gonen et Steinbrecher sourire de bonheur dans les bras de leurs proches. Dehors, amis et soutiens ont fait la fête et dansé en brandissant des drapeaux israéliens.
Des amis de Damari ont déclaré à la chaîne N12 qu’elle avait sorti la tête, par la fenêtre de la voiture, pour les saluer, alors qu’elle arrivait à l’hôpital de Ramat Gan.
« Elle est heureuse et sa santé est aussi bonne que possible… C’est une battante, elle est forte », a commenté l’un de ses amis.

Dans un message vocal sur WhatsApp qui a été communiqué aux médias israéliens, Gonen dit à ses amis : « C’est moi, Romi, revenue de captivité. Merci à tous, je ne sais pas tout ce que vous avez fait, je n’en ai sans doute vu qu’une infime partie, mais vous êtes les meilleurs, je vous remercie infiniment. Je vous envoie à tous des câlins et des baisers, et si Dieu le veut, nous nous reverrons bientôt. »
Avant ce dimanche, cela avait été le 7 octobre 2023 à 10 h 58 qu’elle s’était manifestée pour la dernière fois – au moment précis où elle et ses amis tentaient d’échapper au Hamas dont les hommes armés avaient attaqué les fêtards qui prenaient part à la rave Nova, non loin du kibboutz Reim.
Gonen était au téléphone avec sa mère, Meirav Leshem Gonen, depuis que les terroristes avaient fait irruption dans la rave, à 6h30 du matin. Peu de temps avant son enlèvement, elle lui avait dit qu’elle avait pris une balle et qu’elle saignait.
Leshem Gonen a écrit lundi sur Facebook que la famille souhaitait se tenir à distance de l’agitation médiatique liée à cette libération, sur laquelle la société israélienne a eu les yeux rivés, sans compter l’attention internationale.
« En ce moment, nous sommes dans notre monde à nous, un monde déconnecté de l’extérieur. Seule la famille existe », a écrit Leshem Gonen sur Facebook. « Dans peu de temps, nous reprendrons notre fonctionnement normal et nous reviendrons », a-t-elle ajouté avec un emoji « sourire ».

Leshem Gonen a posté : « Il me faudra – il nous faudra – un moment pour souffler et pour croire en cette nouvelle réalité. »
La famille Steinbrecher n’a pas fait de commentaire – mais un proche a indiqué au site d’information Ynet qu’elle semblait aller bien.
« Nous avons vu Doron debout sur ses deux pieds et souriante », a déclaré Ofer Oved au média. « Nous savons tous qu’il faudra du temps, mais à part les contrôles médicaux, elles ont l’air bien. Nous espérons les voir le plus vite possible, au sein de notre communauté de Kfar Aza qui a dû se transporter à Ruhama. »
Tout comme Damari, Steinbrecher avait été kidnappée chez elle, au kibboutz Kfar Aza. Les autorités ont installé des préfabriqués – des maisons temporaires – pour les habitants de Kfar Aza dans le kibboutz Ruhama, à une quinzaine de kilomètres.

Selon Ynet, les trois femmes devaient subir des examens médicaux tout le long de la journée de lundi. Les médecins ont expliqué que certains tests auraient dû être faits dès dimanche soir, mais qu’ils ont été retardés de façon à laisser le temps aux ex-otages de retrouver leurs proches.
Selon la même source, il est prévu que Sheba donne des informations sur leur état de santé à l’issue des examens. Le débriefing de sécurité qui était prévu lundi aurait été reporté à mardi.
« Il faudra encore quelques jours pour procéder à tous les examens », a déclaré dimanche le directeur adjoint du ministère de la Santé, le Dr Sefi Mendelovich.
L’accord de cessez-le-feu, qui a ouvert la porte à la remise en liberté des otages, est le fruit d’une initiative internationale de longue haleine qui a permis de convaincre le Hamas et Israël d’accepter de mettre fin à la guerre qui avait été déclenchée par le pogrom commis par le groupe terroriste, le 7 octobre, et de libérer les derniers otages. Conformément à la première des trois phases de cet accord, 33 otages aux mains du Hamas, à Gaza, seront libérés en l’espace de 42 jours en échange de plus de 1 904 prisonniers palestiniens de sécurité, plusieurs d’entre eux purgeant des peines de prison à perpétuité pour terrorisme ou pour meurtre.

Les prochaines libérations sont prévues pour samedi : quatre femmes devraient être libérées. Tous les otages libérables à la faveur de cette première phase de l’accord sont des cas dits humanitaires – femmes, enfants, hommes de plus de 50 ans ou malades ou blessés. La plupart de ces 33 personnes – mais pas toutes – sont supposées être encore en vie.
Sur les 251 otages enlevés par le Hamas lors du pogrom commis le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël, 91 seraient encore à Gaza, dont les corps sans vie d’au moins 34 personnes dont la mort a été confirmée par l’armée israélienne.
Le Hamas avait libéré 105 civils à la faveur d’une trêve d’une semaine, fin novembre 2023, et quatre otages avaient été libérés un peu avant. Huit otages vivants ont été secourus par des soldats, et les corps de 40 otages ont par ailleurs été retrouvés, dont trois tués par erreur par l’armée israélienne alors qu’ils tentaient d’échapper à leurs ravisseurs.
Le Hamas détient également deux civils israéliens entrés de leur plein gré dans la bande de Gaza, respectivement en 2014 et 2015, ainsi que le corps d’un soldat de Tsahal tué en 2014. Le corps d’un autre soldat de Tsahal, également tué en 2014, a récemment été retrouvé à Gaza et rapatrié dans le cadre d’une opération militaire israélienne clandestine.
Emanuel Fabian a contribué à cet article.