Le Grand rabbin affirme que ses propos sur l’exode des haredim en cas de service militaire obligatoire ont été « déformés »
Yitzhak Yosef n'est pas revenu sur ses paroles mais il a indiqué ne pas avoir voulu heurter les familles en deuil
Le grand rabbin séfarade Yitzhak Yosef a rejeté, vendredi, les critiques émises au sujet de sa menace récente prononcée lors d’un discours – il avait alors déclaré que les Juifs ultra-orthodoxes quitteraient massivement le pays si l’exemption de service militaire dont ils bénéficient largement était abrogée.
« Certaines personnes ont déformé mes paroles comme si nous offensions – Dieu nous en préserve – les familles en deuil », a dit le rabbin dans un entretien accordé à la chaîne de télévision publique Kan Moreshet, axée sur la religion. « Ceux qui ont été tués parce qu’ils étaient Juifs sont au premier rang devant Dieu. »
« Tout ce que nous avons dit, samedi soir, n’était qu’en l’honneur de la Torah – que nous devons continuer à renforcer l’étude de la Torah de manière à sauver le peuple d’Israël », a ajouté Yosef.
« Bien sûr, il est nécessaire de prier quotidiennement pour les soldats qui offrent leur vie au nom des habitants du pays », a-t-il poursuivi, citant des initiatives variées de prière qu’il a organisées en soutien aux militaires sur le terrain à Gaza.
Yosef n’est toutefois pas revenu sur la menace émise lors d’une conférence hebdomadaire, le 8 mars, lorsqu’il a déclaré que « si on nous force à entrer dans l’armée, nous partirons tous à l’étranger. Nous achèterons un aller-simple… Nous irons là-bas ».
« Tous ces laïcs ne comprennent pas que sans kollelim et sans yeshivot, l’armée ne réussira pas », avait-il ajouté, faisant référence aux institutions où les hommes religieux étudient les textes juifs – dans ce contexte, ils ne travaillent pas pour gagner leur vie et ils ne font pas leur service militaire au sein de Tsahal. « Les soldats ne réussissent que grâce à ceux qui apprennent les enseignements de la Torah », a-t-il poursuivi.
Ces propos ont été tenus alors que le gouvernement réfléchit à une nouvelle loi sur le service militaire, alors que la pénurie de personnel au sein de l’armée, dans un contexte de guerre contre le Hamas, a amené Tsahal à prolonger la période de service militaire obligatoire, à rappeler un plus grand nombre de réservistes et à élever l’âge de la retraite chez les militaires de carrière.
Yosef est le fils de feu le chef spirituel du Shas Ovadia Yosef et il a une influence majeure au sein de la faction, qui fait partie de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Ses paroles lui ont valu les critiques des députés et de proches de soldats tombés au combat.
Le ministre du cabinet de guerre et président du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, avait estimé que les paroles du grand-rabbin s’apparentaient « à un coup moral porté à l’État et à la société israélienne ».
« Tout le monde doit exercer ce droit sacré qui consiste à servir le pays et à se battre en son nom et en particulier en cette période difficile – nos frères ultra-orthodoxes y-compris », avait-il ajouté.
Le leader de l’opposition Yair Lapid, à la tête de la formation centriste Yesh Atid, avait indiqué que ces propos étaient « un scandale et une insulte proférée à l’encontre des soldats qui sacrifient leur vie en défendant le pays ».
Dans un communiqué, le parti d’extrême-droite Hatzionout HaDatit, au sein de la coalition, avait déploré ces paroles, affirmant : « Après 2 000 ans d’exil, nous ne quitterons jamais notre pays. Une communauté qui est désireuse de payer de sa vie pour la Terre d’Israël n’abandonnera jamais, quelle que soit la situation. »
Le rabbin Tamir Granot, dont le fils Amitai a été tué par un missile anti-char sur la frontière avec le Liban, au mois d’octobre, avait fustigé Yosef. « Vous devez… monter sur le mont Herzl pour présenter vos excuses à mon fils, étudiant en yeshiva et soldat », avait indiqué Grenot au cours d’un entretien accordé mercredi à Ynet, faisant référence au cimetière militaire.
Les gouvernements successifs de Netanyahu ont eu du mal à parvenir à un consensus sur la législation relative au service militaire pour les ultra-orthodoxes, depuis une décision de la Haute Cour de 2017 qui a statué que les exemptions générales de service militaire pour les étudiants ultra-orthodoxes de yeshiva étaient discriminatoires et inconstitutionnelles, tout en ordonnant à l’État de trouver une solution à la question.
L’administration des ressources humaines de l’armée a indiqué à une Commission de la Knesset, le mois dernier, que 66 000 jeunes hommes de cette catégorie de la société – celle qui se développe le plus rapidement au sein de la population – avaient profité d’une exemption, l’année dernière, ce qui serait un chiffre record dans toute l’histoire du pays. Environ 540 jeunes Haredim ont par ailleurs pris la décision de s’enrôler depuis le début de la guerre, a noté Tsahal.