Le rare reportage d’un journaliste juif américain en Iran
Larry Cohler-Esses du Forward évoque "une dynamique d'attraction et de repulsion" entre le gouvernement théocratique et sa population
Un journaliste juif américain, de retour d’un périple sans précédent d’une semaine dans la République islamique, a décrit la relative liberté dans le choix des personnes à interviewer et des questions à leur poser, malgré un accompagnateur gouvernemental qui lui a été imposé.
Dans un long reportage multimédia publié mercredi dans le Jewish Daily Forward, Larry Cohler-Esses, le rédacteur en chef adjoint du journal a détaillé le processus d’obtention d’un visa pour la République islamique – avec l’aide d’un membre de la communauté juive iranienne qui a écrit une lettre en son nom – et ses conversations avec des ayatollahs en Iran, des responsables gouvernementaux ainsi qu’avec des Iraniens ordinaires sur les Juifs en général et sur Israël en particulier.
« Bien que je devais travailler avec un acconpagnateur et traducteur imposé par le gouvernement, j’ai pu décider quelles personnes je voulais interviewer et ce que je voulais leur demander. Loin du stéréotype d’un Etat islamique fasciste, j’ai trouvé une sorte de dynamique d’attraction-répulsion entre un gouvernement théocratique et sa population souvent réticente voire résistante », a écrit Cohler-Esses, le premier journaliste d’un journal juif américain à se voir accorder un visa depuis la Révolution islamique de 1979.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Our own @CohlerEsses traveled to #Iran on the first journalism visa granted to a #Jewish publication since 1979 http://t.co/Q6BhLjaS2B
— The Forward (@jdforward) August 12, 2015
Et bien que « personne n’ait dit quelque chose de positif » à propos d’Israël, il a identifié une ligne officielle divisée sur l’Etat juif.
« A la question de savoir si c’est à la politique d’Israël ou à son existence qu’ils s’opposent, plusieurs [officiels] étaient catégoriques : c’est à la politique d’Israël. D’autres, malgré leur opposition idéologique à un Etat juif, ont indiqué clairement qu’ils accepteraient une solution à deux Etats au conflit entre Israël et les Palestiniens si ces derniers en négociaient une et l’approuvaient dans un référendum ».
Les Iraniens ordinaires interviewés pour le reportage étaient plus préoccupés par les questions intérieures, comme le chômage élevé, la faiblesse de l’économie et la fuite des cerveaux des jeunes, mais ont également exprimé leurs opinions sur les Juifs et Israël.
L’élection il y a deux ans du président relativement modéré Hassan Rouhani couplée avec l’accord nucléaire signé récemment sur le programme nucléaire de l’Iran a considérablement influencé l’Iranien moyen et sa volonté de parler plus ouvertement, a-t-il estimé.
« J’ai été frappé à plusieurs reprises par la volonté des Iraniens à exprimer des critiques vives et même cinglantes envers leur gouvernement, parfois même heureux d’être filmés en le faisant, » a écrit Cohler-Esses.
« Le peuple d’Iran veut en quelque sorte montrer au monde que ce qui se passe depuis quelques années n’est pas la volonté du peuple iranien mais celle du gouvernement iranien, » a dit Nader Qaderi devant sa boucherie à Téhéran.
« Nous n’avons aucune hostilité envers Israël, » a-t-il précisé. Et d’ajouter : « En tant qu’êtres humains nous n’avons pas l’intention de les attaquer. Depuis les temps anciens… nous avons vécu en paix avec eux, comme des amis, comme des frères et comme des voisins. Nous ne voyons pas de raison à une guerre. Pas avec le peuple d’Israël et pas avec leur gouvernement ».
Qaderi s’est également déclaré sceptique sur la faculté de l’accord nucléaire pour améliorer le condition de vie des Iraniens.
« Notre principale préoccupation est maintenant la liberté ! Je pense que ce dont nous avons le plus besoin maintenant est l’intelligence politique. Les gens n’ont pas d’idée claire de ce qu’ils veulent. C’est le véritable combat », a-t-il conclu.
Ce sentiment a été repris lors d’une interview avec un serrurier à Chiraz, dans le sud de l’Iran, qui a estimé que si les gens soutenaient généralement l’accord, il ne pense pas qu’il « déclenchera un changement spécial dans leur vie de tous les jours. Les détenteurs du pouvoir ne permettront pas qu’il profite au peuple. »
Le serrurier, Hassan Shaaeri, a également dit qu’il ne ressent pas l’hostilité envers Israël, et a averti que si l’Iran devait attaquer l’Etat juif, « Israël ne restera pas immobile, et les Etats-Unis ne vont pas non plus rester immobiles. »
Un autre commerçant avait des choses moins positives à dire et semblait suivre la ligne officielle du régime.
« Nous, les musulmans, respectons les Juifs en tant que disciples de Sa Sainteté Moïse parce que Moïse-Moshé était un important prophète. Mais le problème qui existe aujourd’hui dans le Moyen-Orient, et l’hostilité qui a été créée contre les sionistes et les Juifs, ce sont les Juifs d’Israël qui en sont responsables. Autrement dit, les sionistes. Bien sûr, pas tous les Juifs, seulement les sionistes. Parce que pendant des années ils ont parqué des millions de Palestiniens dans des cages, » a déclaré ce marchand devant la caméra.
Cohler-Esses a également décrit des moments bizarres avec des responsables de la sécurité.
A l’aéroport, un gardien lui a dit « plus d’entre vous devriez venir ! » après avoir vérifié son passeport américain.
Lors d’une visite au mausolée du fondateur de la révolution islamique l’Ayatollah Khomeini, « et ayant appris que j’étais un Juif américain, le garde révolutionnaire de service m’a fait signe d’avancer avec un grand sourire, me permettant d’entrer avec mon appareil photo, malgré les instructions. Un de ses camarades a été heureux de poser avec moi pour une photo ».
Un autre gardien de la révolution a voulu savoir ce que les Américains pensaient des GRI (Gardiens de la Révolution Islamique), Cohler-Esses a répondu avec confusion que la plupart des Américains avaient probablement peur d’eux.
« L’Amérique est un pays riche avec une technologie avancée, une immense armée, de taille énorme et une grande population, » a repliqué le garde.
« L’Iran est un petit pays avec une petite armée, beaucoup moins développé technologiquement et beaucoup plus pauvre. Pourquoi les Américains auraient-ils peur ? »
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel