Le tribut payé par les sionistes-religieux alimente leur colère contre l’exemption des Haredim
La Knesset débat d'une loi sur la conscription militaire pour les ultra-orthodoxes, élargissant le fossé entre les communautés religieuses alors que la guerre fait rage sur plusieurs fronts
La conviction qu’il existe un commandement divin pour les hommes de servir dans Tsahal est, depuis au moins un demi-siècle, l’une des principales sources de discorde entre les sionistes religieux et leurs frères haredim, ou ultra-orthodoxes, plus insulaires.
Mais alors que le nombre de soldats de Tsahal tués ou blessés au combat ne cesse d’augmenter et que la communauté sioniste religieuse paie un tribut disproportionné en termes de pertes, ce désaccord s’est transformé en hostilité manifeste.
« Je suis mariée au capitaine Avi de Tsahal, qui sert dans la brigade Nahal », écrivait Rachel Goldberg dans une lettre adressée aux députés avant l’examen d’une législation soutenue par les Haredim visant à inscrire dans la loi l’exemption militaire pour les hommes étudiant dans des yeshivot.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
« Il a effectué plus de 220 jours de réserve au cours de l’année écoulée. Depuis dix jours, il se bat dans un village au Liban et je n’ai pas pu lui parler. En tant qu’infirmière, je suis au service de diverses populations, y compris les Haredim », a ajouté Rachel. « Je ne comprends pas comment il est possible de soutenir une loi qui exempte des groupes entiers du service militaire. Où est la moralité ? Où est le sens du devoir partagé ? Pourquoi notre famille doit-elle sacrifier autant pour l’État, au risque de tout perdre ? »
Avi Goldberg, rabbin et enseignant dans un lycée religieux, avait été ordonné par le grand rabbinat d’Israël. Il a été tué au Liban le 26 octobre, peu après que sa femme a écrit cette lettre.
Trois jours plus tard, Rachel, désormais veuve, a lu son texte lors d’une interview télévisée poignante.
Au 30 octobre, 777 soldats de Tsahal ont été tués et 5 196 blessés dans la guerre sur plusieurs fronts menée par Israël contre les groupes terroristes du Hamas à Gaza et du Hezbollah au Liban.
Un pourcentage disproportionné de soldats sionistes religieux est présent dans les unités de combat. Ce facteur, combiné à leur grande motivation sur le champ de bataille, résulte en un nombre anormalement élevé de soldats sionistes religieux tués ou blessés au combat.
Le commentateur politique de la chaîne N12, Amit Segal, lui-même sioniste religieux, a estimé à l’antenne la semaine dernière que plus de 60 % des soldats de Tsahal tués en octobre étaient des sionistes religieux.
« Il n’y a pas une école sioniste religieuse, un quartier, une yeshiva sans un soldat mort ou blessé », a-t-il déclaré.
Mercredi, le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général Herzi Halevi, a de nouveau souligné la nécessité d’augmenter les effectifs de l’armée, car les réservistes – qui ont servi à plusieurs reprises au cours de l’année écoulée à Gaza, à la frontière nord et maintenant au Sud-Liban – ont exprimé leur frustration de ne pas voir davantage d’ultra-orthodoxes enrôlés.
« Aux réservistes, je comprends les sacrifices, la famille, l’emploi et le fardeau. Nous avons besoin de solutions… Les effectifs de Tsahal doivent être renforcés, tant dans l’armée régulière que dans les réserves, et c’est pourquoi nous augmentons nos forces », a déclaré Halevi lors d’une visite à la frontière nord.
Plus de tolérance pour les magouilles politiques
La guerre à Gaza a éclaté après le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023, au cours duquel quelque 3 000 terroristes ont déferlé sur Israël par voie terrestre, aérienne et maritime, ont assassiné plus de 1 200 hommes, femmes et enfants, et pris 251 otages, et se sont livrés à des actes de violence extrême et des agressions sexuelles à grande échelle.
En Israël, tous les hommes et femmes physiquement aptes âgés de plus de 18 ans sont légalement tenus de servir dans l’armée. Le débat sur la réticence des Haredim de se soumettre à la conscription militaire s’est toutefois concentré presque exclusivement sur les hommes.
Les Haredim et les sionistes religieux partagent les mêmes textes juridiques juifs, citent et honorent les mêmes érudits talmudiques et partagent la même théologie sur la création, l’historicisme et l’autorité de la halakha (loi juive), tant en théorie qu’en pratique.
Pourtant, un fossé de plus en plus profond divise les Haredim et les sionistes religieux en ce qui concerne le service militaire – et cela a un impact sur la politique.
Lundi, le président de Yahadout HaTorah, le ministre du Logement Yitzhak Goldknopf, a renoncé à un ultimatum qui prévoyait que son parti quitte la coalition et fasse échouer l’adoption du budget 2025 si le gouvernement ne légiférait pas pour consacrer l’exemption du service militaire pour les Haredim avant le vote budgétaire.
Dans le passé, les politiciens sionistes religieux pouvaient apaiser les politiciens haredim en accordant des exemptions pour les étudiants des yeshivot, afin de maintenir une coalition de droite servant d’autres intérêts sionistes religieux. Aujourd’hui, cet électorat montre des signes de rébellion.
L’activisme politique, les plaidoyers émotionnels et les arguments halakhiques se mobilisent à l’intérieur et à l’extérieur de la Knesset pour empêcher les Haredim de maintenir des exemptions militaires généralisées.
Plusieurs grands rabbins sionistes religieux ont publiquement déclaré, sur la base de leur compréhension de la loi juive, qu’il n’existait aucune justification pour exempter les étudiants de yeshivot de l’effort de guerre.
« Tous les députés des partis qui se considèrent comme sionistes religieux devraient comprendre qu’une législation prévoyant des exemptions générales pour les érudits de la Torah est une trahison des valeurs du sionisme religieux », a récemment écrit le rabbin Yitzhak Shilat, directeur et cofondateur de la yeshiva Birkat Moshe Hesder à Maale Adumim, dans une lettre adressée aux étudiants, anciens élèves et parents.
« Il n’y a absolument aucune justification halakhique ou morale à l’exemption d’une partie de la nation du service militaire et de la participation à une guerre imposée visant à sauver Israël de ses ennemis. En cas de guerre imposée, toute personne est tenue d’y participer, même un jeune marié sous le dais nuptial », a-t-il écrit.
Un père endeuillé prend la parole
Le rabbin Tamir Granot, directeur de la yeshiva Orot Shaul à Tel Aviv, a enregistré le 27 octobre un message vidéo destiné au public des yeshivot orthodoxes à l’approche du début du nouveau semestre d’études, le 3 novembre.
Cette date marque également l’anniversaire de la mort de son fils, Amitai Tzvi, tué par un missile du Hezbollah.
Dans cette vidéo de 14 minutes, Granot présente Goldberg comme un modèle du « véritable judaïsme ».
En s’appuyant sur des sources halakhiques, Granot a affirmé que dans la situation actuelle de danger existentiel pour le peuple juif, il n’existe aucune justification à l’exemption des hommes valides du service militaire, même s’ils se consacrent à l’étude de la Torah.
Pour étayer son argument, il a cité feu le rabbin Avraham Yeshaya Karelitz, également connu sous le nom de Hazon Ish, titre de son principal ouvrage, et considéré comme le fondateur intellectuel de la culture et de la pensée haredi non hassidique dans l’Israël moderne.
« Je crains que votre Torah ne promeuve pas la vie, mais plutôt la mort », a déclaré Granot dans un appel émouvant. « Ce n’est pas cela, la Torah. Si cette situation continue, à Dieu ne plaise, et que d’un côté des gens meurent et de l’autre des gens vivent, que d’un côté des gens tombent et s’effondrent et que des femmes ne mangent plus et ne dorment plus, tandis que de l’autre côté, tout reste normal, ce sera insensible et cruel. »
L’un des principaux groupes militants opposés à la législation exemptant les Haredim du service militaire est composé de plus de 2 000 femmes sionistes religieuses et s’appelle Shutafot LaSherut (Partenaires dans le service).
Ces membres se décrivent comme « des mères et épouses d’érudits de la Torah qui exigent un partenariat équitable dans l’effort national ».
Les membres de Shutafot LaSherut ont rencontré mercredi des députés à la Knesset pour tenter de bloquer l’adoption d’une loi permettant les exemptions militaires.
D’autres initiatives privées ont émergé à travers le pays.
« Ici, à Efrat, nous avons organisé une dizaine de manifestations devant la maison du député Ohad Tal, du parti HaTzionout HaDatit, ces dernières semaines », a indiqué Benayahu Orbach au Times of Israel.
Ces manifestations visent à faire pression sur Tal pour qu’il s’oppose à la législation exemptant les Haredim du service militaire, a expliqué Orbach.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel