Israël en guerre - Jour 398

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Analyse

L’élimination de Nasrallah démontre le degré de pénétration du Hezbollah par Israël

La mort du chef terroriste, est le point d'orgue d'une série d'attaques contre les chefs du groupe terroriste et ses principales caches d'armes, fondées sur des décennies de collecte de renseignements par Israël

Un homme montrant un téléviseur affichant une image du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, avec une bande noire en signe de deuil,  lors d'une émission de la chaîne de télévision libanaise NBN, à Beyrouth, le 28 septembre 2024. (Crédit : Joseph Eid/AFP)
Un homme montrant un téléviseur affichant une image du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, avec une bande noire en signe de deuil, lors d'une émission de la chaîne de télévision libanaise NBN, à Beyrouth, le 28 septembre 2024. (Crédit : Joseph Eid/AFP)

Avec l’élimination du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le groupe terroriste chiite libanais doit relever un énorme défi : celui de colmater les brèches au sein de l’organisation qui ont permis à Israël de détruire les entrepôts où se trouvaient ses armements, de trafiquer ses appareils de communication et, enfin, d’éliminer son chef de longue date, dont les déplacements étaient un secret soigneusement gardé.

L’élimination de Nasrallah, commise alors qu’il se trouvait dans un centre de commandement, vendredi, a eu lieu à peine une semaine après les explosions meurtrières de milliers de bipeurs et autres talkie-walkies piégés qui appartenaient aux membres du groupe terroriste – une opération qui a été largement imputée à Israël. Il a aussi marqué le point culminant de frappes qui se sont rapidement succédées, tuant la moitié des responsables qui siégeaient au conseil de direction du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah et décimant ses principaux commandants.

Dans les jours qui ont précédé l’élimination de Nasrallah et dans les heures qui l’ont suivi, Reuters s’est entretenu avec plus d’une dizaine de sources au Liban, en Israël, en Iran et en Syrie – des sources qui ont fourni des détails sur les dégâts causés par Israël au groupe terroriste chiite libanais, avec des dommages qui n’ont pas épargné ses lignes d’approvisionnement et sa structure de commandement. Toutes ont accepté de s’exprimer en réclamant toutefois l’anonymat, compte-tenu du caractère sensible du sujet.

Moins de 24 heures avant la frappe, une source informée des tactiques privilégiées par l’État juif a ainsi déclaré à Reuters qu’Israël avait passé vingt ans à concentrer ses efforts de renseignement sur le Hezbollah et qu’il était en mesure de cibler Nasrallah quand il le souhaitait, y compris dans son quartier général.

Cette personne a qualifié les renseignements de « brillants », sans préciser sa pensée.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son cercle rapproché de ministres ont approuvé cette opération dans la journée de mercredi, selon deux responsables israéliens. Elle a eu lieu alors que Netanyahu était en déplacement à New York où il devait prendre la parole devant l’Assemblée générale des Nations unies.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’adressant à la 79e session de l’Assemblée générale des Nations unies, au siège de l’ONU, à New York, le 25 septembre 2024. (Crédit : Pamela Smith/AP)

Nasrallah évitait les apparitions en public depuis la Seconde Guerre du Liban, en 2006. Il faisait preuve d’une grande vigilance depuis longtemps ; ses déplacements étaient limités et son cercle était très restreint, selon une source proche de son équipe de sécurité. Son assassinat ciblé laisse ainsi penser que son organisation a été infiltrée par des informateurs au service d’Israël, a noté cette source.

Le chef du Hezbollah avait fait preuve d’une prudence encore plus forte depuis « l’Opération bipeurs », survenue en date du 17 septembre, craignant que l’État juif ne tente de l’éliminer, a fait savoir une source proche des agences de sécurité qui connaît bien le groupe terroriste chiite libanais. La source a fait remarquer son absence lors des funérailles de l’un de ses commandants et son discours pré-enregistré et diffusé quelques jours avant sa mort.

Le service de presse du Hezbollah n’a pas répondu à une demande de commentaire pour les besoins de cet article. Le président américain Joe Biden a indiqué, samedi, que la mort de Nasrallah était « une mesure de justice » pour ses nombreuses victimes, indiquant que Washington soutenait pleinement le droit à l’auto-défense d’Israël contre les groupes terroristes soutenus par l’Iran.

Israël a expliqué avoir mené la frappe aérienne visant Nasrallah en larguant des dizaines de bombes perforantes – ou « anti-bunker » – sur le quartier général souterrain du Hezbollah, situé sous la surface d’un immeuble résidentiel, dans le sud de Beyrouth.

« C’est un coup massif qui est porté au Hezbollah – et c’est un échec cuisant pour ses services de renseignement », a déclaré Magnus Ranstorp, expert sur la question du Hezbollah au sein de l’Université de défense suédoise. « Ils [les Israéliens] savaient qu’il serait présent lors de cette réunion. Il rencontrait d’autres commandants. Et ils sont allés le trouver. »

En plus de Nasrallah, Tsahal a annoncé avoir aussi éliminé huit des neuf commandants de premier plan du groupe terroriste – en majorité au cours de la semaine passée. Parmi ces commandants, le responsable de la division chargée des roquettes ou le dirigeant des forces d’élite Radwan – une unité qui, selon l’État juif, préparait depuis longtemps un plan d’invasion massif du nord du pays.

Plus de 35 terroristes du Hezbollah ont été éliminés et environ 1 500 ont été grièvement blessés lorsque leurs appareils de communication ont explosé, le 17 et le 18 septembre.

Samedi, le lieutenant-colonel Nadav Shoshani, porte-parole de l’armée israélienne, a déclaré aux journalistes lors d’un point-presse que l’armée savait « en temps réel » que Nasrallah et d’autres commandants assistaient à une réunion. Shoshani n’est pas entré dans les détails mais il a noté que ces responsables terroristes s’étaient rassemblés pour planifier des attaques contre Israël.

Des personnes rassemblées devant l’hôpital de l’Université américaine après l’arrivée de plusieurs blessés par l’explosion de bipeurs, lors d’une attaque dirigée vers les terroristes du Hezbollah imputée à Israël, à Beyrouth, au Liban, le 17 septembre 2024. (Crédit : Bassam Masri/AP)

Le général de brigade Amichaï Levin, commandant de la base aérienne Hatzerim, a indiqué aux journalistes que des dizaines de munitions ont frappé leur cible en l’espace de quelques secondes.

« L’opération était complexe et elle était planifiée depuis longtemps », selon Levin.

Affaibli

Le Hezbollah a montré sa capacité à remplacer rapidement ses commandants – et le nom de Hashem Safieddine, un cousin de Nasrallah, un radical qui, lui aussi, porte le turban noir signalant qu’il est un descendant du prophète Mohammed, est depuis longtemps avancé pour lui succéder à la tête du groupe terroriste chiite libanais.

Le commandant militaire du Hezbollah, Ibrahim Aqil (à gauche) et un haut responsable du Hezbollah, Hachem Safieddine, sur une photo non datée diffusée par le groupe terroriste le 21 septembre 2024. (Crédit : Service de presse du Hezbollah)

« Vous en tuez un, vous en avez un autre », a commenté un diplomate européen qui connaît bien le fonctionnement du Hezbollah.

Le groupe terroriste, dont le nom signifie « Parti de Dieu », poursuivra son combat : selon les estimations d’Israël et des Etats-Unis, il disposait d’environ 40 000 éléments terroristes avant l’escalade actuelle, ainsi que d’importants stocks d’armes et d’un vaste réseau de tunnels situés à proximité de la frontière israélienne.

Fondé à Téhéran en 1982, ce groupe terroriste chiite est l’organisation la plus redoutable de « l’axe de la résistance » de l’Iran – terme utilisé par les responsables iraniens pour désigner la République islamique et ses alliés anti-Israël et anti-américains, tels que le Hezbollah, les Houthis du Yémen et d’autres milices chiites en Irak et en Syrie -, et un acteur régional déterminant à part entière.

Mais il a été matériellement et psychologiquement affaibli au cours des dix derniers jours.

Grâce au soutien apporté par l’Iran depuis des décennies – et avant le conflit actuel – le Hezbollah disposait d’un arsenal de 150 000 roquettes, missiles et drones, selon des estimations américaines.

Ce qui représente dix fois l’envergure de l’arsenal que le groupe terroriste avait en sa possession en 2006, au cours de sa dernière guerre contre Israël, selon les estimations faites par l’État juif.

Au cours de l’année écoulée, l’Iran a fourni au Liban encore plus d’armes, ainsi qu’une aide financière importante, a déclaré une source au fait du fonctionnement du Hezbollah.

Il y a eu peu d’évaluations publiques détaillées de l’ampleur des dégâts causés à cet arsenal par l’opération israélienne de la semaine dernière, qui a frappé les bastions du Hezbollah dans la plaine de la Békaa, loin de la frontière du Liban avec Israël.

Un diplomate occidental en poste au Moyen-Orient a déclaré à Reuters, avant la frappe de vendredi, que le Hezbollah avait perdu 20 à 25 % de sa capacité de missiles dans le conflit en cours, notamment lors des centaines de frappes israéliennes de cette semaine. Le diplomate n’a pas fourni de preuves ni de détails sur son évaluation.

Illustration : Des manifestants anti-Israël, après que le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, soutenu par l’Iran, a confirmé les informations selon lesquelles son chef Hassan Nasrallah a été éliminé lors d’une frappe aérienne israélienne à Beyrouth la veille, sur la Place de Palestine à Téhéran le 28 septembre 2024. (Crédit : Atta Kenare/AFP)

Un responsable de la sécurité israélienne a déclaré « qu’une partie très respectable » des stocks de missiles du Hezbollah avait été détruite, sans autre précision.

Ces derniers jours, Israël a frappé plus de 1 000 cibles du Hezbollah. Le responsable de la sécurité, interrogé sur les listes de cibles exhaustives de l’armée, a déclaré qu’Israël avait fait correspondre la montée en puissance du Hezbollah sur une vingtaine d’années avec des préparatifs visant à l’empêcher de lancer ses roquettes en premier lieu – un complément au système de défense anti-missile « Dôme de fer » qui intercepte la plupart des missiles tirés sur l’État juif.

Selon les responsables israéliens, le fait que le Hezbollah n’ait pu lancer que quelques centaines de missiles par jour au cours de la semaine écoulée prouve que ses capacités ont été réduites.

Lien avec l’Iran

Un camion militaire iranien transporte des pièces d’un missile Sayad 4-B devant un portrait du leader suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, lors d’un défilé militaire dans le cadre d’une cérémonie marquant la journée annuelle de l’armée du pays, à Téhéran, le 17 avril 2024. (Crédit : Atta Kenare/AFP)

Avant la frappe visant Nasrallah, trois sources iraniennes avaient déclaré à Reuters que l’Iran prévoyait d’envoyer des missiles supplémentaires au Hezbollah afin de se préparer à une guerre prolongée.

Les armes qui devaient être fournies comprenaient des missiles balistiques à courte et moyenne portée, notamment des Zelzal iraniens et une version de précision améliorée connue sous le nom de Fateh 110, avait indiqué la première source iranienne.

Reuters n’a pas pu joindre les sources depuis l’élimination de Nasrallah.

Bien que l’Iran soit disposé à fournir un soutien logistique, les deux sources iraniennes ont déclaré qu’il ne souhaitait pas être directement impliqué dans une confrontation entre le Hezbollah et Israël. L’escalade rapide des hostilités au cours de la semaine dernière fait suite à une année d’affrotements liés à la guerre menée contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza.

Le commandant adjoint du Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), le bras armé de l’Iran, Abbas Nilforoushan, a été éliminé lors des frappes israéliennes sur Beyrouth vendredi, ont rapporté samedi les médias iraniens, citant un reportage de la télévision d’État.

Le Hezbollah pourrait avoir besoin de certaines ogives et de certains missiles, ainsi que de drones et de pièces détachées de missiles, pour reconstituer ceux qui ont été détruits par les frappes israéliennes sur le Liban la semaine dernière, a ajouté une source de renseignement militaire syrienne de haut rang.

Par le passé, le Hezbollah a reçu des fournitures iraniennes par voie aérienne et maritime. Samedi, le ministère des Transports libanais a demandé à un avion iranien de ne pas pénétrer dans son espace aérien après qu’Israël a averti le contrôle du trafic aérien à l’aéroport de Beyrouth qu’il utiliserait la « force » si l’avion atterrissait, a indiqué une source du ministère à Reuters.

La source a ajouté que le contenu de l’avion n’était pas connu.

Les corridors terrestres sont actuellement le meilleur itinéraire pour les missiles, les pièces et les drones, à travers l’Irak et la Syrie, avec l’aide des groupes terroristes alliés dans ces pays, a déclaré cette semaine à Reuters un responsable de la sécurité iranienne.

Un avion de chasse F-15I du 69e escadron de l’armée de l’air décollant de la base aérienne de Hatzerim, dans le sud d’Israël pour effectuer une frappe à Beyrouth contre le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, le 27 septembre 2024. (Crédit : Armée israélienne)

La source militaire syrienne a toutefois souligné que la surveillance par des drones israéliens et les frappes visant des convois de camions avaient compromis cet itinéraire. Cette année, Israël a intensifié ses attaques contre les dépôts d’armes et les voies d’approvisionnement en Syrie afin d’affaiblir le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah avant une éventuelle guerre, a rapporté Reuters en juin.

Pas plus tard qu’en août, un drone israélien a touché des armes dissimulées dans des remorques commerciales en Syrie, selon la source. Cette semaine, Tsahal a déclaré que ses avions de guerre avaient bombardé des infrastructures non spécifiées utilisées pour transférer des armes au Hezbollah à la frontière entre la Syrie et le Liban.

Joseph Votel, un ancien général du Commandement central des États-Unis (CENTCOM) qui a dirigé les forces américaines au Moyen-Orient, a déclaré qu’Israël et ses alliés pourraient bien intercepter tout missile que l’Iran enverrait par voie terrestre au Hezbollah à l’heure actuelle.

« C’est peut-être un risque qu’ils sont prêts à prendre, pour être tout à fait franc », a-t-il précisé.

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