Les demandeurs d’asile palestiniens se ruent vers le Canada
En 2016, les demandes pour accéder au statut de réfugiés au Canada ont connu une nette hausse chez les habitants de Cisjordanie et de Gaza, qui se disent être l’objets de discriminations religieuses et de persécutions politiques
MONTREAL — Au cours du printemps 2015, la Commission d’immigration et du statut de réfugiés du Canada à Toronto a donné l’asile à une veuve de 60 ans originaire de la Bande de Gaza.
La Palestinienne a déclaré devant le juge qu’elle avait peur de retourner à Gaza parce que sa famille, qui avait soutenu le Fatah, était harcelée par le mouvement terroriste rival du Hamas.
« La famille de l’appelante a soutenu le Fatah, ce qui a eu pour résultat le meurtre d’un certain nombre des membres de sa famille au cours des hostilités par-delà les années », indiquent les documents du tribunal, qui sont accessibles en ligne sur le site CanLII, une organisation non-gouvernementale qui publie des documents judiciaires sur la Toile.
« Les fils de l’appelante ont été forcés de quitter Gaza pour gagner leur vie, cette famille ayant été placée sur une liste noire par le Hamas ».
Le nom de cette femme – qui est décrite comme ayant fui son habitation à Gaza, détruite par les bombardements – est remplacé par la lettre « X » dans l’ensemble des documents. Il faut rappeler que les demandes émanant des réfugiés sont privées selon la loi canadienne.
Elle n’est pas la seule dans ce cas.
Selon des données émanant du gouvernement canadien, de plus en plus de personnes originaires de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza demandent le statut de réfugié au Canada – et la majorité d’entre eux l’obtiennent.

Le nombre de demandes en provenance de la Cisjordanie et de Gaza a plus que quadruplé, passant de 50 en 2010 à 242 durant les neuf premiers mois de 2016, selon la Commission de l’Immigration et du Statut de réfugié au Canada, le tribunal qui détermine l’éligibilité au statut de réfugié.
En 2016, ce sont presque 80 % des demandes soumises qui ont été acceptées.
Ces statistiques concernent les femmes et les hommes qui ont déclaré être l’objet de persécutions en Cisjordanie ou à Gaza. Elles n’incluent pas les Palestiniens d’ethnie vivant dans d’autres pays, explique Melissa Anderson, porte-parole de la Commission de l’Immigration et du Statut de réfugié au Canada.
L’Agence des services frontaliers du Canada rapporte pour sa part que le nombre de demandes d’asile émanant de personnes originaires des Territoires palestiniens aux postes frontaliers canadiens ont plus que doublé, passant de 85 en 2015 à 192 en 2016.
La majorité des demandes d’asile concernant des individus originaires de Gaza sont liées à des problèmes avec le Hamas, indique Michael Loebach, l’avocat qui a représenté la veuve de soixante ans au tribunal.
« Le Hamas maltraite tous ceux qu’il perçoit comme ses adversaires, avec des condamnations à la prison et des agressions physiques. Il semblerait qu’il n’y ait aucun recours contre cela », dit Loebach.

Les demandes d’asile depuis la Cisjordanie, d’un autre côté, impliquent généralement des problèmes avec Israël, ajoute Loebach. Il dit voir moins d’affaires en provenance de la Cisjordanie que de la Bande de Gaza.
“La situation en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza est particulièrement difficile pour les hommes jeunes, lorsque des hostilités se déclarent entre des factions politiques ou entre l’armée israélienne et les communautés palestiniennes”, explique pour sa part Peter Edelmann, avocat officiant dans le droit des réfugiés, qui a travaillé sur quelques cas similaires.
‘Si on pense que vous êtes un membre du Hamas mais que le Hamas estime que vous êtes un traître, vous vous trouvez coincé des deux côtés’
D’autres demandes d’asile émanant de l’Autorité palestinienne sont liées à la crainte des crimes d’honneur, ajoute l’avocat.
Par exemple, au mois de mars 2014, une victime de viol originaire de la Cisjordanie et son fils ont obtenu le statut de réfugié au Canada parce que la jeune femme redoutait que la famille de son mari ne tente de l’assassiner « pour rétablir l’honneur de la famille ».
Le viol avait été filmé, selon des documents de la Cour.
Les chrétiens de Cisjordanie demandent également souvent l’asile au Canada, en particulier lorsque les implantations israéliennes viennent empiéter sur les communautés palestiniennes.
« On ne s’attend pas à ce qu’un chrétien fuie vers un endroit où il n’y aurait pas d’églises », commente Edelmann.
Mais le seul fait d’être chrétien ne garantit pas d’être accepté au Canada.
Par exemple, en 2015, un chrétien originaire de Cisjordanie qui avait vécu sous le statut de réfugié au Canada pendant trois ans a été reconduit à la frontière sur ordonnance judiciaire.
Il avait été découvert que lorsqu’il était étudiant, il avait été membre du Front Démocratique pour la Libération de la Palestine (FLDP).
Le FLDP est connu pour sa prise d’otages, en 1974, de 115 personnes dans une école israélienne, au cours de laquelle 27 personnes ont été tuées.
« L’appelant avait indiqué qu’il ne pouvait pas commettre et qu’il ne commettrait pas d’actes de violences parce qu’il était chrétien orthodoxe », avait écrit le juge canadien George Pemberton dans sa décision. « Mais le fondateur du FLDP, Nayef Hawatmeh, est également un chrétien orthodoxe »…
« Je n’offre donc que peu de crédit à l’affirmation du défendeur que ses croyances religieuses suffisent à démontrer qu’il ne peut pas être membre d’une organisation terroriste ».

En 2015 également, le Canada avait émis un avis de reconduite à la frontière pour un homosexuel appelé John Calvin qui avait quitté l’islam pour épouser le christianisme, parce que son grand-père « était l’un des fondateurs du Hamas et que ses oncles avaient des liens avec des attentats terroristes perpétrés en Israël ».
Le jeune homme de 24 ans vit dorénavant à New York, craignant d’être assassiné s’il devait retourner en Cisjordanie.
Le nombre de demandes d’asile rejetées émanant de personnes originaires de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza est resté stable, à environ 20 par an, selon des données de l’Agence des services frontaliers du Canada.

Tandis que le nombre de demandes déposées par des Palestiniens au Canada a nettement augmenté ces dernières années, le nombre de dossiers émanant de l’état d’Israël a, pour sa part, baissé.
Selon le gouvernement canadien, seulement 23 Israéliens ont demandé l’asile au Canada au cours des six premiers mois de 2016, contre 524 demandes de statut de réfugiés déposées au cours des 12 mois de l’année 2006.
Le nombre de dossiers soumis par des ressortissants dotés du passeport israélien a décliné de manière constante tout au long de la décennie – tombant à 400 en 2007; 345 en 2008; 211 en 2010; 174 en 2011 tandis que 35 demandes de ce type seulement ont été déposées en 2015.
La raison de cette baisse est que la majorité des Juifs russes souhaitant quitter Israël pour y trouver un climat moins chaud l’ont déjà fait, indique Marshall Garnick, avocat en droit des réfugiés à Toronto.
« Ils ne voulaient plus vivre dans un climat chaud. Un grand nombre d’entre eux ont estimé que la vie en Israël était dure, avec le service militaire, les terroristes – et ils ont donc décidé de venir au Canada. Ils disaient qu’ils venaient pour le tourisme et une fois sur place, ils ont demandé l’asile », explique Garnick.
Bien sûr, les Juifs russes n’ont pas été les seuls Israéliens à demander l’asile au Canada.

Par exemple, dans un dossier qui date du mois d’avril 2016, un couple israélien mixte a vu sa demande d’asile au Canada rejetée – une femme musulmane arabe et un homme d’origine juive qui avait migré en Israël depuis la Biélorussie et s’était converti à l’islam, accompagnés de leurs deux enfants.
La femme avait affirmé qu’elle recevait des menaces de mort de la part de son oncle et qu’elle subissait des pressions de sa famille pour qu’elle divorce de son époux et qu’elle se marie avec son cousin.
Le tribunal canadien avait rejeté la demande parce que le juge avait estimé que les appelants pourraient recevoir une protection appropriée en Israël.
Les demandes de statut de réfugié émanant des Israéliens ont moins de chance d’être acceptées au Canada.
Seulement 12 % des Israéliens ayant demandé l’asile au Canada durant la première partie de 2016 l’ont obtenu, tandis que 78 % des demandes formulées par des personnes originaires de la Cisjordanie et de Gaza ont été acceptées, selon les données du gouvernement canadien.
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