Les réservistes écrivent une lettre critiquant Halevi pour avoir omis d’enrôler les Haredim
La missive adressée au chef d’état-major a reçu le soutien de plus de 1 000 réservistes, dont beaucoup ont effectué de nombreux déploiements à Gaza ou près de la frontière libanaise
Un groupe de réservistes de l’armée israélienne a récemment envoyé une lettre au chef d’état-major, le lieutenant-général Herzl Halevi, pour critiquer l’absence persistante d’enrôlement des membres de la communauté ultra-orthodoxe, une mesure qui, selon eux, aurait permis de réduire le grand nombre de jours qu’ils ont dû servir depuis le début de la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza, déclenchée il y a plus d’un an.
La lettre accuse Tsahal d’avoir « laissé tomber » ses réservistes qui sont frustrés et épuisés après de multiples missions à Gaza, à la frontière nord et maintenant au sud-Liban dans le cadre de l’opération terrestre en cours contre le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah.
Rédigée par le major (Rés.) Davidi Ben Tzion, le major (Rés.) Yaïr Saraf, le sergent-chef (Rés.) Tzemach David Shluss et le sergent-chef (Rés.) Elisaf Peretz, la lettre a reçu, selon Ynet, le soutien de plus de 1 000 réservistes.
Les réservistes ont commencé par souligner leur engagement à se battre pour la survie de l’État Juif, ce qu’ils ont dit faire de leur plein gré depuis le déclenchement de la guerre suite au pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël.
« Le service dans Tsahal et la défense de la patrie sont les fils les plus forts qui nous lient », ont-ils écrit. « Nous sommes tous partenaires dans la défense du peuple et du pays. »
« Alors que nous avons obtenu des réalisations extraordinaires sur le front, nous avons payé de lourds prix sur le front intérieur », poursuit la lettre.
« Nos enfants ont fêté un anniversaire de plus sans nous, nos épouses ont dû porter le fardeau du foyer et de la famille sans nous, les élèves ne commencent pas l’année scolaire de manière ordonnée pour la deuxième fois, certains d’entre nous et de nos camarades ont été blessés, nous portons des cicatrices mentales, beaucoup d’entre nous [les réservistes] ont été tués au combat. »
Malgré tout, les réservistes ont écrit : « Nous ne nous arrêtons pas et nous ne nous fatiguons pas. Nous continuerons jusqu’à ce que les objectifs de la guerre soient atteints. »
Pourtant, affirment-ils, le fardeau de la lutte ne devrait pas reposer sur leurs seules épaules.
« Il existe un moyen d’alléger le fardeau du service. Si des milliers [de membres de la communauté ultra-orthodoxe, ou haredi] avaient été recrutés le 8 octobre 2023, ils auraient déjà pu terminer leur formation pour défendre les frontières, garder la Cisjordanie, écouter les communications, fournir des renseignements, renforcer le Commandement du Front intérieur, manœuvrer au Liban, travailler à l’observation, et bien d’autres choses encore », ont-ils écrit, soulignant le besoin urgent de renforts dans ces secteurs.
« Le fait que vous n’ayez pas encore réussi à travailler pour élargir les rangs des militaires de Tsahal est un échec », ont-ils poursuivi.
« Alors que, sur le front, nous avons vu de la planification et de la ruse, de l’agressivité et de la détermination, dans l’entretien des forces de combat de Tsahal, nous vivons un échec que nous payons. »
Soulignant ce qu’ils estiment être le nœud du problème, les réservistes ont fait remarquer que, sur les quelque 3 000 hommes ultra-orthodoxes qui ont reçu une convocation à l’appel sous les drapeaux ces derniers mois, seuls 100 se sont présentés.
« Il n’y a plus aucun motif pour une partie de la population de ne pas servir en raison de ses croyances », ont déclaré les réservistes, se plaignant du « manque d’action et de volonté d’apporter le changement tant attendu ».
« Tout le monde doit servir », ont-ils déclaré.
Selon Ynet, la missive a également été envoyée au chef sortant du Directorat des Ressources humaines, le général Yaniv Asor, ainsi qu’à son remplaçant, le général Dado Bar Kalifa, et à d’autres hauts fonctionnaires.
L’un des rédacteurs de la lettre, le Sgt. (Rés.) Elisaf Peretz, a indiqué à Ynet qu’il s’était porté volontaire pour le service de réserve, même s’il était exempté en raison de la mort de son frère Uriel Peretz au Liban en 1998 et plus tard de celle d’un autre frère, Eliraz Peretz, à Gaza en 2010.
Il a déclaré avoir effectué 300 jours de service de réserve depuis le début de la guerre, il y a 390 jours.
« Je m’attendais à ce qu’à ce stade, l’armée ait déjà ouvert des cadres adaptés à l’enrôlement des Haredim », a-t-il déclaré.
« S’il y avait 3 000 soldats pour défendre les implantations et aux frontières, ils libéreraient les réservistes dont les relations se désintègrent et les entreprises s’effondrent. »
Si la lettre rejette la faute sur Tsahal, la question doit d’abord être résolue sur le plan politique. Le gouvernement a entrepris des efforts législatifs qui exempteraient largement la communauté ultra-orthodoxe.
Peretz a indiqué à Ynet que la lettre envoyée aux hauts gradés de Tsahal était également un appel aux communautés ultra-orthodoxes d’Israël.
« Ce n’est pas un privilège », a-t-il déclaré à propos de l’exemption.
« Nous avons besoin de vous comme nous avons besoin d’air pour respirer, nous avons besoin de tout le monde. Nous ne pouvons pas accepter qu’un pourcentage de la population porte tout le fardeau [surnom du service militaire en Israël]. J’ai perdu deux frères, j’ai un autre frère dans les réserves […] C’est le plus grand privilège du monde que de servir. Nous avons simplement besoin de plus de militaires. »
La lettre envoyée par les réservistes intervient sur fond d’âpres désaccords à la Knesset sur la question de l’enrôlement des Haredim dans Tsahal, après que la Haute Cour de justice eut statué en juin qu’il n’existait plus de cadre juridique permettant à l’État de s’abstenir d’enrôler les ultra-orthodoxes étudiant en yeshivas dans le service obligatoire.
Le parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah a brièvement menacé, en début de semaine, de faire échouer les négociations sur le budget du gouvernement si ce dernier n’accordait pas la priorité à l’adoption d’une loi maintenant l’exemption généralisée du service pour les Haredim.
Yahadout HaTorah a toutefois fait marche arrière après que le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre des Finances Bezalel Smotrich ont insisté sur l’urgence de se concentrer sur le budget de l’État pour 2025, car si ce budget n’était pas adopté avant le 31 mars 2025, cela entraînerait la dissolution automatique du gouvernement.
Le différend concernant la communauté ultra-orthodoxe servant dans l’armée est l’un des plus litigieux en Israël, des dizaines d’années de tentatives gouvernementales et judiciaires pour régler la question n’ayant jamais abouti à une résolution stable. Les dirigeants religieux et politiques haredim s’opposent farouchement à toute tentative d’enrôlement de jeunes hommes.
De nombreux ultra-orthodoxes estiment que le service militaire est incompatible avec leur mode de vie et craignent que ceux qui s’enrôlent soient laïcisés, les manifestants contre l’enrôlement hurlant fréquemment qu’ils « préféreraient mourir plutôt que de s’enrôler ».
Les Israéliens qui servent, cependant, disent que le dispositif d’exemptions massives mis en place depuis des dizaines d’années les accable injustement, un sentiment qui s’est renforcé depuis l’assaut barbare et sadique commis par le Hamas, le 7 octobre 2023, sur le sol israélien et la guerre qui s’en est suivie, au cours de laquelle des centaines de soldats ont été tués et plus de 300 000 citoyens appelés à effectuer leur service de réserve.