Les services secrets allemands alarmistes
« Ça brûle quasiment partout », a dit le chef du Renseignement intérieur (BfV), Thomas Haldenwang, à propos des menaces venues de l'extérieur - Russie, Chine, Iran - comme de l'intérieur avec l'islam radical et l'extrême-droite
Augmentation des actes d’espionnage et de sabotage, confrontation militaire directe possible dès 2030 avec l’OTAN : les services secrets allemands se sont montrés alarmistes lundi face au danger croissant que représentent selon eux les ingérences de Moscou en Allemagne et en Europe.
C’est un tableau sombre qu’ont dressé les trois chefs des services de renseignement allemands lundi lors de leur audition annuelle devant les députés.
« Ça brûle quasiment partout », a dit le chef du Renseignement intérieur (BfV), Thomas Haldenwang, à propos des menaces venues de l’extérieur – Russie, Chine, Iran – comme de l’intérieur avec l’islam radical et l’extrême-droite.
Les responsables des services de renseignement ont été particulièrement loquaces sur l’ingérence protéiforme de Moscou en Allemagne dans le contexte de la guerre en Ukraine, dont l’Allemagne est le deuxième fournisseur en armes après les États-Unis.
« Que cela nous plaise ou non : nous sommes en conflit direct avec la Russie », a déclaré le patron des services d’espionnage et contre-espionnage allemands (BND), Bruno Kahl.
Colis piégé ?
« L’espionnage et le sabotage russes augmentent en Allemagne, tant quantitativement que qualitativement », a abondé Thomas Haldenwang.
L’Allemagne a été secouée par plusieurs affaires d’espionnage présumé au profit de la Russie en particulier depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022.
En avril, deux hommes ayant les nationalités russe et allemande ont été inculpés pour avoir planifié des actes de sabotage au profit de la Russie, y compris sur une base de l’armée américaine, afin de saper l’aide allemande à l’Ukraine.
M. Haldenwang a accusé Moscou d’être derrière le cas d’un colis qui a pris feu dans un centre du transporteur DHL à Leipzig (dans l’est du pays) en juillet avant son transport prévu en avion.
Si le colis « avait explosé à bord pendant le vol », a-t-il dit, « il y aurait eu un crash et les débris auraient pu toucher tous les gens qui, ici en Allemagne, sympathisent avec Poutine et son régime, ouvertement et secrètement ».
M. Haldenwang a aussi mentionné des campagnes de désinformation et des cas d’utilisation de drones espions.
De « tempête », la menace russe est « devenue un véritable ouragan » qui se déplace « d’est en ouest », a-t-il ajouté dans une métaphore avec les États baltes et la Pologne, où les actions russes « sont beaucoup plus brutales qu’elles ne le sont actuellement ici ».
La présidente du Service de contre-espionnage militaire (Bamad), Martina Rosenberg, a fait état d’une « augmentation significative des actes d’espionnage et de sabotage » visant l’armée allemande.
Moscou cherche ainsi notamment à se renseigner sur « les livraisons d’armes allemandes à l’Ukraine » et à « susciter un sentiment d’insécurité », selon elle.
Et le Kremlin « se prépare à une escalade de plus en matière d’actions hybrides et secrètes », a estimé M. Kahl.
« Lignes rouges »
Avec ces actes d’ingérence d’un « niveau inédit », le Kremlin veut « tester les lignes rouges de l’Occident », a estimé le directeur des services secrets.
Pour lui, la Russie sera « probablement » en mesure « de mener une attaque contre l’OTAN dès la fin de cette décennie ».
« Un conflit militaire direct avec l’OTAN devient une option pour la Russie », a-t-il encore affirmé.
Dans un entretien au quotidien Handelsblatt, la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser a reproché à Moscou d’agir « de manière toujours plus agressive ».
Les services allemands ont « empêché d’éventuelles attaques à l’explosif » et « démontré il y a quelques mois à peine la gravité de la menace » russe, a-t-elle aussi dit.
En juillet, la chaîne américaine CNN avait rapporté que les États-Unis et l’Allemagne avaient déjoué un projet d’assassinat attribué à la Russie contre le patron du groupe industriel allemand Rheinmetall qui fournit de l’armement à l’Ukraine. Des accusations rejetées par Moscou.
En août, des craintes de sabotage ont provoqué des alertes de sécurité sur deux bases militaires en Allemagne.
Le gouvernement allemand a annoncé mercredi en parallèle des mesures visant à renforcer les contrôles de sécurité, notamment sur les réseaux sociaux, face aux risques accrus d’espionnage dans les ministères et de sabotage d’infrastructures critiques.