L’Eurovision menace de disqualifier Israël en raison de son choix de chanson
La chaîne publique Kan affirme qu'elle ne changera pas sa chanson si l'UER disqualifie "October Rain", au motif qu'elle contient trop de références politiques au massacre du Hamas
La chaîne publique israélienne est actuellement en désaccord avec les organisateurs de l’Eurovision sur la nature de la chanson qu’elle a l’intention de présenter au concours de cette année, ce qui pourrait coûter à l’État hébreu sa participation au concours.
Après avoir choisi Eden Golan pour représenter Israël au concours, qui aura lieu à Malmö, Suède, au mois de mai, la chaîne publique Kan avait prévu de dévoiler la chanson au début du mois prochain, après sa sélection par un jury interne. Kan a indiqué samedi que la chanson avait été choisie et qu’elle serait annoncée dès qu’elle aurait été approuvée par I’Union européenne de radio-télévision (UER), comme cela se fait généralement.
Mais ces derniers jours, l’UER, qui organise le célèbre concours européen de la chanson, a rejeté ce choix, jugé trop politique compte tenu de la guerre en cours entre Israël et le Hamas, et sur fond de demande de nombreux activistes de refuser la participation d’Israël au concours.
Dans un communiqué bref, Kan a seulement indiqué qu’il était « en dialogue avec l’UER au sujet de la chanson qui représentera Israël à l’Eurovision ». La chaîne publique a confirmé jeudi au Times of Israel qu’il ne changerait pas les paroles ni la chanson même si l’UER rejetait la sélection actuelle.
Suite aux fuites de quelques couplets de la chanson, intitulée « October Rain » en écho aux massacres du groupe terroriste palestinien du Hamas, Kan a publié le texte intégral des paroles de la chanson jeudi soir. Les paroles sont principalement en anglais, à l’exception des derniers couplets qui sont en hébreu et qui se traduisent comme suit : « On ne respire plus / Il n’y a plus d’endroit, plus de moi au quotidien / Ils étaient tous de gentils enfants, chacun d’entre eux ».
Les paroles en anglais comprennent des passages comme « Writers of the history/ Stand with me/ Look into my eyes and see/ People go away but never say goodbye », [Vous qui écrivez l’Histoire / Restez avec moi / Regardez-moi dans les yeux et observez / Les gens partent, sans jamais dire au revoir], ainsi qu’un refrain « I’m still wet from the October rain/ October rain” [Je suis encore trempée de la pluie d’octobre/ La pluie d’octobre]
Un porte-parole de l’Eurovision a déclaré mercredi au Times of Israel que « l’UER est actuellement en pleine étude des paroles, un processus confidentiel entre l’UER et le diffuseur jusqu’à ce qu’une décision finale soit prise ». Le communiqué précise que si une chanson est « jugée inacceptable », Kan aura la possibilité d’en soumettre une nouvelle.
Selon les règles officielles de l’Eurovision, les chansons ne peuvent pas contenir de message politique ou être de nature politique, le concours se présentant comme un « événement apolitique », bien que la géopolitique s’immisce régulièrement dans les chansons, comme le notent de nombreux observateurs.
En 2016, l’Ukraine a remporté le concours avec la chanson « 1944 », une ballade obsédante sur la déportation des Tatars de Crimée par Joseph Staline, largement interprétée comme un commentaire sur l’annexion de la Crimée par la Russie deux ans plus tôt. L’UER a toutefois indiqué à l’époque que la chanson ne contenait pas de « discours politique » et qu’elle avait donc été autorisée dans le cadre du concours.
Lorsque l’Eurovision s’est tenue à Tel Aviv en 2019, le candidat islandais, Hatari, avait déployé un drapeau palestinien pendant le spectacle en direct. En conséquence, le radiodiffuseur public islandais avant écopé d’une amende et d’une sanction de la part de l’UER.
La ministre de la Culture et des Sports, Miki Zohar (Likud), a déclaré mercredi que « l’intention de l’UER de disqualifier la chanson israélienne de l’Eurovision est scandaleuse. »
Dans une publication sur X, Zohar a écrit que « la chanson d’Israël qu’Eden Golan interprétera est une chanson émouvante, qui exprime les sentiments du peuple et du pays aujourd’hui, et n’est pas politique. » Zohar a ajouté qu’il espérait que l’UER « continuerait à agir de manière professionnelle et neutre, et ne laisserait pas la politique affecter l’art ».
Ce différend fait suite à des appels lancés depuis des mois pour empêcher Israël de participer au concours, en raison des critiques internationales croissantes concernant sa guerre contre le Hamas dans la bande de Gaza. L’UER a toutefois rejeté ces appels à plusieurs reprises et maintenu qu’Israël serait autorisé à participer.
Des artistes et des militants de Finlande, d’Islande, d’Irlande, de Suède et du Danemark ont réclamé avec force l’exclusion d’Israël et le retrait de leur pays du concours. Le radiodiffuseur public finlandais a annoncé cette semaine que, bien que convaincu qu’Israël ne devrait pas être autorisé à participer, il concourra tout de même cette année.
L’Islande devrait sélectionner son propre candidat le week-end prochain, et il est fort probable qu’elle choisisse l’artiste palestinien né à Jérusalem Bashar Murad, ce qui pourrait occasionner un affrontement israélo-palestinien sur la scène suédoise.
L’Eurovision de cette année se tiendra du 7 au 9 mai à Malmö, après la victoire de la Suède à Liverpool l’année dernière.
Israël participe à l’Eurovision depuis 1973 et a gagné quatre fois, en 1978, 1998 et plus récemment en 2018 avec « Toy » de Netta Barzilai. L’année dernière, la célèbre pop star Noa Kirel a représenté l’État juif et s’est classée troisième avec « Unicorn ».