L’un des geôliers d’Omer Shem Tov à Gaza était médecin
L'ex-otage revient sur sa captivité passée dans un tunnel où il a été détenu seul pendant environ 400 jours après la libération de ses amis Maya et Itay Regev

Omer Shem Tov, qui a été relâché en mars par le groupe terroriste palestinien du Hamas dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu et de libération des otages à Gaza, a déclaré cette semaine au micro de la chaîne N12 que ses geôliers l’avaient insulté, affamé et craché dessus. Ils l’auraient menacé de le tuer s’il refusait de les aider à faire exploser un bâtiment piégé dans lequel se trouvaient des soldats de l’armée israélienne.
« Si tu ne le fais pas, on te tire une balle dans la tête », raconte Shem Tov.
« Je leur ai répondu : Alors tirez-moi dans la tête. Je n’ai pas l’intention de le faire. »
Shem Tov a expliqué comment il était parvenu à rester dans les bonnes grâces de ses bourreaux en les amusant et en accomplissant des tâches subalternes. Cependant, une nuit, alors qu’il était retenu captif et que Tsahal menait une opération à proximité, il a décidé de mettre son plan à exécution : tuer ses geôliers et s’échapper.
« Je n’avais pas d’autre choix », explique-t-il.
Lorsque tous ses geôliers s’étaient endormis, Shem Tov a discrètement saisi l’une de leurs armes. Mais il l’a ensuite lâchée et est retourné dans sa cellule. Il a expliqué lors de l’interview accordée à la chaîne N12 qu’il avait renoncé à son projet probablement par crainte que l’arme ne s’enraye.

Shem Tov a été enlevé sur le site du festival de musique Nova, dans la région de Reïm, le 7 octobre 2023, lorsque des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont pris d’assaut le sud d’Israël, tué plus de 1 200 personnes et enlevé 251 otages, déclenchant ainsi la guerre à Gaza. Il a été kidnappé en même temps que ses amis, Maya et Itay Regev, qui ont été relâchés lors de l’accord de trêve d’une semaine conclu fin novembre 2023.
L’otage assassiné, Ori Danino, que le trio avait rencontré la veille au soir, avait réussi à s’enfuir, mais il était revenu en voiture pour les secourir.
« J’ai ouvert la porte et j’ai poussé Maya et Itay à l’intérieur », raconte Shem Tov. « Ori n’arrêtait pas de dire : ‘Baissez la tête, baissez la tête’… Il a vraiment veillé sur nous. »
Ils ont pris la fuite, mais ont rapidement été rattrapés par des terroristes bloquant la route avec deux camionnettes. Selon Shem Tov, les terroristes ont ouvert le feu. Il se souvient que l’un d’eux s’est approché de lui, l’a saisi par le col et l’a jeté à terre avant de commencer à le frapper. Il a également vu les terroristes sortir Itay et Maya de la voiture, tous deux blessés par balle aux jambes. La jambe de Maya « pendait dans le vide », raconte Shem Tov.

Lui et les deux frères et sœurs ont été chargés dans une camionnette et conduits dans un petit entrepôt à Gaza, raconte Shem Tov, se souvenant des cris « Allah Akbar » qu’il entendait de l’extérieur. Une fois sur place, Shem Tov a reçu l’ordre de descendre dans un trou creusé dans le sol. Une fois sous terre, il a été accueilli par un terroriste armé qui l’a forcé à s’allonger à même le sol.
Shem Tov explique que son premier réflexe a été d’essayer d’être aimable avec le terroriste. « Je lui ai demandé : ‘Comment vous appelez-vous ?’ Il m’a répondu, puis je lui ai dit mon nom », se souvient Shem Tov, ajoutant que le terroriste ne lui avait pas demandé le sien.
« Je lui ai dit : ‘Je m’appelle Omer’, et il m’a répondu : ‘Tu connais Eden Ben-Zaken ?’ », poursuit Shem Tov, faisant référence à la chanteuse pop israélienne.
« Je lui ai répondu que oui, et il m’a dit : ‘Chante-moi une chanson.’ Alors j’ai chanté Queen of Roses », raconte Shem Tov en riant, faisant référence au tube de Ben Zaken sorti en 2015. « Juste le refrain… Il a même continué après moi. »

De là, Shem Tov a été conduit dans sa première cellule. La première chose à laquelle il a pensé, c’était Gilad Shalit, un soldat de l’armée israélienne enlevé par le Hamas en 2006 et relâché cinq ans plus tard en échange de plus de 1 000 terroristes palestiniens, dont beaucoup purgeaient des peines à perpétuité pour meurtre, notamment Yahya Sinwar, le chef du Hamas, instigateur du pogrom du 7 octobre. Shem Tov avait alors pensé qu’il resterait lui aussi à Gaza pendant cinq ans.
Quarante minutes plus tard, les terroristes ont amené Itay Regev, couvert de sang, poursuit Shem Tov, ajoutant : « J’ai dit : ‘Dieu merci, j’ai Itay maintenant.’ » Après quelques minutes, les terroristes ont également fait entrer Maya, la sœur d’Itay, mais l’ont emmenée deux minutes plus tard dans une pièce adjacente.
« Nous serons de retour dans une semaine »
Shem Tov se souvient avoir demandé à son geôlier, qui restait dans sa cellule, pour combien de prisonniers palestiniens il serait prêt à l’échanger. Il lui a répondu cinquante. Cette réponse a redonné espoir à Shem Tov, a-t-il déclaré.
« J’ai regardé Itay et je lui ai dit : ‘Oh, c’est génial, tout va bien.’ »
« Gilad Shalit valait mille vies, nous serons de retour dans une semaine, tout va bien. »
Shem Tov se souvient qu’une nuit, Itay et lui ont été réveillés par le vrombissement d’une bombe. Quelques instants plus tard, il y a eu une énorme déflagration et la fenêtre de leur cellule a volé en éclats, raconte Shem Tov. Itay et lui se sont agrippés l’un à l’autre, se tenant fermement par les mains.
« Je crois que nous nous sommes même rendormis comme ça », ajoute-t-il.
Trois jours après le raid aérien, Shem Tov et Itay ont été transférés dans un nouvel appartement. Mais leur nouveau logement a également été secoué par des raids aériens, se souvient Shem Tov, qui raconte qu’une nuit, il était persuadé que l’immeuble allait s’effondrer et le tuer. Lorsque les secousses ont cessé, un terroriste couvert de poussière est entré et leur a annoncé que dix immeubles avaient été détruits lors du raid.
Le geôlier qui occupait l’appartement avait une télévision dans la pièce voisine, qui diffusait Al Jazeera. Shem Tov raconte qu’une nuit, la porte de sa chambre était légèrement entrouverte et qu’il a pu regarder un discours du Premier ministre Benjamin Netanyahu sur la guerre à Gaza.
D’après Shem Tov, le message principal du Premier ministre était que « l’objectif principal est de détruire le Hamas ».
« Il n’a pas dit : ‘Nous les ramènerons chez eux.’ Il n’a pas dit : ‘Il y a un accord.’ Il n’a rien dit de tel », souligne Shem Tov.

« Quand tout a été fini, je suis retourné voir Itay, et il m’a demandé : ‘Alors, qu’est-ce qu’il a dit ?’ Je lui ai répondu : ‘Tout va bien, il a dit qu’ils allaient nous ramener à la maison.’ »
« Et puis j’ai commencé à penser à… mes parents, ma famille », confie Shem Tov. « À la souffrance qu’ils endurent actuellement. »
Shem Tov restera seul en captivité après le cessez-le-feu de novembre 2023, au cours duquel le Hamas a relâché 105 femmes et enfants en échange de 240 Palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël. Itay Regev, qui était alors âgé de 18 ans, a été libéré quelques jours après sa sœur, laissant Shem Tov seul.
« Soudain, le silence s’est abattu sur l’appartement », raconte-t-il.

« Puis ont commencé… les peurs, le sentiment de solitude. J’avais l’impression de devenir fou. »
« Si maigre que je pouvais voir les os de mes épaules et de mes côtes »
Lorsque les combats ont repris après la première libération d’otages, Shem Tov a été déplacé une troisième fois. « Nous avons marché sous terre pendant environ 50 minutes, puis nous sommes arrivés dans une sorte de cellule avec des barreaux. Ils ont ouvert la cellule, m’y ont mis et l’ont refermée », raconte-t-il.
« J’ai immédiatement eu une crise d’asthme. À partir du moment où je suis arrivé là-bas, je ne pouvais plus respirer. »
L’un de ses geôliers était médecin, poursuit Shem Tov. « J’ai pu lui expliquer que je souffrais d’asthme et que je ne pourrais pas rester ici sans inhalateur, et ils m’en ont procuré un. »
Shem Tov a été détenu dans ce tunnel dans l’obscurité totale, avec une lampe qui ne durait que deux heures, « et celle-ci s’affaiblissait progressivement », dit-il, ajoutant qu’il la débranchait pour économiser de l’énergie et pouvoir manger à la lumière.
Le régime alimentaire de Shem Tov en captivité est passé de deux pitot par jour à un biscuit et un peu d’eau salée, raconte-t-il.
« J’étais extrêmement maigre, à tel point que je pouvais déjà voir mes épaules et mes côtes. » Avant sa libération, ses bourreaux l’ont gavé de chocolat, de poulet et de riz.

Il a expliqué que pour passer le temps, il essayait de dormir autant que possible afin de pouvoir rêver de sa famille et de ses amis. Quand il était éveillé, il parlait avec Dieu.
« Tout le monde lui demande des choses, mais personne ne lui demande comment il va », explique Shem Tov.
« Je commençais donc toujours par lui demander : ‘Est-ce que ça va ?’ … puis je lui exprimais ma gratitude… d’être en vie, de respirer, d’avoir à manger. » Ensuite, il formulait ses demandes : « Mets-moi sur le bon chemin, aide-moi à rentrer chez moi sain et sauf… protège ma famille. »
Shem Tov a ensuite été transféré dans une cellule plus grande, « le paradis des tunnels » selon ses propres termes, où il a été détenu pendant environ 400 jours jusqu’à sa libération. C’est là qu’il a pu prendre sa première douche.
Après tant de temps sans se laver, « on peut vraiment enlever la crasse qui recouvre ton corps, de la poitrine jusqu’au cou… elle est noire comme du charbon », raconte-t-il.
Il était autorisé à manger avec ses geôliers, qui se moquaient de lui parce qu’il engloutissait son premier repas. « Ils me regardaient manger et je les entendais dire : ‘Cochon, cochon, sale juif’ », raconte Shem Tov.
« Mais je continuais à manger, je m’en fichais. »
« Un jour, alors que nous dînions, je leur ai dit : ‘Je vais laver les assiettes.’ »

À partir de là, dit-il, « une sorte d’accord tacite s’est instauré : je faisais mon travail et tout le monde était gentil avec moi. J’ai fini par passer la plupart de mon temps dans la cuisine ».
Il explique avoir rapidement pris en charge la cuisine et certaines tâches d’entretien de base dans le tunnel, à tel point qu’avant d’être relâché, ses geôliers lui ont demandé des conseils pour entretenir les lieux. Il a également fait rire ses bourreaux : lorsque l’un d’eux lui a demandé quel métier il souhaitait exercer, Shem Tov a répondu qu’il voulait être acteur. Le terroriste lui a alors demandé de l’imiter, ce qui a beaucoup amusé son ravisseur.
« Le fait d’avoir noué des liens avec lui m’a sauvé », affirme Shem Tov.
Shem Tov faisait partie des derniers otages à être relâchés dans le cadre du dernier accord de libération d’otages et de cessez-le-feu. La première phase de l’accord prévoyait la libération par le Hamas de 33 femmes, enfants, hommes civils de plus de 50 ans et personnes considérées comme « cas humanitaires ». Elle a pris fin le 2 mars, soit un jour après la libération de Shem Tov, Israël refusant de négocier la deuxième partie, qui aurait exigé le retrait complet de Tsahal de Gaza.

Le Hamas a suscité l’indignation en Israël en organisant des cérémonies de propagande lors de la remise des otages à la Croix-Rouge. Shem Tov a notamment été contraint d’embrasser la tête des terroristes présents à ses côtés.
« Le caméraman s’est approché de moi et m’a dit de l’embrasser sur la tête », explique Shem Tov.
« On voit bien dans la vidéo que j’hésite… J’ai dit : ‘D’accord, je vais l’embrasser sur la tête et je rentrerai chez moi.’ »
Il ignorait pourquoi son nom figurait sur la liste des otages à libérer. « Il ne devrait pas y avoir de liste. Tout le monde devrait être libéré », a déclaré Shem Tov, ajoutant qu’il ne pensait pas que la force militaire permettrait de libérer les otages.
Interrogé sur les raisons pour lesquelles il y avait encore des otages à Gaza, il a répondu : « Je pense que c’est une question politique. »
Les groupes terroristes de Gaza détiennent toujours 59 otages, dont la dépouille d’Hadar Goldin, un soldat tué lors des combats de la guerre de Gaza en 2014. Au moins 35 d’entre eux ont été confirmés morts par l’armée.