L’un des plus graves défauts du plan de Trump pour Gaza est son absence de moralité
Le Hamas a déclenché la guerre à Gaza en massacrant plus d'un millier de de personnes le 7 octobre ; ça ne donne pas le droit d'expulser tous ses habitants ni de transformer l'enclave en projets immobiliers
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Avant le sommet Trump-Netanyahu de mardi, on s’attendait à ce que les deux dirigeants présentent publiquement un front uni et chaleureux reflétant leurs positions largement similaires sur la libération des otages de Gaza, la destruction du Hamas, la normalisation avec l’Arabie saoudite et l’interdiction pour l’Iran de se doter de la bombe. Et que, à huis clos, le président, le Premier ministre et leurs équipes s’efforceraient de surmonter leurs divergences de manière constructive et de tracer une voie commune pour l’avenir.
Au lieu de cela, le président a annoncé que les États-Unis avaient l’intention de prendre le relais du Hamas à Gaza, d’encourager et de réaliser l’évacuation de l’ensemble de la population, de raser ce « trou à rats », de le réaménager en tant que terrain, puis de vendre les nouveaux logements à la communauté internationale – y compris aux Palestiniens, mais pas aux habitants de Gaza. Un cas « d’Opération de relooking extrême : Édition Gaza ».
En résumé, la bombe Trump « Gaza pour tout le monde sauf les Gazaouis », telle qu’elle a été lâchée au cours de sa rencontre avec Netanyahu dans le Bureau ovale et de la conférence de presse en grandes pompes qui a suivi peu après, suscite de profondes inquiétudes :
1. Comment cela est-il censé fonctionner ? Première partie
Les États voisins que Trump ne cesse d’exhorter à absorber un grand nombre des 1,8 million de Palestiniens de Gaza s’y refusent. Ils considèrent qu’il s’agit d’une trahison envers les Palestiniens mais, plus important encore, ils craignent à juste titre que cela ne déstabilise leurs propres populations, largement agitées, mécontentes et potentiellement insurrectionnelles.
Par ailleurs, certains habitants de Gaza préféreraient sans aucun doute vivre en paix, libérés de la menace, vieille de plusieurs décennies, d’être abattus à tout moment, comme l’a fait remarquer le président, mais seulement s’ils étaient réellement déplacés vers un endroit meilleur et s’ils avaient la possibilité de rentrer chez eux si Gaza devenait effectivement vivable. L’évacuation sera extrêmement désagréable si les détails de l’accord de relocalisation prévoient qu’ils ne pourront jamais retourner sur leur lieu de naissance et que celui-ci sera usurpé par des promoteurs immobiliers orchestrés par le gouvernement américain qui construiront, comme l’a affirmé le président, « la Côte d’Azur du Moyen-Orient ».

2. Comment cela est-il censé fonctionner ? Deuxième partie
Cela fait seize mois, depuis l’assaut et le pogrom perpétré par le Hamas, qu’Israël cherche à détruire le groupe terroriste au pouvoir à Gaza, avec un effet significatif, mais pas, comme l’a souligné Netanyahu à maintes reprises, au point de remporter une victoire totale. Cela a coûté des dizaines de milliers de vies à Gaza – la moitié étant probablement des terroristes du Hamas et l’autre moitié des civils – et des centaines de vies de soldats israéliens.
Trump est-il sur le point d’envoyer des forces américaines combattre aux côtés de Tsahal pour achever le travail ? « Si c’est nécessaire, nous le ferons », a-t-il répondu, interrogé lors de la conférence de presse sur la possibilité de déployer des troupes américaines. Ou bien l’idée est-elle d’encourager tous les habitants de Gaza, y compris tous les terroristes, les tireurs et les sympathisants du Hamas, à monter dans des bus et des bateaux à destination de contrées inconnues, dans l’espoir que leur simple déplacement fera d’eux des « gens merveilleux », comme Trump a décrit les habitants de Gaza, et une aubaine pour leurs nouveaux pays d’accueil ? Cela résoudrait d’un seul coup le problème du terrorisme monstrueux du Hamas ?
3. La morale
Qu’en est-il de la moralité de ce que l’on pourrait appeler le plan « Guerre pour la prospérité » de Trump ? En vertu de quel droit international les États-Unis entendent-ils occuper, vider et repeupler un territoire qui, certes, n’a pas de gouvernement souverain légitime, mais qui n’est pas non plus ouvert et disponible pour les États-Unis du simple fait de leur désir de s’en emparer ?
Par extension, quel message le dévoilement même de cette intention transmet-il, par exemple, à la Chine en ce qui concerne Taïwan, ou à la Russie en ce qui concerne l’Ukraine ?
« Une vie meilleure n’est pas nécessairement tributaire du lieu dans lequel vous vous trouvez aujourd’hui », a déclaré Steve Witkoff, l’envoyé de Trump au Moyen-Orient, dans une interview accordée plus tard dans la journée de mardi. Que pourraient bien faire des gens comme Poutine de cela ? Et ne songeons même pas à ce que diraient les Juifs israéliens si quelqu’un tentait de faire valoir cet argument à notre sujet.
Il existe des dispositions juridiques internationales pour le déplacement temporaire des populations civiles en danger en temps de guerre, mais à la condition sine qua non que cette évacuation soit véritablement volontaire et temporaire. Toutefois, comme Trump l’a clairement indiqué lorsqu’il a été interrogé à maintes reprises mardi, ce qu’il prévoit est une mesure permanente.

4. Qu’en est-il des otages ?
À peine mentionné dans les déclarations du Bureau ovale ou lors de la conférence de presse principale, comment le plan Trump affecte-t-il les 79 otages israéliens qui se trouvent toujours à Gaza ? Les familles de certains otages qui se trouvaient à Washington pour organiser une conférence de presse après le sommet de la Maison Blanche ont annulé leur événement, car elles avaient du mal à comprendre l’impact de ce qui était dit sur le sort de leurs proches.
Le Hamas va-t-il maintenant déposer les armes, hisser le drapeau blanc et quitter la zone de combat ? Ou abrogera-t-il l’accord actuel avant la deuxième phase, qui n’a pas encore été finalisée et au cours de laquelle 24 otages masculins vivants doivent être libérés, ou même au cours de la première phase actuellement en cours, dans laquelle vingt autres otages doivent encore être libérés, dont douze vivants ?
5. Une politique d’annexion en quatre semaines
Que penser de la prédiction étrangement précise du président selon laquelle il annoncerait la position de son administration sur la question de l’annexion de la Cisjordanie par Israël dans les « quatre semaines » à
venir ? Cela coïncide avec la fin de la première phase de 42 jours, au cours de laquelle Bezalel Smotrich a menacé de retirer son parti, HaTzionout HaDatit, de la coalition si Israël ne reprenait pas sa campagne militaire contre le Hamas. S’agit-il d’une carotte de Trump, avec son projet de Gaza sans Gazaouis et l’insistance – démentie par Ryad – sur le fait qu’une normalisation avec l’Arabie saoudite est possible sans État palestinien, dans un plan conçu pour permettre à Netanyahu de conserver sa majorité gouvernementale ?
Si tel est le cas, Trump attend-il en retour de Netanyahu qu’il s’en tienne à l’accord actuel sur Gaza au moins jusqu’à ce que tous les otages vivants aient été récupérés – un objectif que le président a soutenu et défendu à maintes reprises ? Si tel est le cas, pourquoi Trump a-t-il dévoilé un plan qui semble mettre la vie de ces otages en danger ?
Après l’effet de surprise
Ce ne sont pas les seules préoccupations et questions qui entourent les débats surréalistes auxquels nous avons assisté mardi.

L’expression du visage de Netanyahu, un mélange d’embarras et d’allégresse, suggérait (comme c’est désormais rapporté) qu’il entendait pour la première fois au moins une partie de ce que Trump disait au monde, tout comme la réponse plutôt hésitante du Premier ministre : « Le président Trump… voit un avenir différent pour ce morceau de terre… Il a une idée différente… Je pense qu’il vaut la peine d’y prêter attention… Je pense que c’est quelque chose qui pourrait changer l’histoire… »
Les Israéliens sont déjà passés par là dans une certaine mesure – il y a presque exactement cinq ans – lorsque le même président américain, accompagné du même Premier ministre à ses côtés, a dévoilé son plan israélo-arabe « De la paix à la prospérité ».
Cet événement à la Maison Blanche avait entraîné une période chaotique au cours de laquelle Netanyahu voulait croire qu’il avait reçu carte blanche pour annexer les implantations et la vallée du Jourdain en quelques jours, jusqu’à ce que Jared Kushner soit dépêché sur place pour le détromper.
La différence majeure est qu’Israël se trouve au milieu d’une guerre épuisante sur plusieurs fronts, que des dizaines de ses citoyens sont retenus en otage et que les marges de manœuvre pour les malentendus et les faux pas sont encore plus réduites que dans la situation régionale difficile que nous connaissons.

Il se pourrait – il se pourrait bien – qu’en dépit de l’insistance répétée du président sur la pertinence de son plan pour Gaza, nous ayons assisté mardi à une manœuvre de surenchère délibérée digne de Trump : le dévoilement d’une proposition si radicale et si désagréable qu’elle déplace les différentes forces qui compliquent ses objectifs – du Hamas à l’Égypte et à la Jordanie, en passant par les Saoudiens et même l’Iran – et ouvre une voie viable pour affaiblir, marginaliser et éliminer les ennemis communs des États-Unis et d’Israël, et pour secouer les alliés potentiels réticents.
Neuf mois après le fiasco de l’annexion de 2020, rappelons-le, Trump était parvenu à négocier les Accords d’Abraham.
« Vous allez droit au but. Vous voyez des choses que d’autres refusent de voir. Vous dites des choses que d’autres refusent de dire », a déclaré Netanyahu dans son discours préparé pour la conférence de presse.
« Et une fois que l’effet de surprise est dépassé, les gens se grattent la tête et se disent : ‘Vous savez quoi ? Il a raison’. »

Sauf que cette fois, sa position manque de moralité, de légitimité et d’applicabilité pratique.
Gaza est en effet un territoire sinistré et exsangue, d’où d’ignobles barbares ont entrepris de massacrer des Israéliens il y a seize mois. Et dans la guerre que le Hamas lui a fait subir, Gaza a en effet été rendue largement inhabitable pour de nombreuses années à venir.
Israël, avec le soutien d’un président américain manifestement compatissant et de son équipe, doit veiller à ce que le futur Gaza soit un voisin fiable et allié, et non une nouvelle menace génocidaire. Quoiqu’il en soit, ce que Gaza n’est pas, c’est un projet immobilier.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel