Mettre un terme à la guerre pour rapatrier les otages. Et pour sauver Israël
Netanyahu sait que sa coalition s'effondrera s'il doit relancer le type d'accord que lui et ses ministres avaient accepté au mois de janvier. Cela ne devrait pas et cela ne doit pas l'effrayer
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Abordons cette question sans attendre davantage. Contrairement à l’affirmation incendiaire qui a été faite par Yair Golan, Israël n’est pas en train de « tuer des bébés à Gaza pour passer le temps ».
Je ne pense pas que Golan, l’ancien chef d’état-major adjoint de l’armée israélienne qui est aujourd’hui à la tête de ce qui était autrefois le parti Avoda, pense réellement qu’Israël puisse se comporter ainsi. Dans les heures qui ont suivi sa déclaration lancée dans le cadre d’une interview passionnée accordée à une station de radio dans la matinée de mardi, il a tenté à deux reprises de revenir sur ses propos – sans reconnaître qu’il avait pu aller trop loin. Il a affirmé, dans un premier temps, que ses critiques de la guerre visaient le gouvernement et qu’à aucun moment, il n’avait voulu évoquer l’armée israélienne et ses soldats. Puis, au cours d’une prise de parole à la télévision, il s’est empêtré dans des subtilités sémantiques en tentant de reformuler ce qu’il avait dit – en vain.
Toutefois, ce que fait Israël à Gaza, un Israël placé sous l’autorité du Premier ministre Benjamin Netanyahu, c’est mener une guerre de plus en plus intense qui – si elle vise ouvertement (et légitimement) à détruire le Hamas et à garantir la libération des 58 otages qui se trouvent encore en captivité 19 mois après le massacre perpétré par le Hamas – réduit inexorablement Gaza en ruines, avec un nombre croissant de victimes civiles, jeunes et moins jeunes. C’est une guerre qui coûte aussi la vie à encore davantage de soldats israéliens, qui met en danger les otages.
Le pays élargit sa campagne militaire tout en informant de moins en moins l’opinion publique israélienne et mondiale des détails de ses opérations.
Il ignore la volonté constante des deux-tiers d’Israéliens, – et plus qui, au sein de l’opinion publique israélienne, qui affirment qu’ils veulent garantir avant tout le reste la remise au liberté des otages, même si cela signifie mettre un terme à la guerre – ce qui représenterait un retour, en substance, à l’accord que Netanyahu et son cabinet avaient approuvé à l’unanimité au mois de janvier, mais qu’ils avaient choisi de ne pas poursuivre après la mise en œuvre de la première des trois phases qui étaient alors envisagées.
En outre – Et Golan l’a dit à juste titre – elle transforme Israël en « État paria ».
S’adressant directement aux civils palestiniens de Gaza, dans la journée de mardi, le chef d’état-major de Tsahal, Eyal Zamir, a déclaré : « Ce n’est pas nous qui vous avons infligé toutes ces destructions. Ce n’est pas nous qui nous terrons dans les hôpitaux ou les écoles. Ce n’est pas nous qui logeons dans des hôtels de luxe pendant que vous vivez dans la misère. Non : ce sont vos responsables, ce sont ceux qui retiennent nos otages. Le Hamas est responsable du déclenchement de la guerre. Il est responsable de la situation désastreuse qui est celle de la population. Il a détruit – et ce n’est pas lui qui aura la charge de reconstruire ».
C’est vrai. Tout cela est vrai.
Mais dans l’état actuel des choses, le gouvernement est en train de détruire de ses propres mains le peu de soutien international dont cette guerre bénéficie encore. Ainsi, Netanyahu a déclaré qu’Israël va « prendre le contrôle de toute la bande de Gaza » et il a reconnu (en hébreu) que la population civile de Gaza était au bord de la famine, après onze semaines d’interruption des approvisionnements en aides humanitaires par Israël. Il a expliqué de façon précise comment le Hamas avait pu s’approprier l’assistance et la manière dont il en avait tiré profit – mais Israël n’a pas, pour autant, pris rapidement le soin de mettre en place un mécanisme d’acheminement et de distribution alternatif viable. Le sujet est pourtant discuté depuis longtemps.
Le gouvernement discrédite lui-même les objectifs légitimes de la guerre – l’obligation sacrée de rapatrier les otages, garantir que le Hamas ne pourra pas relever la tête pour revenir massacrer des Israéliens – par des déclarations ministérielles et officielles incessantes, parfaitement déraisonnables. Des déclarations qui laissent entendre que la destruction totale de la bande de Gaza, son « nettoyage », le regroupement forcé de toute la population dans un petit secteur du sud de la bande, la mise en place des conditions nécessaires pour que les Gazaouis partent en grand nombre en direction de pays tiers non précisés, la conservation du territoire et la construction d’implantations juives au sein de l’enclave figurent parmi les objectifs plus larges de l’offensive militaire.
Le Hamas avait enlevé 251 otages avec l’intention évidente, d’un cynisme absolu, de les utiliser comme moyen de pression pour garantir qu’il pourrait survivre à la riposte militaire israélienne – une riposte qui avait été entraînée par le massacre, par le groupe terroriste, de plus de 1200 personnes dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023. Le groupe terroriste ne renoncera pas facilement au dernier des captifs, comme il ne renoncera pas au contrôle de Gaza en acceptant l’exil – et ce même s’il affirme le contraire dans le cadre d’un accord négocié.
Et c’est très précisément la raison pour laquelle plus des deux-tiers des Israéliens supplient leur gouvernement d’accepter un accord qui ouvrirait la porte au retour des otages en échange de la fin de la guerre – et en échange, c’est vrai, de la remise en liberté de nombreux autres terroristes meurtriers :
Parce qu’on peut compter sur le Hamas pour rompre tout engagement qu’il sera susceptible de prendre. Israël devra donc, tôt ou tard, relancer sa campagne militaire. Mais entre-temps, Israël est en mesure d’obtenir la libération de nombreux otages, voire de la majorité d’entre eux, avant que d’autres captifs vivants ne perdent la vie dans les tunnels.
Parce que continuer à combattre, avec un nombre croissant de morts parmi les habitants de la bande de Gaza, parmi les soldats et les otages, et avec les objectifs déplorables qui ont été définis par des personnes telles que le ministre des Finances Bezalel Smotrich, c’est à la fois déchirer le tissu moral de notre société et détruire la légitimité internationale d’Israël – faisant ainsi directement le jeu du Hamas.
Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, a prononcé mardi un discours d’une rage foudroyante devant le Parlement, annonçant qu’il suspendait les négociations commerciales entre le Royaume-Uni et Israël. Il a menacé de prendre de nouvelles mesures de sanction : « Le gouvernement de Netanyahu prévoit de chasser les habitants de Gaza de leurs maisons et de les reléguer dans un coin de la bande, dans le sud, et de ne leur accorder qu’une fraction de l’aide dont ils ont besoin », s’est-il insurgé. Hier, Smotrich, le ministre, a même évoqué le « nettoyage » de Gaza par les forces israéliennes, la « destruction de tout ce qui reste » et la « réinstallation des résidents palestiniens dans des pays-tiers ». Nous devons utiliser les bons mots pour qualifier de tels propos. C’est extrémiste. C’est dangereux. C’est répugnant. C’est monstrueux.

Le positionnement adopté par le Royaume-Uni fait dorénavant de l’administration Trump le seul allié majeur relativement favorable à l’égard d’Israël dans le conflit à Gaza.
Et c’est d’ailleurs le président Donald Trump lui-même qui a été le premier à évoquer l’idée moralement indéfendable et irréalisable d’une évacuation forcée des Gazaouis et du rasage de la bande de Gaza. Mais Trump a depuis fait preuve d’une certaine retenue, insistant récemment sur le fait qu’il ne chercherait pas à expulser qui que ce soit et avertissant, la semaine dernière, « qu’il se passe beaucoup de mauvaises choses » à Gaza. « Nous devons également venir en aide aux Palestiniens. Vous savez, beaucoup de gens meurent de faim à Gaza, nous devons donc prendre en considération les deux parties ».
Netanyahu nie de manière systématique que sa politique en matière de guerre serait guidée par sa politique de coalition. Mais le calcul est néanmoins extrêmement simple : s’il met un terme à la guerre, Smotrich et Itamar Ben Gvir retireront leurs partis d’extrême droite de la coalition, et il perdra sa majorité.
D’accord, mais alors ?…
Les intérêts sécuritaires existentiels d’Israël, ses alliances mondiales et sa cohésion interne sont en jeu. Et si cela ne devait pas suffire, force est de reconnaître que le Premier ministre peut aussi raisonnablement parier sur lui-même pour survivre politiquement à un accord qui garantirait le retour des otages en échange de la fin de la campagne militaire.
Il pourrait présenter cela comme la justification de 19 mois de pressions militaires et diplomatiques.
Sur le plan intérieur, il pourrait affirmer qu’il a toujours fait tout son possible pour obtenir la libération des otages. Il pourrait présenter le Hamas comme une menace considérablement réduite et souligner sa détermination à le frapper avec force dès qu’il tentera de relever la tête. Pendant un certain temps, au moins, les tueries cesseraient. Les réservistes pourraient retrouver leurs familles et leur travail. L’économie pourrait redémarrer.

Il pourrait œuvrer, aux côtés de partenaires régionaux potentiels, à la reconstruction de Gaza dans l’après-guerre, sans le Hamas.
La voie serait alors rouverte à une normalisation régionale plus large. La Grande-Bretagne et d’autres alliés horrifiés opteraient pour la réconciliation. Trump serait ravi.
Il extrairait Israël du gouffre.
Alors oui, sa coalition s’effondrerait. Mais il pourrait tout simplement obtenir la libération des otages, mettre un terme aux morts pendant un certain temps, regagner le soutien de l’opinion publique israélienne et d’une partie de la communauté internationale… et probablement remporter sa réélection.
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