« Mon cher fils, Hersh, nous avons si désespérément tenté de te sauver »
Texte intégral de l'éloge funèbre prononcé par Rachel Goldberg-Polin aux funérailles de son fils Hersh, enlevé, kidnappé et assassiné par le Hamas à Gaza, et désormais enterré à Jérusalem
Voici une traduction de l’oraison funèbre prononcée par Rachel Goldberg-Polin pour son fils Hersh, lors de ses funérailles à Jérusalem, le 2 septembre 2024.
Au cours des 322 derniers jours, j’ai eu beaucoup de temps pour penser à mon cher garçon, mon Hersh.
Et l’une des pensées qui me revenait sans cesse était de savoir pourquoi, parmi toutes les mères du monde, Dieu avait choisi de me confier Hersh. Qu’ai-je pu faire dans une vie antérieure pour mériter un si beau cadeau ? J’ai dû faire quelque chose de grandiose.
Il y a quelques années, Hersh et moi regardions un documentaire sur des jeunes personnes décédées et il m’avait dit : « Pourquoi, à chaque fois qu’une personne meurt jeune, on dit toujours qu’elle était la plus drôle, la plus intelligente, la plus chouette, la plus belle ? Pourquoi personne ne dit jamais, ‘J’aimais bien Max, mais tu sais quoi ? il était plutôt bête, il avait un sens de l’humour nul et il avait mauvaise haleine ?’ »
Je vais être honnête. Je reconnais que Hersh n’était pas parfait. Mais il était le fils parfait pour moi. Je suis tellement reconnaissante envers Dieu, j’aimerais exprimer ma Hakarat Hatov et remercier Dieu ici même de m’avoir offert ce merveilleux cadeau en la personne de Hersh… Pendant 23 ans, j’ai eu le privilège de posséder ce trésor exceptionnel, d’être la maman de Hersh. Je suis reconnaissante pour ce temps passé. J’aurais simplement voulu que cela dure plus longtemps.
Hersh, j’ai passé ces mois dans la tourmente, m’inquiétant pour toi à chaque milliseconde de chaque jour. Une misère comme je n’en avais jamais vécue auparavant. J’ai tout fait pour ne pas ressentir ce manque de toi. Parce que j’étais convaincue que cela me briserait. J’ai donc passé 330 jours terrorisée, effrayée, inquiète et dans la peur. J’avais une boule dans la gorge et mon âme était brûlée au troisième degré.
Il est arrivé une chose étrange et bouleversante à la famille tout au long de cette route macabre sur laquelle nous cheminons depuis 332 jours. Entre l’agonie indicible, la terreur, l’angoisse, le désespoir et la peur … nous avions la CERTITUDE absolue que tu nous reviendrais en vie. Mais il n’en a pas été ainsi.
Je n’ai plus à m’inquiéter pour toi, à présent. Je sais que tu n’es plus en danger. Tu es avec le magnifique Aner ; il te fera visiter les lieux. Avec un peu de chance, tu rencontreras mes grands-parents, qui t’adoreront, et tu joueras aux échecs avec Papa Stan. À présent, c’est pour nous que je m’inquiète : Dada, Leebie, Orly et moi. Comment parviendrons-nous à passer le reste de notre vie sans toi ?
Je prie également pour que ta mort puisse marquer un tournant dans cette horrible situation dans laquelle nous sommes tous empêtrés. Savoir que tu étais avec Carmel, Ori, Eden, Almog et Alex me procure réconfort. D’après ce que l’on m’a dit, ils étaient tous charmants à leur manière, et je pense que c’est grâce à cela que vous avez réussi à rester en vie tous les six dans ces conditions inimaginables pendant si longtemps. Vous avez fait tout ce qui était en votre pouvoir pour survivre à 329 jours dans ce que je ne peux qu’appeler l’enfer.
Je présente à chacune des familles mes plus sincères condoléances pour ce que nous traversons tous et pour le sentiment déchirant que nous n’avons pas pu les sauver. Je pense que nous avons tous fait tout ce qui était en notre pouvoir. L’espoir d’un accord était si tangible qu’il était palpable. C’était si proche. Mais il n’en a rien été. Ces six belles personnes ont survécu ensemble et ces six belles personnes sont mortes ensemble. Et maintenant, on se souviendra d’eux ensemble pour toujours.
Hersh, comme la plupart des parents, Dada et moi parlions souvent de ce que tu deviendrais, de ce que tu serais quand tu serais « grand », de ce que tu ferais, de ce à quoi tu ressemblerais, du genre de parent que tu serais. Mais désormais, tu resteras à jamais notre merveilleux garçon. Tu seras toujours énergique, gentil, patient, curieux, drôle, irrévérencieux et réfléchi. Tu demeureras à jamais beau, jeune, et surtout, mon fils chéri.
Que tu aies réussi à accumuler bien des expériences au cours de ta courte vie est une source de soulagement et de réconfort pour moi. Tu as noué des amitiés vraies et profondes, tu as voyagé chaque été et tu as commencé à explorer le monde, tu as travaillé, tu as appris, tu as lu, tu as enseigné, tu as servi, tu as écouté, tu es même tombé amoureux et tu as eu une relation profonde et sincère pendant plus de deux ans. Et tu as partagé avec nous l’enthousiasme de cette nouvelle expérience. Tu as charmé tous ceux à qui tu as jamais parlé, jeunes ou vieux. Tu as promu la justice et la paix comme seul un jeune idéaliste aux yeux écarquillés peut le faire. Tu n’as jamais élevé la voix contre moi de toute ta vie. Tu m’as toujours traitée avec respect, même lorsque tu as choisi une autre voie.
Quand tu nous as écrit depuis l’abri anti-bombes, tu venais de voir Aner se faire assassiner. Tu avais perdu ton bras et tu pensais que tu allais mourir. Tu nous as écrit « Je suis désolé » parce que tu savais à quel point il serait difficile pour nous de te perdre, alors tu t’es battu pour rester en vie… pendant tout ce temps. Mais maintenant, tu es parti.
Aujourd’hui, je te demande pardon. Si j’ai manqué de patience ou de sensibilité à ton égard durant ta vie, ou si je me suis montrée négligente d’une manière ou d’une autre, je te demande humblement et sincèrement de me pardonner. Si il y a quoi que ce soit que nous aurions pu faire pour te sauver et que nous n’y avons pas pensé, je te prie de me pardonner. Nous avons essayé de toutes nos forces. De manière si intense et si désespérée. Je suis désolée.
Maintenant, mon Hersh, c’est à moi de te demander ton aide.
Alors que notre espoir se transforme en deuil et en cette nouvelle forme de douleur inconnue, je te prie de faire ce que tu peux pour nous éclairer le chemin, à moi, à Dada, à Leebie et à Orly. Veille à nous apporter apaisement et résilience. Aide-nous à nous relever. Je sais que cela prendra beaucoup de temps, mais que Dieu nous bénisse pour qu’un jour, un beau jour, Dada, Leebie, Orly et moi puissions à nouveau entendre des rires. Et que ce jour-là, nous nous retournerons pour voir d’où ils viennent et remarquerons que ces rires viennent… de nous. Et que nous allons bien. Tu seras éternellement avec nous, une force d’amour et de vie, tu seras notre superpuissance.
À Dalya, Matt et Richard, qui nous ont accompagnés chaque jour dans cette odyssée de la torture, il n’y aura jamais assez de temps ni de mots pour exprimer ma gratitude à chacun d’entre vous.
Et je tiens maintenant à remercier très sincèrement les innombrables personnes de notre communauté élargie qui nous ont entourées, qui ont pris soin de nous, qui ont prié pour nous, qui ont cuisiné pour nous et qui nous ont portés lorsque nous ne tenions pas debout.
Je vous suis très reconnaissante et je m’excuse sincèrement, mais nous continuerons à avoir besoin de votre aide pour traverser ce nouveau chapitre abominable. Je suis désolée de vous demander cela, car nous ne vous avons rien donné, alors que vous nous avez déjà tant donné, si généreusement et si entièrement. Mais je vous demande de ne pas nous abandonner maintenant.
Et maintenant, mon cher enfant, poursuis ton voyage, j’espère qu’il sera aussi bon que les voyages dont tu as toujours rêvé, parce qu’enfin , mon cher enfant, enfin, enfin, enfin, enfin, enfin, tu es LIBRE !
Je t’aimerai et tu me manqueras tous les jours jusqu’à la fin de ma vie. Mais tu es là. Je sais que tu es là, je dois juste apprendre à te sentir d’une nouvelle façon.
Et Hersh, j’ai besoin que tu fasses une dernière chose pour nous…. Aujourd’hui, j’ai besoin que TU nous aides à rester forts. Et j’ai besoin que TU nous aides à survivre.
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