Netanyahu : l’UE « devrait avoir honte » pour l’étiquetage des produits
« Nous allons étudier la décision une fois que les détails seront publiés et nous allons nous prononcer sur la réponse appropriée à apporter », a précisé Ayelet Shaked
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré mercredi que « l’Union européenne devrait avoir honte » et a invoqué l’antisémitisme nazi, après le feu vert donné par la Commission européenne à l’étiquetage des produits en provenance des colonies israéliennes dans les Territoires.
« L’étiquetage des produits de l’État juif par l’Union européenne réveille de sombres souvenirs. L’Europe devrait avoir honte », a déclaré M. Netanyahu dans une vidéo diffusée par ses services.
En septembre déjà, le Premier ministre avait fait le parallèle entre le futur étiquetage européen et des pratiques du régime nazi contre les produits juifs.
« Alors qu’il y a des centaines de conflits territoriaux à travers le monde, (l’Union européenne) a décidé de s’en prendre seulement à Israël, alors qu’Israël combat le dos au mur contre une vague de terrorisme », a dit le Premier ministre, actuellement aux États-Unis.
Les Affaires étrangères israéliennes ont convoqué le représentant de l’Union européenne en Israël, Lars Faaborg-Andersen.
La mesure « pourrait avoir des répercussions sur les relations entre Israël et l’Union européenne », a dit le porte-parole des Affaires étrangères Emmanuel Nahshon dans un communiqué.
« En fait, seuls les produits agricoles, le vin, les produits cosmétiques pour lesquels l’appellation d’origine est obligatoire, seront concernés. Au total, l’étiquetage ne portera au grand maximum que sur 50 millions de dollars d’exportations », estime le chef du département du commerce extérieur au ministère de l’Economie Ohad Cohen.
La grande majorité des exportations industrielles des implantations consiste en composants ou pièces détachées ensuite intégrés dans des produis finis ce qui rend leur traçabilité difficile. Dans le domaine agricole, les implantations exportent des dattes, des fruits et légumes, du vin du Golan. Les cosmétiques de la mer Morte tiennent aussi leur place.
S’il le fallait, Israël semble en mesure de trouver de nouveaux débouchés.
Dan Catarivas, chargé des relations internationales au sein de l’Association des Industriels, regrette ainsi qu’entre étiquetage et boycott, « les médias et des hommes politiques (israéliens) aient parfois tendance à tout mélanger ». « Il faut distinguer l’étiquetage qui nous est imposé par l’Union Européenne et le boycott qui est totalement inacceptable », affirme-t-il.
« Derrière les arguties juridiques, il y a une volonté de la bureaucratie bruxelloise d’influer sur les résultats des négociations israélo-palestiniennes, ce qui ne relève en aucun cas de sa compétence », s’insurge le porte-parole des Affaires étrangères Emmanuel Nahshon.
Comment ça marche ?
L’adoption officialisée mardi n’est pas une nouvelle réglementation et la « notice interprétative sur l’origine des produits des territoires occupés par Israël depuis juin 1967 » vient préciser la règle existante en matière de protection des consommateurs et d’obligations de la mention du pays d’origine sur un produit, souligne l’exécutif européen.
Depuis 2012, plusieurs Etats membres avaient demandé des clarifications à la Commission sur le sujet, tout comme le Parlement européen ou des représentants de la société civile.
Trois Etats membres de l’UE ont déjà publié des recommandations nationales, sur une base de volontariat, pour différencier l’origine entre Israël et les Territoires : le Royaume-Uni en 2009, le Danemark en 2013 et la Belgique en 2014.
Pour le vice-président de la Commission européenne Valdis Dombrovskis, il s’agit donc d’une « question technique, pas d’une prise de position politique ».
Pourquoi différencier Israël et les implantations ?
L’UE suit le droit international en la matière et reconnaît les frontières d’Israël telles qu’elles étaient établies avant la guerre de juin 1967. Elle considère donc que le plateau du Golan, la bande de Gaza, la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, ne font pas partie du territoire israélien.
Indiquer qu’un produit issu des implantations situées sur ces territoires est fabriqué en Israël serait donc « incorrect et trompeur », selon la législation en vigueur, est-il indiqué dans la notice indicative à paraître au Journal officiel de l’UE jeudi.
D’une manière générale, ces produits ne sont pas inclus dans les accords commerciaux entre l’UE et Israël.
Quelle forme prendra le nouvel étiquetage ?
Selon les indications données par la Commission, la mention du pays d’origine devra prendre en compte l’intitulé sous lequel les territoires sont le plus communément connus.
L’indication « colonie isralienne » devra être précisée, entre parenthèses par exemple. La mention pourrait donc être formulée ainsi : « Produit de Cisjordanie (implantation israélienne) ». Si le produit vient des territoires palestiniens, la mention pourrait être la suivante : « Produit de Cisjordanie (produit palestinien) ».
La formulation est laissée à l’appréciation des Etats membres, qui sont chargés d’appliquer et de faire respecter la législation européenne sur la protection des consommateurs.
A quels produits l’étiquetage s’applique-t-il ? Est-il obligatoire ?
L’indication d’origine est obligatoire pour les fruits et légumes frais, le vin, le miel, l’huile d’olive, les oeufs, la volaille, les produits d’origine biologique et les cosmétiques. Elle devient facultative pour les produits alimentaires pré-emballés et la majorité des produits industriels.
Dans le cas où l’étiquetage n’est pas obligatoire, la loi sur la protection des consommateurs évoque le cas de « tromperie par omission ». La décision sur les produits où l’étiquetage est obligatoire est alors laissée à l’appréciation des Etats membres, a précisé une source de la Commission.
L’Union européenne est le premier partenaire commercial de d’Israël, avec des échanges se montant à environ 30 milliards d’euros en 2014. Les importations d’Israël vers l’UE se sont montés à environ 13 milliards d’euros la même année.
La Commission n’a pas de statistiques officielles sur les importations en provenances des implantations, mais estime qu’elles représentent « moins de 1 % » du volume total.
De son côté, le représentant israélien auprès de l’UE a estimé au contraire que l’étiquetage allait « soutenir et encourager » le mouvement international BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) contre l’Etat hébreu, qui monte en puissance.