Paris : l’hommage du Crif aux victimes du 7 octobre suscite beaucoup d’émotions
Au Dôme de Paris lundi soir, les 4 000 spectateurs ont abondement hué Emmanuel Macron, applaudi Nicolas Sarkozy et commémoré dans les larmes et la colère les victimes du pogrom du 7 octobre dernier
Emmanuel Macron n’était pas présent à la cérémonie d’hommage rendu aux victimes du pogrom du 7 octobre, lundi soir au Dôme de Paris, mais a pourtant été fortement hué par l’assistance lorsque le Premier ministre Michel Barnier a affirmé : « Vous pouvez compter sur le Président de la République ».
Quelques cris « des armes, des armes » avaient aussi retenti dans la salle pendant son allocution.
Le Président avait en effet créé la polémique, samedi dernier, alors qu’il s’était dit favorable à un embargo sur certaines livraisons d’armes à Israël. Il avait fait cette déclaration à deux jours à peine du premier anniversaire du 7 octobre, le pire massacre contre des Juifs depuis la Shoah, perpétré par les terroristes du Hamas dans le sud d’Israël, et qui a fait 1 205 morts.
La cérémonie, organisée par le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), s’est déroulée devant un public de 4 000 personnes. À cette occasion, Michel Barnier a assuré que « la sécurité de l’État d’Israël n’est pas et ne sera jamais négociable » et qu’il agissait « en situation de légitime défense » face à la menace de l’Iran et de ses alliés du Hamas et du Hezbollah. Presque au même moment, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot en visite en Israël, répétait l’appel à l’embargo au nom de la « sécurité » d’Israël.
Dans un contexte d’explosion de l’antisémitisme en France depuis le 7 octobre – les actes antisémites ont triplé depuis un an -, le Premier ministre a déclaré : « J’en prends l’engagement au nom du gouvernement, nous n’oublierons jamais, nous continuerons à combattre l’antisémitisme par tous les moyens ».
Il a précisé que « plus de 800 sites [appartenant à la communauté juive] sont aujourd’hui couverts par un dispositif de surveillance ».
Nous n’oublierons jamais.pic.twitter.com/oy5qsa7TCX
— Michel Barnier (@MichelBarnier) October 7, 2024
Lundi, le Premier ministre et le chef de l’État ont tous deux rencontré les familles des deux otages français toujours détenus à Gaza, Ohad Yahalomi et Ofer Calderon.
La cérémonie au Dôme de Paris a débuté sur un ton grave, avec la projection de vidéos sur la fondation et l’histoire d’Israël jusqu’au festival Nova du 7 octobre, suivies de captures d’écrans et de messages vocaux envoyés par les participants au moment de l’attaque : « ils sont partout », « ils enlèvent des gens »…
Une minute de silence a ensuite été observée par la salle debout, lors de cette cérémonie mêlant discours et évocation grave des victimes au son du violoncelle.
Nombreuses prises de parole
Le président du Crif, Yonathan Arfi a pour sa part déclaré que « le 7 octobre est un choc français », estimant qu’un « clivage idéologique sépare désormais le camp du déshonneur, qui avec LFI voit des résistants là où la conscience universelle reconnait des terroristes, et celui des Français, de l’autre côté, qui comprennent que le 7 octobre menace toutes nos démocraties, loin des seules frontières d’Israël ».
« LFI choisit d’hystériser notre débat public, en cultivant le clientélisme et les assignations identitaires. Alors je le dis ce soir, avec gravité, que LFI trouve encore des alliés au sein de la gauche républicaine est un outrage, une trahison », a-t-il lancé, la voix couverte par les lazzis.
Retrouvez l'intégralité du discours du Président du Crif @Yonathan_Arfi lors de la cérémonie d’hommage aux victimes du 7 Octobre et de soutien aux otages. ????️ pic.twitter.com/mhYTlgVWVW
— CRIF (@Le_CRIF) October 8, 2024
L’ancien président François Hollande a aussi essuyé quelques sifflets lorsque Yonathan Arfi l’a remercié de sa présence.
Le président du Crif a tenu a martelé : « Rien ni personne n’échappe au 7 octobre » car « cette journée reste pour toujours entachée par le sang des victimes ». Il a aussi énuméré le nom de nombreuses victimes, pour qu’elles ne soient pas oubliées.
Pour l’occasion, de nombreuses personnalités avaient fait le déplacement : outre les membres du gouvernement, on comptait aux premiers rangs les présidents de région Valérie Pécresse et Xavier Bertrand, le très applaudi Nicolas Sarkozy, les anciens Premiers ministres Manuel Valls et Gabriel Attal, ainsi que la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet.
Les chanteurs Patrick Bruel et Amir ont chanté sur scène, et les acteurs Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal ont lu un long texte d’hommage aux victimes.
D’autres prises de parole ont marqué la soirée : celle de l’humoriste Sophia Aram, du philosophe Bernard-Henri Lévy, du grand rabbin de France Haïm Korsia, de l’émouvante actrice Sandrine Kiberlain, du dessinateur Joann Sfar ou encore de l’animateur Arthur.
Ruban jaune
Dans le public, les propos du chef de l’Etat en faveur de l’arrêt des livraisons d’armes à Israël étaient largement déplorés, comme la veille lors du rassemblement organisé par le Fonds national juif (KKL) en soutien à Israël et aux victimes du 7 Octobre.
« C’est aberrant, une honte », a affirmé à l’AFP Edmond Sinelnikoff, 75 ans, dans la file d’attente du Dôme où il est arrivé très en avance.
Quant à l’engagement du président français de tout mettre en oeuvre pour la libération des otages, « il a fallu un an ! », s’exclame près de lui Benjamin Amar-Rozowykwiat, 25 ans, un ruban jaune au poignet en solidarité avec les otages et petit-fils de survivants de la Shoah.
Ces otages, « on a l’impression qu’ils ont été oubliés », affirme-t-il, en disant qu’après le 7 octobre « n’importe quel Juif s’est senti profondément attaqué, et ça a rappelé des souvenirs enfouis ».
Venue en « solidarité » même si elle n’est pas juive elle-même, Louise, 28 ans, estime que « tout le monde devrait être là ». « J’aimerais voir des gens non concernés se révolter », ajoute-t-elle, en « regrettant » le silence de certaines féministes, comme si « parce que les victimes sont juives c’est moins important ».
Dans la capitale française, la tour Eiffel s’est éteinte à 23h45, comme elle l’avait fait un an auparavant, en hommage aux victimes.