Pour la sœur de Lia Ben Nun, la Quatorzième chaîne devrait avoir « honte »
Ofir Ben Nun a fustigé la chaîne de droite, qui a laissé entendre que les deux soldats tués à la frontière - un homme et une femme - avaient fait preuve "d'impudeur"
La sœur d’une soldate tuée par un policier égyptien alors qu’elle montait la garde dans un poste militaire, près de la frontière, a critiqué avec force une chaîne de droite dont un chroniqueur a laissé entendre que les deux militaires décédés qui avaient été pris pour cible par les coups de feu – un homme et une femme – avait eu « un comportement impudique » lors de leur mission de surveillance.
La Quatorzième chaîne a été violemment mise en cause par les politiciens de l’opposition, par des journalistes et par des milliers de téléspectateurs après sa couverture médiatique de la tragédie – une couverture qui a compris une discussion sur les mérites des unités de combat mixtes et les critiques, de la part des journalistes et des présentateurs, du fait qu’un homme et une femme avaient été chargés de garder le poste, seuls, pendant toute une nuit.
Lundi, la sœur de la sergente Lia Ben Nun, 19 ans — la soldate qui a perdu la vie aux côtés de son camarade Ori Yitzhak Iluz, un sergent âgé de 20 ans – a condamné la chaîne lors de déclarations faites devant les journalistes pendant la shiva, la période de deuil traditionnelle observée par la famille.
Ofir Ben Nun a indiqué que son grand-père avait été particulièrement blessé par ces propos : « Grand-père a dit que quelqu’un, sur la Quatorzième chaîne, avait déclaré : ‘Comment ont-ils pu mettre un homme et une femme dans le même poste de garde ? Il a dû se passer quelque chose, c’est sûr. La personne qui a prononcé ces mots devrait avoir honte’. »
Elle a ajouté que malgré tout, la famille restait concentrée sur sa douleur : « Ce n’est pas le plus important en ce moment, tout simplement. Elle n’est plus là. Le reste, ce n’est pas intéressant. Le résultat reste le même ».
Le sergent Ori Yitzhak Iluz, 20 ans, et la sergente Lia Ben Nun, 19 ans, gardaient le poste militaire, aux premières heures de la journée de samedi, quand ils ont été tués par les balles de l’attaquant – un policier égyptien appelé Mohamed Salah et âgé de 22 ans. Selon l’enquête préliminaire de Tsahal, tous les deux auraient perdu la vie entre 6 heures et 7 heures du matin. Ils se trouvaient au poste depuis à peu-près 21 heures, la veille.
Un officier envoyé sur les lieux a découvert les corps sans vie de Ben Nun et d’Iluz aux environs de 9 heures du matin. Les responsables militaires ont alors fait état d’un acte terroriste dans la zone, lançant des recherches. L’intrus a enfin été remarqué par un drone et les soldats ont convergé dans sa direction.
L’homme a ouvert le feu en direction des militaires qui se trouvaient alors à 200 mètres de lui – touchant mortellement le sergent Ohad Dahan, 20 ans.
Les trois soldats servaient dans les bataillons mixtes d’infanterie Bardelas et Caracal, dont la mission est de protéger les frontières. Ils ont été inhumés dimanche dans les cimetières militaires de leurs villes d’origine respectives, Safed, Rishon Lezion et Ofakim.
Dimanche, le correspondant militaire de la Quatorzième chaîne, Hallel Bitton Rosen, avait déclaré sur un plateau que « laisser seuls deux soldats de combat, un homme et une femme, pendant douze heures, la nuit… est quelque chose de problématique ».
« Ce n’est pas professionnel et c’est un déshonneur pour les valeurs de l’armée ; c’est une initiative justifiée par un agenda de gauche complètement fou », avait renchéri le modérateur du plateau, Boaz Golan.
בערוץ המורשת שומרים על כבוד הלוחם והלוחמת שנהרגו. לכו תדעו מה היה שם לפני. pic.twitter.com/QbpRSBYxY0
— Yosef Yisrael (@yosefyisrael25) June 4, 2023
Plus tard dans la soirée, un expert intervenant sur la chaîne, Yinon Magal, avait partagé le même point de vue en disant : « J’entends parler d’une ambiance festive, notamment dans ces bataillons, rendue possible par la présence d’hommes et de femmes ».
Bitton Rosen, le journaliste militaire de la Quatorzième chaîne, a nié avoir laissé entendre que les militaires avaient pu se rendre coupable de « comportement impudique », accusant les critiques de diffamation. Il a assuré avoir seulement déploré l’organisation de longs tours de garde nocturne. « C’est irresponsable de faire des choses comme ça », a-t-il ajouté. « Disons qu’il s’agit de deux femmes ou de deux hommes – mais douze heures, seuls, sur la frontière et sans contact, comme ça ? »
Le régulateur de la Seconde Autorité de la Télévision et de la Radio a ouvert une enquête préliminaire contre la Quatorzième chaîne après avoir reçu plus de 2 000 plaintes du public, lundi après midi. Ces investigations pourraient valoir une amende à la chaîne.
D’un autre côté, plusieurs membres de la coalition de droite ont exprimé leur soutien aux intervenants de la Quatorzième chaîne actuellement mis en cause.
La Quatorzième chaîne a accueilli sur son plateau, dimanche, le député Hatzionout HaDatit Zvi Sukkot, qui a dit approuver « chaque mot » de Rosen, ajoutant qu’il était « inacceptable qu’alors que nous sommes au pouvoir… ces ordres du jour de gauche puissent continuer dans l’armée ». Il a déclaré que « les choses doivent changer » – une référence apparente aux bataillons mixtes en général et à la présence d’hommes et de femmes dans les missions de garde en particulier.
Mardi, le législateur Ariel Kallner, qui appartient au parti du Likud du Premier ministre Benjamin Netanyahu, a fait savoir au site d’information Ynet que « ce genre de choses – avec un homme et une femme qui sont stationnés ensemble au même endroit – c’est quelque chose qui mérite d’être examiné au niveau social et au niveau opérationnel ».
Il a noté toutefois que « selon les investigations initiales de l’armée tout du moins, il semble qu’il n’y ait pas eu de lien » entre la question de la mixité et la mort des deux soldats.
De son côté, Danny Danon, député du Likud, a fait savoir à Ynet qu’il ne voyait « aucun problème à une garde assurée conjointement par un soldat et par une soldate ».
De son côté, s’exprimant lors d’une réunion de faction de son parti, la présidente du parti Avoda, Merav Michaeli, s’est insurgée contre la Quatorzième chaîne, disant que « les chaînes de la coalition voient un jeune homme et une jeune femme seuls, la nuit, pendant une garde et leur seule pensée, c’est le sexe. Ce n’est pas la responsabilité, ce n’est pas le service, ce n’est pas le courage, ce n’est pas la camaraderie… Ce n’est que le sexe. »
« L’immonde machine à poison de la coalition n’éprouve aucune honte à les insulter, à insulter leur mémoire », a continué Michaeli en évoquant la Quatorzième chaîne, très étroitement liée au Premier ministre Benjamin Netanyahu et à son gouvernement de droite, d’extrême-droite et religieux. « Honte à cette chaîne, honte au pays », a-t-elle ajouté.