Israël en guerre - Jour 426

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Explications

Qui sont les rebelles qui combattent le régime syrien ? Sont-ils un risque pour Israël ?

Les deux groupes qui mènent l'assaut, le HTS et le SNA, se concentrent désormais sur leur ennemi commun, Bachar el-Assad. Où pourraient-ils porter leur attention à l'avenir ?

Le chef du groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), Abu Mohammed al-Julani, vérifie les dégâts après un tremblement de terre dans le village de Besnaya, dans la province syrienne d'Idlib, tenue par les rebelles, au nord-ouest, à la frontière avec la Turquie, le 7 février 2023. (Crédit : Omar HAJ KADOUR / AFP)
Le chef du groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), Abu Mohammed al-Julani, vérifie les dégâts après un tremblement de terre dans le village de Besnaya, dans la province syrienne d'Idlib, tenue par les rebelles, au nord-ouest, à la frontière avec la Turquie, le 7 février 2023. (Crédit : Omar HAJ KADOUR / AFP)

Des groupes d’insurgés du nord-ouest de la Syrie ont lancé un double assaut surprise sur Alep et ses environs au cours des derniers jours, ce qui leur a permis de réaliser d’importants gains territoriaux et de porter un coup majeur au président syrien Bachar al-Assad, tout en augmentant la pression sur ses alliés, l’Iran et la Russie.

L’offensive est menée par deux coalitions rebelles principales, unies dans leur opposition au régime d’Assad, mais dont les objectifs divergent partiellement. Le principal fer de lance est Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui signifie en arabe « Organisation pour la libération du Levant », l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda sous le nom de « Jabhat al-Nusra ».

Bien que HTS se soit officiellement séparée d’Al-Qaïda en 2016, elle reste une organisation salafiste djihadiste classée comme organisation terroriste aux États-Unis, dans l’Union européenne et dans d’autres pays, et compte des dizaines de milliers de combattants.

Son essor soudain fait craindre qu’une éventuelle prise de contrôle de la Syrie ne la transforme en un régime islamiste de type taliban – avec des répercussions pour Israël à sa frontière sud-ouest. D’autres, en revanche, voient dans cette offensive un développement positif pour Israël et un nouveau coup porté à l’axe iranien dans la région.

Retour à Alep avec des chars d’assaut

HTS est le groupe rebelle le plus puissant de Syrie. Il contrôle depuis des années la région séparatiste d’Idleb, dans le nord-ouest du pays, le long de la frontière avec la Turquie, où il gouverne plus de 4 millions de personnes et dirige une administration civile connue sous le nom de « gouvernement du salut ».

Les Nations unies ont dénoncé les détentions arbitraires, les exécutions d’opposants et d’autres violations des droits de l’homme dans les zones contrôlées par le groupe HTS. Washington a mis à prix pour 10 millions de dollars la tête de son chef, Ahmed Hussein al-Shar’a, connu sous le nom de guerre « Abu Mohammad al-Julani », que la CIA considère comme un
« Specially Designated Global Terrorist ».

Des combattants anti-gouvernement brandissant des drapeaux de l’opposition dans la ville d’Alep, au nord de la Syrie, le 30 novembre 2024, dans le cadre d’une offensive éclair contre les forces du gouvernement soutenu par l’Iran et la Russie. (Crédit : Omar Haj Kadour/AFP)

Cependant, le groupe a également coopéré avec des organisations d’aide internationale, y compris l’ONU, pour soutenir les millions de Syriens déplacés vivant dans la région d’Idleb, en particulier après un tremblement de terre dévastateur en 2023.

Depuis 2018, HTS est également désigné comme groupe terroriste par la Turquie, mais il entretient depuis longtemps une relation ambiguë avec Ankara, et certains experts pensent qu’il a lancé l’offensive en cours contre le régime Assad, ennemi du président turc Recep Tayyip Erdoğan, avec le consentement tacite de ce dernier.

Des combattants anti-régime posent pour une photo avec un hélicoptère de l’armée sur le tarmac de l’aéroport militaire de Nayrab dans la ville d’Alep, au nord de la Syrie, le 2 décembre 2024. (Crédit : Aaref Watad/AFP)

« Il est difficile de croire que les rebelles ont lancé cet assaut sans l’approbation de la Turquie. Sinon, ils ne pourraient pas avancer », a indiqué Oren Peri, spécialiste de la Syrie à l’Institut de recherche sur les médias du Moyen-Orient (MEMRI), basé à Jérusalem. « Si Ankara s’y opposait, elle interviendrait directement ou avec des milices soutenues par la Turquie pour les arrêter. Mais la Turquie a certainement un intérêt dans l’opération en cours ».

L’offensive des rebelles a été lancée simultanément à l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, soutenu par l’Iran au Liban, qui a subi de sérieux revers au niveau de ses effectifs et de son arsenal au cours des derniers mois. Le groupe terroriste chiite est intervenu dans la guerre civile syrienne aux côtés du régime Assad et a joué un rôle essentiel dans le maintien du dictateur au pouvoir.

Après l’assassinat du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, en septembre, des festivités ont eu lieu dans la région d’Idleb, contrôlée par HTS, pour célébrer la mort du chef terroriste.

HTS a lancé son offensive contre les forces d’Assad la semaine dernière en coalition avec un certain nombre de groupes rebelles plus petits sous l’égide de la salle d’opérations « al-Fatah al-Mubin » (« la grande conquête » en arabe). Parmi eux se trouve également une « Brigade du Turkistan », composée de djihadistes originaires d’Asie centrale.

L’offensive, baptisée « Repousser l’agression », a pris le régime syrien par surprise et a enregistré des avancées remarquables. Les rebelles ont presque entièrement conquis Alep, la deuxième ville de Syrie, en prenant le contrôle de sites clés de la ville tels que l’aéroport et le palais présidentiel, et se dirigent vers Hama, située à environ 130 kilomètres au sud. L’Observatoire syrien des droits de l’homme a rapporté lundi que les forces rebelles avaient déjà pris le contrôle de 16 villages dans la campagne de Hama.

L’objectif déclaré de l’offensive, outre le renversement du régime Assad, est de permettre à des millions de Syriens déplacés à Idleb, en Turquie et en Europe de rentrer chez eux.

« Nous avons quitté Alep en bus, et maintenant nous revenons en chars », a déclaré Mustafa Dahnon, un journaliste syrien déplacé à Idlib, au journal libanais L’Orient Le Jour.

L’offensive anti-kurde

Le deuxième axe de l’assaut est mené par l’Armée nationale syrienne (ANS), une coalition de forces rebelles qui a émergé dans le nord de la Syrie en 2017 et qui est soutenue, financée et entraînée par la Turquie, comme le note un récent rapport de l’Alma Center, un institut de recherche israélien axé sur les défis sécuritaires dans le nord.

L’offensive lancée par la coalition dirigée par l’ANS a été baptisée « Aube de la liberté ». Son objectif est d’affronter non seulement l’armée d’Assad, mais aussi les forces kurdes, avec lesquelles elle est depuis longtemps en concurrence.

Lundi matin, l’ANS a déclaré avoir pris le contrôle de 12 villages au nord d’Alep qui étaient auparavant sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition soutenue par les États-Unis et dirigée par les forces kurdes, qui a joué un rôle déterminant dans la défaite de l’Etat islamique en 2019.

Hostiles à la fois au régime Assad et à la Turquie, les FDS contrôlent de vastes étendues du nord-est de la Syrie, où elles bénéficient de la protection des bases de l’armée américaine, et des parties du nord-ouest de la Syrie à l’ouest de l’Euphrate, où il n’y a pas de présence militaire américaine.

L’ANS, soutenu par la Turquie, a annoncé sur sa chaîne Telegram que son prochain objectif serait de conquérir la ville de Manbij, contrôlée par les Kurdes et située à environ 90 kilomètres à l’est d’Alep, et de repousser les forces kurdes à l’est de l’Euphrate.

Le réseau saoudien al-Arabiya a rapporté lundi que 150 000 Kurdes étaient empêchés de quitter la région d’Alep dans l’attente d’un accord entre le SNA et les FDS pour le retrait des forces kurdes. Il a également indiqué que plusieurs civils kurdes avaient été tués alors qu’ils tentaient de s’échapper de la région d’Alep vers les zones contrôlées par les FDS à l’est.

Des vidéos non vérifiées circulant sur les médias sociaux ont également montré des rebelles enlevant des femmes kurdes.

La résurgence des rebelles djihadistes syriens présente-t-elle un risque pour Israël ?

Un panneau d’affichage portant une photo du président syrien Bachar al-Assad et un drapeau national sont déchirés par des combattants anti-gouvernementaux dans la ville d’Alep, au nord du pays, le 30 novembre 2024. (Crédit : Omar Haj Kadour / AFP)

La résurgence des rebelles djihadistes syriens présente-t-elle un risque pour Israël ?

Jenan Moussa, journaliste d’investigation réputée du Moyen-Orient pour la chaîne de télévision Al-Aan TV, basée à Dubaï, a lancé une alerte sur le danger que représentent les groupes islamistes qui tentent d’étendre leur contrôle sur de vastes régions de la Syrie, voire de porter le coup de grâce au régime affaibli d’Assad pour le remplacer par une gouvernance de type taliban.

Dimanche, Moussa a écrit sur son compte X : « Si le HTS et ses alliés prennent le contrôle de la Syrie, ils appliqueront une interprétation stricte de la charia. Bien qu’il existe des différences culturelles et historiques entre le HTS et les talibans en Afghanistan, imaginez la Syrie sous le HTS se transformer en un État ‘taliban light’ ».

Conscient de sa réputation, le HTS a tenté de rassurer la population civile dans les zones passées sous son contrôle. Sur sa chaîne Telegram, le groupe a écrit le 29 novembre, « Nous faisons partie du peuple, et le peuple fait partie de nous ». De son côté, le chef du HTS, Abou Mohammed al-Julani, a exhorté les djihadistes à faire preuve de « miséricorde et de gentillesse » envers les civils, quelles que soient leurs confessions, selon un rapport récent de MEMRI.

Le groupe semble également adopter une posture conciliatrice envers Israël. Dimanche, un militant de l’opposition syrienne basé à Alep, interrogé par la chaîne publique israélienne Kann, a crédité les frappes israéliennes contre le Hezbollah d’avoir facilité l’attaque surprise du HTS. « Nous aimons Israël et nous n’avons jamais été ses ennemis », a déclaré le militant.

Un panneau d’affichage portant une photo du président syrien Bashar El-Assad et un drapeau national déchirés par des combattants anti-gouvernementaux dans la ville d’Alep, le 30 novembre 2024. (Crédit : Omar Haj Kadour / AFP)

Un responsable israélien interrogé par le Times of Israel dimanche a refusé de se prononcer sur la question de savoir si Israël considérait les succès des rebelles comme une évolution positive, se contentant de souligner qu’Israël « reste très attentif à ce qui se passe en Syrie et est prêt à faire face à n’importe quel scénario ».

Le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS) n’est pas un allié d’Israël, et ses dirigeants ne cachent pas leur hostilité envers l’État hébreu. Dans un discours prononcé le 18 octobre 2023, quelques jours après le pogrom meurtrier perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas dans le sud d’Israël, al-Julani a déclaré que « le peuple de Gaza a humilié l’orgueil des occupants sionistes » et « a apporté la joie dans les cœurs des
opprimés ».

Le chef religieux du HTS, Abdul Rahim Atoun, dirigeant du Conseil suprême de la fatwa à Idlib, est également connu pour ses déclarations antisémites. Après l’assassinat du chef du Hamas, Yahya Sinwar, par les troupes israéliennes en octobre, Atoun a écrit sur Telegram que le groupe
« demandait au Seigneur de déshonorer les Juifs, de les opprimer et de les maudire, ainsi que ceux qui les ont soutenus. »

Malgré ces discours virulents, il est peu probable que l’hostilité du HTS envers Israël dépasse le cadre rhétorique. « Ce n’est pas dans leur intérêt », a affirmé Peri, un expert de la Syrie.

Pour l’heure, la principale préoccupation de Jérusalem est de voir les rebelles, qui progressent rapidement, s’emparer des bases militaires du régime et de leurs armements. Un tel scénario leur permettrait également de mettre la main sur l’arsenal chimique stocké dans le réseau des
« centres de recherche scientifique » syriens, connus sous le nom de CERS. Ces centres servent de sites de développement et de fabrication d’armes pour l’armée syrienne et iranienne et ont déjà été ciblés à plusieurs reprises par des frappes israéliennes.

Bien que les groupes rebelles n’aient pas pour objectif immédiat d’attaquer Israël, la possibilité que des armes chimiques tombent entre de mauvaises mains de l’autre côté du plateau du Golan constitue un risque significatif pour l’avenir, a averti Peri.

Certains observateurs voient cependant l’offensive des rebelles comme une opportunité stratégique pour Israël, car elle pourrait affaiblir davantage le Hezbollah et ce qui reste de ses forces en Syrie.

Nagi Najjar, ancien officier de renseignement libanais durant la guerre civile et consultant de la CIA aujourd’hui basé aux États-Unis, a confié au Times of Israel que les rebelles syriens devraient tôt ou tard affronter le groupe terroriste chiite sur le sol syrien, et pourraient même le frapper à l’intérieur du Liban.

« L’opposition armée syrienne pourrait briser l’axe iranien du terrorisme en Syrie et, si nécessaire, intervenir au Liban comme une force capable de décapiter le Hezbollah », a affirmé Najjar.

Il a ajouté : « L’opposition syrienne et les Israéliens partagent un ennemi commun. Laissons-les faire le sale boulot sur le terrain. »

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