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Soupçons de financement libyen: 2e jour de garde à vue pour Nicolas Sarkozy

L'ancien président est susceptible de durer jusqu'à jeudi matin, il peut être remis en liberté, présenté à un juge en vue d'une éventuelle mise en examen ou convoqué ultérieurement

Nicolas Sarkozy pendant la conférence d'Herzylia, le 8 juin 2015. (Crédit : Flash 90)
Nicolas Sarkozy pendant la conférence d'Herzylia, le 8 juin 2015. (Crédit : Flash 90)

La garde à vue de l’ancien chef de l’Etat Nicolas Sarkozy a repris mercredi matin, après une interruption dans la nuit, dans l’enquête sur des soupçons de financement de sa campagne présidentielle de 2007 par la Libye de Mouammar Kadhafi.

L’ex-président de la République est arrivé peu avant 08H00 dans les locaux de l’office anti-corruption (Oclciff) à Nanterre près de Paris, a-t-on appris de sources proches du dossier. Mardi, son audition débutée dans la matinée avait été interrompue vers minuit.

A l’issue de cette garde à vue, susceptible de durer jusqu’à jeudi matin, il peut être remis en liberté, présenté à un juge en vue d’une éventuelle mise en examen ou convoqué ultérieurement.

Également entendu, mais sous le statut de « suspect libre », Brice Hortefeux, qui occupa plusieurs postes ministériels -dont celui de l’Intérieur- pendant le quinquennat Sarkozy (2007-2012), a quitté les locaux de l’Oclciff mardi soir, assurant sur Twitter avoir apporté des précisions pour « permettre de clore une succession d’erreurs et de mensonges ».

Ce coup d’accélérateur dans ce dossier, instruit par des magistrats du pôle financier depuis près de cinq ans, marque un retour à la rubrique des affaires judiciaires pour Nicolas Sarkozy, 63 ans.

Depuis la publication en mai 2012 par le site Mediapart d’un document libyen accréditant un financement d’environ 50 millions d’euros, pour permettre notamment à la Libye de sortir de son isolement diplomatique, les investigations ont considérablement avancé.

Plusieurs protagonistes, dont d’ex-responsables libyens, ont accrédité la thèse de versements illicites. Le sulfureux homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine a lui-même assuré avoir remis entre fin 2006 et début 2007 trois valises contenant 5 millions d’euros en provenance du régime de Kadhafi à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et à son directeur de cabinet Claude Guéant.

D’autres dignitaires libyens ont démenti tout financement et l’ex-chef de l’État, qui avait reçu en grande pompe M. Kadhafi à l’Elysée en 2007, a toujours rejeté ces accusations.

Les magistrats ont-ils rassemblé de nouveaux éléments pouvant le mettre en cause directement ?

Pendant sa garde à vue, Nicolas Sarkozy est susceptible d’être interrogé sur les différents délits visés par l’enquête. Ouverte notamment pour « détournements de fonds publics » et « corruption active et passive », l’enquête a été élargie en janvier à des soupçons de « financement illégal de campagne électorale ».

Circulation d’espèces

Cet élargissement fait suite à un rapport de l’office anticorruption, daté de septembre, qui pointe une circulation importante d’espèces dans l’entourage du candidat UMP durant la campagne 2007. « Tout le monde venait chercher son enveloppe », a relaté une ex-salariée, d’après ce rapport dont l’AFP a eu connaissance, doutant qu’une distribution aussi massive ait pu se faire sans que Nicolas Sarkozy ait été au courant.

Interrogés, Éric Woerth, trésorier de la campagne et l’un de ses adjoints, Vincent Talvas, ont assuré que l’argent provenait de dons anonymes, une justification contestée par d’autres protagonistes de la campagne.

Les investigations ont aussi mis en lumière plusieurs opérations suspectes, notamment un virement de 500.000 euros perçu par Claude Guéant en mars 2008, en provenance d’une société d’un avocat malaisien. L’ex-secrétaire général de l’Élysée a affirmé qu’il s’agissait du fruit de la vente de deux tableaux, sans convaincre les juges qui l’ont mis en examen notamment pour « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée ».

Les juges s’interrogent également sur la vente suspecte en 2009 d’une villa à Mougins (Alpes-Maritimes) à un fonds libyen géré par Bachir Saleh, ancien argentier de Kadhafi. Ils soupçonnent l’homme d’affaires Alexandre Djouhri d’avoir été derrière plusieurs prête-noms le véritable propriétaire du bien et de l’avoir cédé pour 10 millions d’euros, soit plus du double du prix du marché; une transaction qui aurait pu être effectuée pour dissimuler d’éventuels versements occultes.

L’enquête a connu un rebondissement important en janvier avec l’arrestation à Londres d’Alexandre Djouhri, qui devrait être fixé sur son éventuelle extradition en juillet.

Quant à Bachir Saleh, il a été blessé par balles fin février en Afrique du Sud où il vivait en exil et a depuis quitté ce pays pour des raisons de sécurité, d’après une source proche du dossier. « Mon client a toujours affirmé, qu’à sa connaissance, il n’y avait pas eu de financement et aucun élément ne me laisse penser qu’il a changé de position », a déclaré à l’AFP son avocat, Eric Moutet.

Dans les rangs politiques, à droite le placement en garde à vue de l’ancien président a scandalisé, le patron des Républicains Laurent Wauquiez jugeant la mesure « humiliant(e) et inutile », tandis que l’ex-Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, regrettait « tout ce spectacle ».

La présidente du Front national, Marine Le Pen, a quant à elle mis en doute « la neutralité » du juge d’instruction Serge Tournaire qui pilote les investigations.

Mais, pour Ségolène Royal, candidate malheureuse face à Nicolas Sarkozy en 2007, les citoyens « ont le droit de savoir si le match était à armes égales ».

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