Un camp d’été où les Juifs de couleur « se sentent normaux »
Mettant l’accent sur la pluralité du judaïsme de la diaspora, le camp Be'chol Lashon est très différent de la plupart des colonies juives
BETALUMA, Californie (JTA). Un frais dimanche soir, des campeurs juifs affichant des sourires nerveux montent sur la scène un à un pour réciter des poèmes de leur cru sur le thème de l’identité.
Une fillette improvise sur les allusions des gens sur ses « sourcils broussailleux » et « des cheveux touffus ». Une autre fait des rimes sur la rengaine trop de fois entendue « Tu n’as pas l’air juive ».
Si ce type de performance ne ressemble pas aux représentations typiques des colonies de vacances, c’est parce que Be’chol Lashon a un but très différent que la plupart des colonies juives.
Niché dans les collines brumeuses de Marin County, le camp du nord de la Californie est seul du pays destiné aux Juifs de couleur.
« L’objectif est en partie de faire en sorte que les enfants se sentent normaux dans un contexte juif », déclare Diane Tobin, fondatrice et directrice exécutive de l’organisation-mère du camp, l’association Be’chol Lashon, basée à San Francisco, qui favorise la diversité raciale, ethnique et culturelle dans la vie juive.
Tobin, 61 ans, et son mari, le démographe juif éminent Gary Tobin, ont fondé cette organisation à but non lucratif en 2000, trois ans après avoir adopté un Afro-américain. A sa sixième saison, le camp allie la pratique juive traditionnelle à des activités éducatives qui traitent de la diversité de la vie juive dans le monde entier.
Chaque matin, après des activités sportives plus traditionnelles, les campeurs rassemblent des indices sur le pays où ils « voyageront » ce jour-là avant de passer par la « douane » et se faire tamponner leurs passeports factices. Tout au long de la journée, entre le kayak et la baignade dans l’étang, les campeurs confectionnent des repas et des travaux d’artisanat inspirés des pays qu’ils ont « visités ».
Lors d’une visite du JTA au camp, les campeurs ont passé un après-midi à écrire des poèmes dans une salle d’art décorée d’objets culturels créés de leurs mains, y compris des paniers tissés en provenance du Mexique et des masques à plumes de Colombie. Aaron Levy Samuels, poète juif noir de New York, a pris l’avion spécialement pour diriger l’atelier de poésie.
Samuels, 25 ans, dont le premier recueil de poèmes, « Yarmulkes & Fitted Caps”, a été publié à l’automne dernier par les éditions Write Bloody, raconte qu’à Rhode Island, lui et son frère étaient les deux seuls enfants noirs de la synagogue locale. Fils d’un Africain-américain, Samuels peut facilement s’identifier avec les difficultés des campeurs Be’chol Lashon et aurait souhaité pouvoir participer dans son enfance à une telle aventure.
Maia Campbell, 14 ans, de San Francisco, membre de Be’chol Lashon depuis sa fondation, fait écho.
« C’était vraiment cool parce que dans ma synagogue tout le monde est blanc », dit Campbell, dont la mère est afro-américaine. « Donc, j’ai pu voir qu’il y a d’autres gens comme moi. »
Le camp n’est pas seulement destiné aux Juifs de couleur, comme en témoigne le poème d’une campeuse blanche sur son image de « fille juive ringarde ». C’est en réalité une véritable affaire de famille. Le fils de Tobin, Jonas, est un conseiller junior, et sa fille, Sarah Spencer, est co-directrice du camp.
« Les enfants viennent tous avec des histoires très différentes sur leur identité et ce qu’ils veulent devenir plus tard », déclare Spencer, 38 ans, thérapeute conjugale et familiale, qui est aussi mère de deux enfants biraciaux. « Ici, ils expliquent les uns aux autres qui ils sont et nous les aidons à se sentir bien sur ce qu’ils veulent. »
Savannah Henry, conseillère de 21 ans, dont le père est afro-américain, explique qu’avant avoir pris connaissance par son rabbin de la Congrégation Shir Hadash à Los Gatos, en Californie, de Be’chol Lashon, elle passait des étés pénibles dans des colonies juives traditionnelles.
« J’étais la seule Juive de couleur », dit-elle de son expérience dans un camp d’été juif réformé à Santa Rosa. « Je n’arrivais simplement pas à communiquer facilement avec les autres. »
Quand elle a découvert Be’chol Lashon il y a quatre ans, les perspectives de Henry ont totalement changé.
« Si j’avais été un dans un camp comme celui-là, j’aurais pu parfaitement m’adapter », dit-elle. « Grâce à cela, je suis devenue une Juive plus fière. »
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