Un ex-otage a su ce qui est arrivé à ses proches la veille de sa libération et a tenu grâce à l’amour
Selon son épouse, Sagui ignorait que sa femme et leurs filles étaient en vie. La mère de Sacha Troufanov dit qu'il a reçu une balle dans chaque jambe et que c'est un miracle qu'il marche

Les familles de deux ex-otages de Gaza, libérés ce week-end, ont donné des nouvelles dimanche de leurs proches lors d’une conférence de presse depuis le centre hospitalier Sheba, où ils se trouvent en observation depuis leur retour en Israël.
L’ex-otage Sagui Dekel-Chen a survécu à près de 500 jours de captivité sans rien savoir de ce qui était advenu de ses proches ; c’est l’amour qui lui a permis de tenir, a expliqué son épouse, tandis que la mère de l’ex-otage Sacha Troufanov ont qualifié de « miracle » le fait que son fils marche encore, alors qu’il avait pris des balles dans les deux jambes.
Dekel-Chen et Troufanov ont été enlevés à leur domicile, dans le kibboutz Nir Oz, lors de l’attaque de grande ampleur du 7 octobre 2023 menée par le Hamas dans le sud d’Israël, au cours de laquelle 1 200 personnes ont perdu la vie et 251 personnes ont été prises en otage, ce qui a déclenché la guerre. Ils ont été libérés samedi, en même temps que Iair Horn, lui aussi kidnappé à Nir Oz.
L’épouse de Sagui, Avital Dekel-Chen, a déclaré d’une voix mal assurée que l’amour de sa vie, le père de ses enfants, était enfin rentré à la maison.

Elle a raconté que son mari ne savait pas ce qui était arrivé à ses proches le 7 octobre, et ce jusqu’à la veille de sa libération.
« C’est à ce moment-là qu’il a su que nous étions en vie », a-t-elle dit. « Qu’est-ce qui l’a fait tenir ? L’amour. »

Le jour de l’attaque du Hamas, Avital était enceinte. Avec ses deux petites filles, elle a survécu au massacre de Nir Oz. Sa troisième fille, Shachar Mazal, est née deux mois plus tard et a fêté son premier anniversaire en décembre sans jamais avoir vu son père.
(La mère de Sagui, Neomit, a été prise en otage avec ses voisins à bord d’un véhicule électrique qui a ensuite été pris en chasse depuis le ciel par un hélicoptère de Tsahal, qui a tiré sur les terroristes et le conducteur. Blessée, Neomit est parvenue à retourner au kibboutz, où elle a été secourue puis évacuée.)
Au sujet des longs mois de captivité qu’a endurés Dekel-Chen, 36 ans, Avital a dit ce dimanche : « Je me disais que si quelque chose pouvait permettre de surmonter cela, c’était l’amour et la relation qui nous unit, Sagui et moi. »

Mais malgré la joie qu’elle dit avoir ressentie au moment de sa libération, elle « n’a pas pu s’empêcher de penser à tous ces enfants qui attendent toujours que leur père rentre à la maison ».
« Les enfants qui demandaient : ‘Quand est-ce qu’Abba [papa] va revenir ?’ a expliqué Avital.

Avital a également fait part des réflexions de Sagui sur le nombre de jours de détention, souvent utilisé comme unité de mesure de leur souffrance. Elle a dit que son mari, binational israélo-américain, lui avait fait remarquer que 498 jours, c’est plus de 43 millions de secondes. Les otages, lui a-t-il dit, « ne comptent pas les jours, les heures ou les minutes, ils comptent les secondes en enfer ».
Pour sa part, Yelena Troufanov, elle aussi enlevée par le Hamas avant d’être libérée lors de la trêve de novembre 2023, a remercié ceux qui ont « prié pour son fils ». « J’ai retrouvé mon cœur », a-t-elle dit.

« Un miracle » que Sacha soit debout
Le ressortissant russo-israélien Troufanov, 29 ans, a été pris en otage avec trois autres membres de sa famille – sa grand-mère Irena Tati, sa mère Yelena (Lena) et sa petite amie Sapir Cohen – à leur domicile, dans une communauté frontalière de Gaza. Son père, Vitaly Troufanov, a été tué lors de l’attaque.
Le Hamas a libéré les trois femmes en novembre 2023, dans le cadre d’une trêve d’une semaine.
Troufanov a appelé dimanche à mettre fin à cette cruelle « roulette russe » qui se joue avec la vie des otages et à tous les faire libérer.
Troufanov a parlé avec Mor Korgold, frère de l’otage Tal Shoham, enlevé au kibboutz Beeri le 7 octobre et qui doit normalement être libéré dans le cadre de la première phase de l’accord de cessez-le-feu. Tal a été enlevé avec sa femme, ses deux enfants, sa belle-mère et d’autres proches, libérés en novembre 2023.
Korngold a publié sur Instagram une photo de lui et de Troufanov, disant que tous deux « se sont assis, ont parlé et ont mangé ensemble ». Lorsque Troufanov a appris qu’il était actif sur les réseaux sociaux, « il m’a demandé d’envoyer un message en son nom ».
« Le temps est venu de mettre fin à ce jeu de roulette russe et de sauver tout le monde », a déclaré l’ex-otage, dit le message. « Je remercie tous mes amis et ceux qui se sont battus pour mon retour et je vous demande de continuer à lutter pour que tout le monde revienne. »
Lors de la conférence de presse de ce dimanche, Yelena Troufanov a révélé que Sacha avait été touché aux deux jambes lors de l’attaque du Hamas et que « c’est un miracle qu’il soit debout sur ses deux jambes ».
Yelena a remercié le public pour son soutien, ainsi que la Russie et l’ambassadeur de Moscou en Israël, pour leur aide et leurs efforts pour obtenir la libération de son fils.

Torture et faim
Les trois otages libérés ce week-end ont raconté aux autorités israéliennes les difficiles conditions de leur captivité, le constant manque de nourriture et d’eau, les aliments parfois impropres à la consommation humaine qu’ils ont dû manger ou l’eau de mer qu’ils ont parfois bue, a indiqué la radio Kan.
Selon la même source, ils n’avaient en outre aucune information sur ce qui se passait à l’extérieur.
Troufanov, qui a été détenu seul, est resté longuement enchaîné dans un tunnel sombre : il a parfois pensé qu’il ne survivrait pas, a poursuivi Kan, sans citer de sources.
Horn a dit avoir été séquestré dans un tunnel très étroit et bas de plafond. A un moment de sa captivité, il a vu son frère Eitan, lui aussi otage, mais leurs gardiens ne leur ont permis d’échanger que quelques mots, a expliqué la chaîne N12.
Des signes de vie
L’ex-otage Dekel-Chen aurait fait part de signes de vie de trois autres otages toujours détenus dans la bande de Gaza. Les familles concernées ont reçu l’information et décideront se elles souhaitent ou non la rendre publique, ont rapporté la chaîne N12 et le site d’information Ynet, ce dernier citant la tante de Dekel-Chen, Galit Fisch.
Depuis que les otages ont commencé à être libérés de Gaza, le mois dernier, dans le cadre de la première étape d’un accord de cessez-le-feu avec le Hamas, ils ont donné des informations sur d’autres personnes enlevées qu’ils ont pu voir en captivité. Certaines de ces informations remontent à plusieurs mois, mais celles fournies par Dekel-Chen dateraient du moment de sa libération.

Dekel-Chen a été détenu sur une longue durée avec quatre autres personnes, dont Horn, a indiqué la chaîne N12, sans citer de sources. Les cinq otages se trouvaient encore ensemble quelques jours avant que Dekel-Chen et Horn ne soient libérés, selon N12.
Troufanov a été détenu par le groupe terroriste du Jihad islamique palestinien dans un autre lieu.
Dekel-Chen a donné des informations sur les trois autres personnes avec lesquelles il a été gardé en captivité. On ignore si ces otages seront libérés dans le cadre de la première étape du cessez-le-feu en trois phases, ou si leur libération aura lieu lors d’une étape ultérieure, a noté le reportage télévisé. On ignore également s’il a pu donner d’autres informations sur les otages.
Les familles des trois otages ont choisi de ne pas rendre publiques les informations qui leur ont été données, a déclaré la chaîne, et de les garder pour elles pour l’instant.
Selon Kan, Horn et Dekel-Chen ont dit que les trois autres otages ont été maltraités physiquement et mentalement. Leurs gardes du Hamas et du Jihad islamique les considéraient comme des soldats de Tsahal et les interrogeaient sur leur passé dans l’armée tout en leur faisant subir de graves violences physiques.

La chaîne N12 a précisé qu’un ex-otage, libéré bien avant, avait fait de sinistres confidences au sujet de l’otage Elkana Bohbot. Il serait blessé et détenu dans un tunnel plein de moisissures à une trentaine de mètres sous terre, où il est difficile de respirer – une situation aggravée par l’asthme de l’otage.
Par l’intermédiaire d’un ex-otage, Bohbot a fait passer un message à sa femme et à son fils, pour qu’ils écoutent chaque jour la chanson « Lo’Chemet » [Combattant] pour garder de la force, a rapporté la chaîne. Il aurait par ailleurs dit qu’il tentait de garder un mode de vie orthodoxe en captivité, en disant le Kiddouch le vendredi soir et en jeûnant pour Yom Kippour.
Des terroristes auraient également menacé de le tuer, lui et d’autres personnes détenues avec lui, si l’armée israélienne tentait de leur porter secours. Les otages pouvaient regarder la chaîne Al-Jazeera une fois par semaine et lors d’un reportage, Bohbot a vu sa propre photo, Place des Otages à Tel Aviv, point de ralliement du mouvement de soutien aux otages. Voir sa photo sur cette place lui aurait redonné de la force.
Kan a indiqué qu’avec la libération des otages de ce week-end, sont parvenues de nouvelles informations, plus récentes, au sujet de l’otage Nimrod Cohen, enlevé à Nahal Oz, sans plus de détails.
La semaine dernière, 12 familles d’otages ont déclaré avoir reçu des signes de vie concernant leurs proches suite à la libération de trois otages le week-end précédent.
La chaîne N12 a par ailleurs fait savoir que Dekel-Chen n’avait volontairement pas tenté d’obtenir d’informations sur le monde extérieur lors de sa captivité, de crainte que ce ne soit trop bouleversant.
Sur les 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre, soixante-dix sont toujours à Gaza, dont les corps d’au moins 35 otages dont la mort a été confirmée par l’armée israélienne.
Le Hamas a jusqu’à présent libéré 24 otages – civils, soldats et ressortissants thaïlandais – dans le cadre d’un cessez-le-feu débuté en janvier dernier. Le groupe terroriste avait déjà libéré 105 civils à la faveur d’une trêve d’une semaine, fin novembre 2023, et quatre otages avaient été libérés avant cela.

Huit otages vivants ont été secourus par des soldats, auxquels s’ajoutent les corps de 40 otages retrouvés – trois d’entre eux tués par erreur par l’armée israélienne alors qu’ils tentaient d’échapper à leurs ravisseurs.
Le Hamas détient également deux civils israéliens entrés de leur plein gré dans la bande de Gaza, respectivement en 2014 et 2015, ainsi que le corps d’un soldat de Tsahal tué en 2014. Le corps d’un autre soldat de Tsahal, également tué en 2014, a été retrouvé à Gaza en janvier dernier.