Un important neurochirurgien a quitté Israël car le pays « devient antidémocratique »
Zion Zibly déclare que de plus en plus de soignants chevronnés l'ont contacté pour s'expatrier, alors que la refonte judiciaire du gouvernement crée un fossé dans la société
L’un des plus grands spécialistes israéliens du cerveau a déclaré qu’il avait décidé de quitter le pays au début de l’année en raison des profondes divisions sociétales causées, selon lui, par les actions du gouvernement « extrémiste » actuellement au pouvoir, qu’il estime irréparables, tout en ajoutant que d’autres médecins chevronnés l’ont contacté, désireux de suivre ses traces.
Zion Zibly, qui dirigeait auparavant le service de neurologie de l’hôpital Tel Hashomer (9e hôpital du monde), s’est installé il y a deux mois aux États-Unis, où il a pris un poste à la faculté de médecine de Yale, dans le Connecticut.
Dans une interview accordée lundi à la chaîne publique Kan, Zibly a déclaré qu’il craignait de laisser ses enfants grandir dans un Israël qui, selon lui, devient de plus en plus anti-démocratique. Ces remarques interviennent alors que des milliers de médecins auraient exprimé le souhait de s’installer à l’étranger en raison des efforts déployés par le gouvernement pour restreindre le pouvoir judiciaire.
Zibly a déclaré qu’il avait déjà, par le passé, reçu plusieurs offres de mutation à l’étranger, mais qu’il les avait toujours refusées. Toutefois, lorsque le doyen de la faculté de médecine de Yale l’a approché au début de l’année, sa volonté de rester dans son pays avait suffisamment faibli pour qu’il accepte l’offre.
Il s’inquiète, dit-il, de « tout ce qui se passe sur le plan judiciaire, dans la société et dans l’économie ».
« Je ne peux pas laisser mes filles vivre dans un tel endroit », a déclaré Zibly à propos d’Israël. « Elles ont grandi dans un pays aux valeurs démocratiques juives qui devient antidémocratique et de plus en plus juif – non pas dans le sens de ma judéité, mais d’une manière qui me dicte ce que c’est qu’être juif. »
« Si l’on regarde la Knesset en général et les personnes qui ont été choisies pour siéger au Parlement, on se dit : « Un instant, que représentent-ils ? Ils ne représentent que l’extrémisme, la haine et des valeurs antidémocratiques, et personne n’a envie de se trouver dans un tel endroit ».
La coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu comprend son parti de droite, le Likud, deux partis ultra-orthodoxes et les partis d’extrême droite, HaTzionout HaDatit et Otzma Yehudit.
« Ce n’est pas seulement lié à la refonte », a souligné Zibly. « Je vois la déchirure qu’il y a [dans la société], et c’est une déchirure – on ne peut pas l’appeler autrement – qui, à mon avis, ne sera pas guérie.
À la question de savoir s’il aurait quand même quitté le pays si le gouvernement actuel n’était pas au pouvoir, il a répondu : « Non, je ne pense pas. Je ne prendrais pas toutes mes affaires et je ne déracinerais pas ma famille d’un endroit qu’elle aime pour l’emmener dans un endroit dont je ne suis pas sûr qu’elle aimera ».
Zibly n’a pas fixé de date limite pour son retour et admet que son expatriation pourrait être permanente. Kan n’a pas précisé quand l’offre de Yale lui a été présentée ni quand il a décidé de l’accepter.
Il a indiqué qu’il avait de nombreux amis – « plus de dix » – occupant des postes médicaux israéliens de haut niveau qui l’ont contacté pour lui demander de les aider à quitter le pays également, et il a fait remarquer que chaque départ d’un chef de service est un coup dur pour l’ensemble du service.
Il a ajouté qu’il y a des spécialistes qu’il a envoyés aux États-Unis pour acquérir de l’expérience, mais qui refusent maintenant de revenir.
Le ministre de la Santé, Moshe Arbel (Shas), a exprimé mardi son inquiétude face au phénomène des médecins qui cherchent à quitter le pays, indiquant lors d’une conférence sur la santé qu’il était « profondément troublé par ces sentiments de citoyens qui ne considèrent pas Israël comme une patrie ».
« Je ne suis pas prêt à renoncer à l’un d’entre eux », a-t-il déclaré, ajoutant que les médecins sont « des partenaires dans le succès du système de santé israélien, et je ne déprécie pas ceux qui ne considèrent pas Israël comme une patrie ».
Arbel a demandé que les congés d’été de la Knesset soient utilisés pour le dialogue entre les partis de la coalition et de l’opposition afin de parvenir à un accord sur la refonte judiciaire.
« En fin de compte, nous sommes un peuple fraternel. Nous n’avons pas le luxe de nous déchirer », a-t-il déclaré.
Selon la Douzième chaîne, le directeur général du ministère de la Santé, Moshe Bar Siman Tov, prépare un rapport qui indiquera le nombre de médecins qui prévoient de quitter Israël ou qui ont décidé de ne pas revenir après des stages à l’étranger.
Il demande aux hôpitaux d’enquêter pour savoir si les médecins envisagent sérieusement l’une ou l’autre option et de lui en faire part.
Les négociations précédentes, organisées au début de l’année par le président Isaac Herzog, n’ont pas abouti à un accord, et le chef de l’opposition, Yair Lapid, a exigé un gel de 18 mois de la législation sur la réforme comme condition préalable au renouvellement de ces négociations. La coalition a rejeté cette demande.
Le plus grand syndicat de médecins du pays devait tenir une réunion spéciale mardi sur le sujet de la délocalisation, a rapporté le site d’information Ynet.
Un groupe WhatsApp, destiné aux médecins cherchant des conseils pour s’installer à l’étranger, a été ouvert après que la Knesset a adopté la semaine dernière une loi visant à limiter le contrôle du gouvernement par les tribunaux.
Certains ont commencé à recevoir des offres lucratives pour s’installer aux Émirats arabes unis, a rapporté la Douzième chaîne lundi.
La semaine dernière, le directeur général du ministère de la santé, Moshe Bar Siman-Tov, a tenu une réunion d’urgence avec les médecins, les exhortant à ne pas « abandonner » le système de santé public israélien.
L’Association médicale israélienne (IMA) a organisé une grève d’une journée la semaine dernière, laissant les établissements de santé publique avec un personnel réduit, en réponse à l’adoption de la loi qui a mis fin à la capacité des tribunaux d’annuler les décisions du cabinet et des ministres sur la base de leur « caractère raisonnable ». Un tribunal du travail a ordonné aux soignants de reprendre le travail plus tard dans la journée.
Les professionnels de la santé publique ont prévenu que les propositions de refonte judiciaire du gouvernement auraient des conséquences négatives sur leur profession.
Outre l’agitation suscitée par les politiques judiciaires du gouvernement, l’Organisation internationale de coopération et de développement économiques a prévenu qu’Israël était confronté à une pénurie imminente de médecins.
En juin, l’organisation a mis en garde contre une pénurie de médecins dès 2025, soulignant qu’Israël ne disposait pas d’un système adéquat pour gérer la main-d’œuvre dans le secteur médical. Le rapport demandait également à Israël d’augmenter le nombre d’étudiants en médecine et d’accréditer une nouvelle école de médecine.
Alors que le gouvernement et ses partisans affirment que la refonte judiciaire est nécessaire pour contrôler ce qu’ils considèrent comme un système judiciaire excessif, les opposants affirment que le plan entravera la capacité des tribunaux à agir comme un contrôle et un équilibre face à la Knesset, érodant dangereusement le caractère démocratique d’Israël. Depuis des mois, des manifestations de masse sont organisées pour protester contre le projet de refonte.