Un professeur d’études israéliennes de Berkeley organise un sit-in pour ses étudiants juifs
Ron Hassner a dit à ses élèves qu'il ne quitterait pas son bureau tant que l'école n'aurait pas pris des mesures pour les protéger face aux manifestations anti-israéliennes liées à la guerre à Gaza

Ron Hassner dort sur un matelas à même le sol. Il a dit à ses étudiants qu’il donnerait ses cours sur Zoom. Et de bonnes âmes passent lui apporter de quoi manger.
Tout cela parce que Hassner, président des études israéliennes à l’Université de Californie à Berkeley, a annoncé qu’il ne quitterait plus son bureau tant que l’école n’aurait pas fait ce qu’il estime nécessaire pour la sécurité des étudiants face aux intenses manifestations contre la guerre entre Israël et le Hamas.
Son sit-in renverse le scénario des manifestations à Berkeley, depuis 70 ans le théâtre d’actions politiques radicales, presque toujours à l’initiative des étudiants.
Les administrateurs de l’université se sont entretenus avec Hassner depuis qu’il a commencé de manifester, vendredi, mais il affirme qu’il restera dans son bureau pendant un certain temps, des semaines s’il le faut – et ce n’est pas un problème pour lui.
« C’est l’endroit où les gens viennent faire une pause, où étudiants et professeurs juifs viennent discuter et déjeuner ensemble, me tenir compagnie et m’encourager, parce que je sens encore bon », déclarait Hassner à la Jewish Telegraphic Agency ce vendredi. Ce qui lui manque le plus, dit-il, c’est la douche : « Ça va très vite se dégrader. »
L’humour de Hassner est aux antipodes de sa très sérieuse détermination à ce que Berkeley prenne des mesures rapides « pour prévenir les violences entre étudiants ».
Le mois dernier, une foule violente d’activistes pro-palestiniens a interrompu la conférence sur le campus du réserviste de l’armée israélienne Ran Bar-Yoshafat, brisé des vitres et attaqué des étudiants. Cet incident a déclenché une enquête fédérale sur les droits civils, et Berkeley a déclaré que l’école menait l’enquête pour crime de haine.
Par ailleurs, lundi, des centaines d’étudiants – juifs et autres – se sont confrontés pacifiquement à des manifestants pro-palestiniens à Sather Gate, sur le campus.

Sather Gate, emblématique point de rencontre et de manifestation du mouvement pour la liberté d’expression de Berkeley dans les années 1960, a été le théâtre de manifestations pro-palestiniennes pendant des semaines. Selon des informations locales, des étudiants postés à la porte ont harcelé des passants avec de prétendus enregistrements audio des frappes aériennes israéliennes à Gaza et filmé des étudiants juifs sans leur permission.
« Cela fait beaucoup trop longtemps que, pour gérer les conflits liés au Moyen-Orient sur le campus, l’administration compte sur la retenue et le bon comportement des étudiants juifs », expliquent les organisateurs juifs et pro-israéliens de « Liberate the Gate » dans un communiqué. « Nous ne tolérerons plus cette façon de faire. »
Le rassemblement a reçu le soutien du Conseil local des relations avec la communauté juive, qui a fait appel à des services de sécurité privés.
Mais Hassner, dont les recherches portent sur la religion et la guerre, craint que de telles confrontations ne fassent du campus une véritable bombe à retardement. Farouchement pro-Israël et en colère contre son université dont il estime qu’elle n’a pris aucune mesure contre les manifestants de la porte, il milite en faveur du rétablissement de la civilité sur le campus depuis le massacre du 7 octobre mené par le Hamas qui a tué 1 200 personnes et fait 253 otages. Même si Hassner avait pensé que la contre-manifestation était une bonne idée – ce qui n’est pas le cas -, il n’aurait pas pu y participer en raison de son sit-in.

« Ils ont dit leur intention de défiler sur le campus. Je suis très inquiet à l’idée que cela donne lieu à une confrontation à la porte », confiait Hassner à propos des étudiants juifs avant la contre-manifestation. « Et je crains vivement que les étudiants n’en viennent aux mains. »
Les organisateurs se sont dits bien décidés à rester pacifiques et s’être mis en contact avec le service de sécurité du campus pour éviter toute confrontation directe et violente. Ils ont également organisé une formation à la non-violence avant cette marche.
« Les étudiants juifs du campus sont profondément engagés dans une marche pacifique et non violente », ont déclaré à la JTA les étudiants diplômés Daniel Solomon et Hannah Schlacter dans un communiqué publié avant la manifestation.
« Le JCRC partage les préoccupations des étudiants et des professeurs de Cal qui estiment que l’université n’en fait pas assez pour défendre la vie juive sur le campus », a déclaré un porte-parole de l’organisation à la JTA.
Hassner estime que sa propre manifestation pourrait bien donner davantage de résultats. Il attend trois choses de la part de l’administration : que Sather Gate soit débarrassé des manifestants, une lettre d’excuses et une nouvelle invitation à l’attention de Bar-Yoshafat ou de toute autre personne « réduite au silence ou agressée » et enfin une formation obligatoire à l’identification de l’antisémitisme et de l’islamophobie pour tous les étudiants « avec des responsabilités de supervision », comme par exemple les conseillers résidents.
« Ils sont nombreux, sur ce campus, à ne pas saisir les liens complexes entre anti-Israël et antisémitisme », explique-t-il.

Les recherches sur l’efficacité des manifestations – qui concluent fréquemment que les manifestations non violentes sont de loin plus efficaces que la violence – plaident en faveur de l’approche de Hassner.
Le psychologue social Eric Schuman était chercheur à l’Université hébraïque de Jérusalem, en 2020, lorsqu’il a découvert que les manifestations « non violentes et non normatives » – correspondant à des tactiques perturbatrices mais non violentes comme les grèves, les boycotts ou les sit-in – « pouvaient être un moyen efficace de faire changer l’ordre des choses dans la société dans la mesure où elles sont suffisamment perturbatrices pour exercer une pression en faveur d’un changement politique tout en amenant les personnes à considérer les manifestants comme constructifs ».
Il reste à voir si l’université pourra répondre rapidement aux demandes de Hassner.
Le porte-parole a déclaré à la JTA que l’université avait été en contact avec les manifestants pro-palestiniens qui se trouvent habituellement à Sather Gate, ainsi qu’avec les organisateurs de la contre-manifestation juive. Il a ajouté que l’université souhaitait mettre un terme aux « activités de la manifestation non-violente de Sather Gate » qui contreviennent à son règlement, tout en rejetant les appels à expulser de force les manifestants : « L’usage de la force face à ce type de contravention au règlement donne fréquemment lieu à des troubles et parfois même à une escalade, au détriment de tout le monde ».

Le porte-parole a ajouté que l’école souhaitait faire face aux « tensions croissantes sur le campus » grâce au « dialogue ».
Dans une déclaration actualisée ce dimanche, le porte-parole de l’université a évoqué le sit-in de Hassner.
« S’agissant de la protestation du professeur Hassner, nous souhaitons dire que l’université est déterminée à garantir un environnement propice à la liberté d’expression, dans lequel tous les membres de la communauté peuvent prendre part à la vie du campus sans crainte de harcèlement », a déclaré le porte-parole. « L’administration lutte contre l’antisémitisme et tient le professeur Hassner en haute estime : elle est en contact avec lui au sujet de ses préoccupations. »
Pour l’heure, M. Hassner assure que son bureau est plein de bonnes vibrations grâce aux étudiants qui passent le voir. Il annonce qu’il gardera la lumière allumée toute la nuit, à la manière d’un phare pour les étudiants juifs du campus, pour leur faire savoir « que cela compte pour moi ».
En dépit de ses doutes et de ses inquiétudes sur la façon dont Berkeley gère la crise, Hassner rappelle que l’école reste l’endroit idéal pour les étudiants juifs. Le programme d’études israéliennes est l’un des mieux financés du pays, rappelle-t-il, et il y a à la fois des restaurants casher et un musée juif sur le campus.
« Mais parfois, conclut-il, des choses terribles se produisent. »
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