Yad Vashem décerne le titre de « Juste parmi les nations » à trois Français
Le mémorial les a distingués à titre posthume pour avoir sauvé des Juifs pendant la guerre au péril de leurs vies
Le cardinal Eugène Tisserant, le recteur Monseigneur André Bouquin et le diplomate français François De Vial ont été distingués à titre posthume Justes parmi les nations, a annoncé ce jeudi le musée-mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem, dans un communiqué.
Une cérémonie en leur honneur doit avoir lieu prochainement.
Au 1er janvier 2021, 27 921 personnes de 51 pays ont reçu cette distinction pour leur protection apportée à des Juifs pendant la Shoah. La Pologne, les Pays-Bas et la France sont les pays qui comptent le plus de médaillés.
Le cardinal Eugène Tisserant a aidé des Juifs avant même le début de la Seconde Guerre mondiale. En 1939, en raison des lois raciales promulguées en Italie, un certain Guido Mendes a été licencié de son poste de directeur d’un hôpital juif à Rome. Tisserant a alors décerné à Mendes une médaille d’honneur de la Congrégation des Églises orientales, un geste allant à l’encontre des positions officielles. Il a ensuite œuvré à ce que la famille Mendes obtienne des certificats lui permettant d’immigrer.
Tisserant a également correspondu avec le cardinal Maglione, secrétaire d’État du Vatican, pour tenter d’obtenir un visa brésilien pour le rabbin Dr. Nathan Cassuto. Il a aussi aidé un certain Giorgio Levi Della Vida à déménager aux États-Unis, où il est devenu professeur à l’Université de Pennsylvanie. Il a aussi aidé le professeur Aron Friedman à trouver un emploi aux États-Unis en 1938. En 1939, Tisserant a exprimé au Dr. Jacob Hess sa solidarité contre les « persécutions injustes » contre les Juifs.
Cesare Verona, vendeur de machines à écrire Remington dans le nord de l’Italie, a rencontré le cardinal Tisserant lors d’un voyage d’affaires aux États-Unis dans les années 1930. Verona était marié à Eugénie Crémieux, et le couple a eu trois fils, Giorgio, Rino et Luciano, et une fille, Elena. Elena était mariée à un certain M. Bernstein et ils avaient une fille, Vera Egnuss. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Verona a demandé l’aide de Tisserant, qui a caché la famille dans sa résidence privée avec une autre famille juive du nom de Letzt. Selon le témoignage de Vera, sa grand-mère Eugénie aurait également été cachée dans un monastère du Vatican à l’initiative de Tisserant. Cesare Verona a remercié le cardinal dans une lettre après la guerre, notant que son aide était « venue du ciel ».
Le cardinal Tisserant a également aidé à sauver un certain Miron Lerner. Né en 1927 à Paris d’immigrants juifs originaires d’Odessa, Lerner et sa sœur aînée Rivka sont devenus orphelins en 1937. Rivka a tenté de le transférer de son orphelinat à Paris vers celui de Moissac dans le sud de la Zone libre en 1941. Les Lerner sont finalement allés en Italie, à Rome, où Miron a rencontré le père Pierre-Marie Benoît et d’autres militants de la Delasem, une organisation de secours juive, basée au monastère des Capucins. Le père Pierre-Marie Benoît a aidé Lerner jusqu’à ce que l’homme de foi soit repéré et s’échappe de Rome. Lerner a déménagé au monastère des Capucins, où le père Didier a écrit à Tisserant au sujet du sort de l’adolescent. Tisserant et Lerner se sont ensuite rencontrés au Vatican. Lorsque Lerner a expliqué à Tisserant qu’il était Juif, Tisserant lui a répondu que « cela n’avait pas d’importance » et lui a demandé ce qu’il pouvait faire pour lui. Il a ensuite demandé à l’abbé Guékiére de protéger Lerner, et l’abbé l’a alors emmené à l’église Saint-Louis de Français à proximité du Vatican – mais où lui apporter une assistance n’était pas possible. Guékiére a ensuite conduit le réfugié vers François De Vial. De Vial était le secrétaire de l’ambassadeur français au Vatican et était autorisé à voyager librement à Rome. De Vial a abrité Lerner chez lui pendant deux ou trois jours jusqu’à ce que Guékiére puisse le récupérer et le retourne vers Tisserant.
Le cardinal Tisserant a ensuite conduit Lerner, caché au sol de sa voiture aux pieds de Tisserant, dans un petit monastère du Vatican. Un mois plus tard, début 1944, le cardinal et le réfugié juif se sont rendus dans un couvent près de l’église Saint-Louis de Français. Le recteur Monseigneur André Bouquin, en charge du monastère, a recueilli Lerner, qui y est resté – très probablement dans une auberge pour pèlerins attenante à l’église – jusqu’après la libération de Rome à l’été 1944. Lerner a expliqué plus tard que l’homme de foi n’avait pas forcé pour qu’il se convertisse, mais que les nonnes avaient été « insupportables ».
Après la libération, Miron Lerner est resté à Rome pendant un certain temps, puis est retourné à Paris, où il a retrouvé sa sœur Rivka. Lerner a écrit en 1998 sur les actes héroïques d’Eugène Tisserant, et comment il a sauvé la vie de nombreux Juifs, dont lui-même, pendant la Shoah.