Yémen : pourquoi les Houthis ne sont pas une cible facile pour les Etats-Unis
Pour Maged Al-Madhaji, le seul moyen de les affaiblir significativement est de les priver de leur accès à la mer Rouge, principale porte d'entrée des armes et des financements

Après avoir combattu pendant des années dans les montagnes arides du Yémen et survécu à des milliers de frappes aériennes, les terroristes houthis pro-Iran ne sont pas une cible facile pour l’armée américaine, estiment des experts.
« La capacité des Houthis à résister tient au fait que leurs armes sont dispersées à travers les terrains montagneux du Yémen, compliquant les efforts de ciblage », écrit Alex Plitsas sur le site du groupe de réflexion du Atlantic Council.
Venus du nord du Yémen, ils se sont emparés de vastes pans de territoire et devenus une organisation armée puissante grâce à un soutien étranger, notamment de l’Iran et du groupe terroriste du Hezbollah libanais, selon un rapport de l’ONU publié fin 2024.
Depuis l’intervention en 2015 de la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite appuyant le gouvernement yéménite, incluant aussi les Emirats arabes unis, les Houthis ont été la cible de plus de 25 000 raids aériens, souligne Elisabeth Kendall, directrice du Girton College à l’Université de Cambridge.
20 fois le Liban
Issu de la minorité zaïdite, une branche de l’islam chiite, les Houthis avaient poussé l’Arabie saoudite à engager des négociations avant le début de la guerre à Gaza le 7 octobre 2023, qui a mis fin au processus.
L’an passé, ils ont été ciblés par des frappes américaines, britanniques et israéliennes.
Les opérations américaines visent à neutraliser les menaces des Houthis en mer Rouge, une zone maritime essentielle pour le commerce mondial.
Ils disent viser les navires liés à Israël en solidarité avec les Palestiniens, dans le contexte de la guerre à Gaza, déclenchée par le pogrom mené par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023.
Washington a intensifié la pression sur l’Iran et ses alliés, en imposant des sanctions aux chefs des Houthis et en désignant le groupe comme organisation terroriste.
Mais il sera difficile de détruire un mouvement qui contrôle un territoire représentant environ vingt fois la taille du Liban et 500 fois celle de Gaza, poursuit Mme Kendall.
Si les opérations de renseignement ont contribué à affaiblir le Hamas et le Hezbollah, deux autres alliés de l’Iran, les Houthis n’étaient pas prioritaires en termes de collection d’informations, souligne Fabian Hinz, de l’Institut international d’études stratégiques (IISS), basé à Londres.
La lutte contre le Hezbollah et le Hamas a impliqué une offensive terrestre israélienne et un renseignement approfondi, dit M. Hinz. « Cela ne va pas arriver au Yémen. Les Américains n’enverront pas de troupes au sol », ajoute-t-il.
Selon Fabian Hinz, Téhéran a joué un rôle clé dans le renforcement des capacités militaires des Houthis, qui disposent de missiles balistiques et de croisière avec des portées jusqu’à 2 000 kilomètres, et des drones pouvant aller encore plus loin. Si leurs attaques sont souvent contrées, « il y a toujours une possibilité » qu’une attaque touche sa cible, prévient-il.
S’ils ne font pas le poids face à la puissance militaire américaine, ils « peuvent tirer profit de la nature asymétrique du conflit », souligne Mme Kendall.
Et selon le rapport de l’ONU, les Houthis ont mené un vaste projet de recrutement, passant d’une force de 220 000 hommes en 2022 à 350 000 à la mi-2024.
« Le simple fait de continuer à lancer des missiles et des drones en mer Rouge, aussi primitifs soient-ils, perturbera le commerce maritime mondial et la liberté de navigation », dit-elle.
Pour Maged Al-Madhaji, cofondateur du Sanaa Centre for Strategic Studies, le seul moyen de les affaiblir significativement est de les priver de leur accès à la mer Rouge, principale porte d’entrée des armes et des financements.
Une campagne aérienne à elle seule « ne sera pas une menace existentielle pour les Houthis », estime-t-il.