Israël en guerre - Jour 431

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Des terroristes palestiniens célébrant l'explosion d'un avion de ligne Boac détourné vers Dawson's Field, une piste d'atterrissage située dans le désert au nord d'Amman, en Jordanie, le 14 septembre 1970. (Crédit : AP Photo)
Des terroristes palestiniens célébrant l'explosion d'un avion de ligne Boac détourné vers Dawson's Field, une piste d'atterrissage située dans le désert au nord d'Amman, en Jordanie, le 14 septembre 1970. (Crédit : AP Photo)

6 survivants du Septembre noir de 1970 témoignent de leur vie après la captivité

Alors que le Hamas retient encore 97 otages enlevés le 7 octobre, la commémoration du détournement de quatre avions par le FPLP, le 6 septembre, ouvre de nouvelles blessures

Qu’est-ce qu’une prise d’otages datant de plus de cinquante ans peut nous apprendre sur l’épreuve actuelle des otages de Gaza ? Six survivants de l’un des détournements d’avion du « Septembre noir » perpétré par le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) en septembre 1970 se sont entretenus avec le Times of Israel au cours des derniers mois au sujet de leur expérience en tant qu’otages aux mains de terroristes.

Ces six survivants se trouvaient à bord du vol TWA 741 en provenance de Lod et à destination de l’aéroport John F. Kennedy le 6 septembre 1970, lorsqu’il a été détourné après une escale à Francfort. Il s’agissait de l’un des quatre avions détournés par le FPLP entre le 6 et le 9 septembre.

Les témoignages des survivants du détournement mettent en lumière les séquelles potentielles de la captivité, alors que le groupe terroriste palestinien du Hamas détient toujours 97 des 251 otages enlevés lors du pogrom du 7 octobre perpétré dans le sud d’Israël, au cours duquel près de 1 200 personnes ont été sauvagement assassinées. Israël a confirmé la mort d’au moins 33 des otages encore retenus à Gaza.

Jerry Berkowitz, 84 ans, habitant de Buffalo (New York), s’est souvenu que des décennies après le détournement de leur avion, son épouse Rivke souffrait de crises de panique les rares fois où ils prenaient l’avion.

« Nous revenions de l’enterrement de mon père, dans un avion sur le point de décoller de La Guardia, et ma femme était figée, le doigt pointé vers la porte de l’avion qui était ouverte », a raconté Berkowitz.

« Je voulais savoir ce qu’elle pouvait bien regarder. Il était clair qu’elle ne voyait pas le tarmac, mais le désert jordanien où notre avion détourné a atterri. »

Le Dr. Gerald Berkowitz retrouvant son épouse Ruth et sa fille Talia après son arrivée à l’aéroport Kennedy de New York, le 30 septembre 1970. (Crédit : Dave Pickoff/AP)

Rivke, décédée il y a huit ans, était enceinte au moment du détournement et voyageait avec sa fille Talia, âgée de deux ans. Vers la fin de sa vie, Rivke s’est efforcée de rester à l’écart des aéroports, bien que dans sa vie professionnelle et familiale, elle était tout à fait apte, a déclaré Berkowitz.

Trois des avions détournés, transportant un peu plus de 300 passagers, ont atterri de force à Zarqa, en Jordanie, au Dawson Field, un terrain utilisé comme piste d’atterrissage de fortune en raison de sa surface plane en terre battue et de sa forme triangulaire.

Dawson Field a été rebaptisé « Revolution Airport » par le FPLP.

Le FPLP a tenté d’utiliser les otages comme monnaie d’échange pour faire pression sur Israël, l’Allemagne, la Suisse et l’Angleterre afin qu’ils libèrent les terroristes palestiniens incarcérés. Ils ont prévenu qu’à l’issue d’un délai de 72 heures, les otages seraient assassinés.

La plupart des otages – Allemands, Suisses, Britanniques, Néerlandais et Américains, ainsi que certains des 78 Américains juifs – ont été libérés au cours de la première semaine, et 107 femmes et enfants non-juifs ont été libérés après le premier jour.

De tous les captifs, seuls trois – une femme nommée Nava Goren et ses deux jeunes enfants – étaient Israéliens. Quatorze autres avaient la double nationalité israélo-américaine, dont deux seulement étaient adultes. Les terroristes ont recherché et isolé les Juifs, les gardant en captivité plus longtemps que les non-Juifs ayant un profil d’âge et de sexe similaire.

Cinquante-six captifs – juifs, fonctionnaires gouvernementaux et militaires et membres de l’équipage de l’avion – ont été retenus pendant trois semaines.

Le FPLP a par la suite, demandé la libération de 56 terroristes palestiniens, algériens et libanais.

L’Allemagne et la Suisse ont cédé à leurs exigences et ont libéré six terroristes. La Grande-Bretagne a violé un accord d’extradition avec Israël et libéré la terroriste Leila Khaled.

Les États-Unis et Israël ont refusé les demandes du FPLP.

Reconnaître les traumatismes

Il est difficile d’établir un parallèle entre les otages du Hamas du 7 octobre et les survivants du Septembre noir.

Un enfant assis sur les genoux de sa mère sous un portrait du roi Hussein de Jordanie, alors qu’ils attendent, avec d’autres passagers libérés de deux avions détournés par des terroristes palestiniens, dans le hall de l’hôtel Intercontinental d’Amman, le 10 septembre 1970. (Crédit : Michel Laurent/Ap)

Toutes les personnes interrogées ont clairement indiqué que leur propre expérience de la captivité n’avait rien à voir avec les horreurs de la crise des otages orchestrée par le Hamas.

« Je ne dis pas que [les terroristes du FPLP] étaient gentils, mais ils n’ont pas fait de mal physiquement », a déclaré Fran (Foozie) Chesler, qui vit à Petah Tikva. « Ce n’était pas la dépravation que l’on voit aujourd’hui. On massacre des bébés, des femmes enceintes. »

Les otages du Septembre noir n’ont pas été détenus par le FPLP plus de trois semaines, soit moins que les 50 jours endurés par les captifs du Hamas libérés en novembre dernier – une fraction du temps passé par les otages toujours détenus à Gaza.

Par ailleurs, les terroristes du FPLP n’étaient pas motivés par le fondamentalisme islamique comme le Hamas. Nombre d’entre eux se considéraient comme des marxistes-léninistes laïcs alignés sur d’autres groupes terroristes de gauche – et meurtriers – tels que les Brigades rouges italiennes, le groupe allemand Baader-Meinhof, l’Armée rouge japonaise et le groupe séparatiste basque espagnol ETA (Euskadi Ta Askatasuna ou Patrie et liberté basques).

La terroriste palestinienne Leila Khaled, dans un camp de réfugiés palestiniens, en novembre 1970. (Crédit : Harry Koundakjian/AP)

De nombreux terroristes du FPLP étaient des femmes.

Cela pourrait expliquer pourquoi aucun des quelque 300 otages détenus par le FPLP n’a été violé, alors que les terroristes du Hamas ont perpétré des agressions sexuelles sur des femmes comme sur des hommes pendant et après son assaut barbare et sadique du 7 octobre, et que beaucoup craignent que de telles agressions ne se poursuivent contre les otages encore en captivité.

Et tandis que le FPLP recourra plus tard au meurtre – y compris aux attentats suicides – pour faire avancer son projet appelant à la destruction d’Israël, aucun des otages des détournements du Septembre noir n’a été tué.

Parallèlement, dans les années 1970, le diagnostic et le traitement des traumatismes étaient peu connus. Ce n’est qu’en 1980 que le syndrome de stress post-traumatique (TSPT) est apparu dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM). Par conséquent, de nombreux survivants des détournements d’avion du Septembre septembre n’ont pas reçu de traitement psychologique adéquat.

Les débris des vols Swissair, TWA et BOAC détournés les 6 et 9 septembre 1970 par des terroristes du Front populaire de libération de la Palestine, qui ont atterri dans le désert jordanien et ont été détruits. (Crédit : AFP)

Les survivants des détournements ont raconté qu’il leur avait fallu des décennies pour surmonter ce qu’ils avaient vécu, tandis que plusieurs ont déclaré que les horreurs du 7 octobre avaient ravivé des traumatismes remontant à plus de 53 ans.

Moshe Raab, qui avait 14 ans lors du détournement du vol TWA à destination de New York, a raconté que pour la première fois depuis des décennies, il est réveillé au milieu de la nuit par des cauchemars.

« Je suis coincé dans une pièce avec ma femme, mes enfants et mes petits-enfants et j’essaie de me mettre à l’abri. Depuis peu, il y a quelque chose de nouveau dans ces cauchemars : je dois coder pour trouver un moyen de sortir », a déclaré Raab, un directeur de production de logiciels qui vit aujourd’hui en Israël.

Raab, qui a été retenu en otage pendant moins d’une semaine, s’inquiète des otages qui ont été relâchés par le Hamas (fin novembre) et ne peut même pas imaginer ce que doivent vivre ceux qui sont encore détenus.

Moshe Raab interviewé peu après sa libération de la captivité du FPLP en septembre 1970. (Crédit : Autorisation)

« Très peu de gens savent ce que c’est que d’être un otage. Le souvenir ne peut en aucun cas vous quitter et même si vous le repoussez, il est toujours là », a-t-il souligné.

« Je dirais que cette expérience m’a rendu moins matérialiste que mes amis », a déclaré Raab.

« J’avais l’impression que, faute de chance, ma vie aurait pu s’arrêter là. L’avion était piégé et truffé de bombes, des terroristes se promenaient avec des kalachinkovs et, à tout moment, la Jordanie, Israël ou les États-Unis étaient susceptibles d’organiser une libération forcée des otages. »

Raab a déclaré qu’il essayait de ne pas regarder les informations sur les otages à Gaza. Mais il a vu comment les otages libérés par le Hamas en novembre ont été conduits à la frontière.

Moshe Raab, directeur de production de logiciels vivant à Maale Adumim, avait 14 ans au moment des détournements du Septembre noir. (Crédit : Autorisation)

« J’ai vu les Gazaouis crier ‘Itbach al-Yahud’ [massacrer le Juif] lors de la libération des otages et je me suis souvenu que c’était exactement ce que les Jordaniens et les Palestiniens avaient crié lorsque nous avons été transportés dans les rues de Jordanie en direction d’Amman pour être libérés », a-t-il déclaré.

Roy Spungin, travailleur social et psychothérapeute, qui avait 13 ans lorsque son avion a été détourné, a déclaré qu’après le 7 octobre, il a commencé à se sentir en danger dans le quartier nouvellement construit de Givat Olga à Hadera, où il vit avec sa compagne.

« Nous vivons à l’extrémité du quartier et nous nous sommes sentis isolés », a déclaré Spungin.

« Je suis allé acheter une masse et un mécanisme pour bloquer la porte de l’abri anti-atomique. Nous avons tous les deux demandé un permis de port d’arme. »

Apprendre à faire face

Les survivants des détournements du Septembre noir, également connus sous le nom de Dawson’s Field, ont déclaré que les leçons qu’ils ont tirées de leurs traumatismes pourraient être utiles aux otages libérés du Hamas en novembre et à ceux qui, espérons-le, seront prochainement libérés.

De nombreux survivants, dont quatre des six qui ont parlé au Times of Israel, ont choisi d’immigrer en Israël depuis les États-Unis dans les années qui ont suivi les détournements.

Raab, originaire du New Jersey, vit maintenant dans l’implantation de Maale Adumim.

« J’ai soudain réalisé que ce représentant du gouvernement américain justifiait le détournement de ma famille simplement parce que nous étions juifs »

« Lorsque nous avons été évacués vers Nicosie, à Chypre, nous avons été accueillis par un représentant du Département d’État américain », a raconté Raab, expliquant les raisons qui l’ont poussé à prendre cette décision. « Il nous a expliqué que le FPLP nous avait détournés à cause de la souffrance des enfants palestiniens. En tant que jeune Américain de 14 ans qui s’intéressait surtout au base-ball, j’ai soudain réalisé que ce représentant du gouvernement américain justifiait le détournement de ma famille simplement parce que nous étions juifs. »

« En face de nous, l’ambassadeur d’Israël offrait des fleurs aux Israéliens et aux personnes ayant la double nationalité israélienne et américaine. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que je n’étais pas dans le bon groupe. Je devais être dans le groupe des Israéliens. »

Bien que les événements du Septembre noir aient été exempts de violence sexuelle explicite, il y a eu des cas de harcèlement sexuel.

Susie Rosenrauch, qui avait 14 ans à l’époque des détournements, s’est souvenue que « l’une des choses qui a été particulièrement difficile pour moi, c’est que pour monter et descendre de l’avion, nous devions monter sur une échelle en bois. Je portais une robe courte et j’avais mes règles. Ma culotte était tachée et les gars du FPLP me regardaient. Je me sentais très mal à l’aise ».

À droite, Susie Rosenrauch. (Crédit : Autorisation)

Bien qu’il existe de nombreuses différences entre les détournements du Septembre noir et les événements survenus le 7 octobre et après, il y a quelques similitudes.

Les captifs détenus par le FPLP souffraient de malnutrition à des degrés divers. « La nourriture était une denrée rare », comme l’a déclaré David Raab, l’un des captifs et frère de Moshe, dans son livre Terror in Black September (« Le terrorisme du Septembre noir »). Les pénuries étaient fréquentes et l’eau était fortement chlorée pour éviter l’apparition de maladies.

Certains des captifs ont exprimé le sentiment d’être totalement isolés, ce que les terroristes – tant le Hamas que le FPLP – ont tenté d’exploiter.

Spungin a noté que « l’une des choses les plus difficiles était l’incertitude, le fait de ne pas savoir si votre gouvernement se souciait de vous ».

« L’une des choses les plus difficiles était l’incertitude, le fait de ne pas savoir si votre gouvernement se souciait de vous. »

Les terroristes du FPLP ont profité de cette peur et de cette incertitude pour inciter les otages à écrire des lettres aux chefs d’État des États-Unis, d’Europe et d’Israël, les implorant de libérer les terroristes palestiniens emprisonnés.

« Nous avons écrit un télégramme à [la Première ministre] Golda Meïr et au [président Richard] Nixon pour qu’ils libèrent les prisonniers afin que nous puissions rentrer chez nous », a déclaré Nichter, professeure émérite d’anthropologie à l’Université de l’Arizona.

Cela n’est pas sans rappeler les vidéos publiées par le groupe terroriste palestinien du Hamas dans lesquelles des otages israéliens sont filmés implorant les dirigeants politiques israéliens de faire davantage pour les libérer.

Mimi Nichter, professeure émérite d’anthropologie à l’Université de l’Arizona et l’une des survivantes des détournements du Septembre noir. (Crédit : Autorisation)

Similaires mais différents

Le premier d’une série de détournements du FPLP a eu lieu le 23 juillet 1968, un an après la défaite retentissante des armées arabes combinées par Israël lors de la Guerre des Six Jours.

La nouvelle tactique du détournement a été conçue par le cofondateur du FPLP, Waddia Haddad, comme une alternative aux tentatives infructueuses de mener une guerre conventionnelle contre Israël. Les attaques terroristes à haute visibilité, selon Haddad, attireraient l’attention du monde entier sur la cause palestinienne.

Haddad a eu raison : lors du détournement du 23 juillet 1968, après que onze membres d’équipage et vingt-et-un Israéliens ont été détenus pendant cinq semaines, le FPLP a réussi à obtenir la libération de seize Palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël. Les pirates de l’air ont été libérés, à l’instar d’autres détournements.

« Lors des pourparlers avec Israël sur une éventuelle libération d’otages, le Hamas a exigé la libération d’Ahmad Saadat, chef du FPLP, qui purge une peine de 30 ans d’emprisonnement »

Aujourd’hui encore, le FPLP est impliqué dans des actes de terrorisme contre Israël. Dans les années 2000, le FPLP a ajouté les attentats suicides à son répertoire terroriste. Le 23 août 2019, des terroristes du FPLP ont activé une bombe placée en bord de route près d’une source à l’extérieur de Dolev, tuant Rina Shnerb, 17 ans, originaire de Lod, et blessant son père et son frère.

Rina Shnerb, 17 ans, a été tuée dans un attentat terroriste palestinien en Cisjordanie le 23 août 2019. (Autorisation de la famille)

Lors des pourparlers avec Israël sur une éventuelle libération d’otages, le Hamas a exigé la libération d’Ahmad Saadat, chef du FPLP, qui purge une peine de 30 ans d’emprisonnement pour son implication dans l’assassinat du ministre du Tourisme, Rehavam Zeevi, le 17 octobre 2001, à l’hôtel Dan Jerusalem, sur le mont Scopus.

En mars, des représentants des groupes terroristes du FPLP, du Hamas et du Jihad islamique palestinien ont rencontré les Houthis du Yémen pour discuter de la coordination d’attaques terroristes contre Israël.

L’inefficacité de la Croix-Rouge est un autre thème qui résonne à la fois dans la crise actuelle des otages à Gaza et dans le détournement du Septembre noir.

Des membres du Front populaire de libération de la Palestine donnant une conférence de presse le 14 septembre 1970, après que des terroristes du FPLP ont détourné quatre avions. (Crédit : Photo AFP)

André Rochat, le représentant de la Croix-Rouge responsable des otages détenus à l’aéroport de Dawson, a signalé par erreur à ses supérieurs qu’une femme avait accouché sur le vol de la TWA.

Mais bien qu’il ait apparemment cru qu’une femme avait accouché, Rochat n’a pas essayé d’extraire le prétendu nouveau-né.

« Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé que les soi-disant vitamines que l’on nous donnait étaient en réalité des sédatifs »

Il savait qu’en raison de la panne du système électrique de l’avion, les toilettes ne fonctionnaient pas et débordaient, ce qui dégageait une odeur épouvantable et représentait un risque pour l’hygiène. Il savait également que le soleil chaud de Jordanie chauffait le cadre métallique de l’avion à des températures dangereusement élevées pour un nouveau-né. Pendant les nuits froides du désert, les températures chutent.

S’il y avait vraiment eu une naissance, comme Rochat l’a supposé, la vie du bébé aurait été mise en danger.

Tout comme le Hamas drogue ses captifs, en particulier lors de leur libération, afin qu’ils paraissent détendus et calmes, le FPLP donnait des sédatifs à ses captifs.

« Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé que les soi-disant vitamines qu’on nous donnait étaient en réalité des sédatifs », s’est souvenu Raab.

Comme à Gaza, les captifs ont été détenus en Jordanie dans une zone de guerre. Les terroristes palestiniens du FPLP et d’autres groupes terroristes appartenant à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui cherchaient à renverser le régime du roi Hussein et recevaient le soutien de la Syrie, de l’Irak et de l’Union soviétique, se sont battus avec les forces jordaniennes dans les rues.

À un moment donné, comme l’explique Raab dans son livre, la Jordanie, craignant que la situation ne se détériore, a demandé, par l’intermédiaire des États-Unis, à l’armée de l’air israélienne de bombarder les chars syriens. Les bombes et les obus d’artillerie ont atterri près des cachettes secrètes où les otages du FPLP étaient détenus, ce qui a intensifié le traumatisme de leur captivité.

Le temps guérit certaines blessures, mais pas toutes

Pour de nombreuses personnes interrogées, il a fallu des années, voire des décennies, pour surmonter le traumatisme du détournement.

Rosenrauch, assistante sociale et psychothérapeute vivant à Raanana, était responsable de ses deux jeunes frères, qui se trouvaient dans l’avion avec elle. Ils ont été détenus pendant une semaine avant d’être libérés.

Un garçon palestinien passant à vélo devant des graffitis représentant (de gauche à droite) le fondateur du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) George Habash, le chef spirituel du Hamas cheikh Ahmed Yassin et le chef palestinien Yasser Arafat, dans la ville de Gaza, le 21 novembre 2014. (Crédit : Mohammed Abed/AFP)

Rosenrauch a raconté que la première fois qu’elle a vraiment fait face à ce qui lui était arrivé, c’était au début des années 1990, lorsque l’émission « American Experience », diffusée sur la chaîne de télévision PBS, a réalisé un reportage sur les détournements du « Septembre noir ».

« Ils ont trouvé des images originales documentant notre détention dans l’avion détourné. J’étais là, assise à côté de mes frères, près de la sortie de secours qui était grande ouverte. Le vent soufflait dans mes cheveux et l’une des hôtesses de l’air nous versait de l’eau », a raconté Rosenrauch.

« Lorsque mes parents m’ont remis la cassette, je l’ai apportée à mon thérapeute. Je l’ai regardée avec lui et, pour la première fois, j’ai pleuré. »

Rosenrauch a expliqué que ce qui l’a aidée à digérer ce qui s’était passé 20 ans auparavant, c’est que pour la première fois, son thérapeute a reconnu que ce qu’elle avait vécu était réellement horrible et traumatisant.

« Mes frères et moi, ainsi que d’autres captifs avec lesquels je suis restée en contact, avions l’habitude de plaisanter et de dire des choses comme ‘Tu devrais voler avec moi parce que les mauvaises choses n’arrivent pas deux fois à la même personne’. Ou nous chantions ‘Je vis dans un avion à réaction’ au lieu de ‘Je pars dans un avion à réaction’ », a-t-elle dit en faisant référence à la chanson de John Denver.

« Pendant longtemps, nous nous sommes dit que notre expérience était intéressante et étrange, pas horrible. Mais c’était horrible », a déclaré Rosenrauch. « Des gens ont pointé des fusils sur nous, des gens se sont débarrassés de tous les non-Juifs et ont gardé tous les Juifs dans l’avion. Nous avons dû rester assis dans l’avion pendant des jours. Les conditions sanitaires étaient médiocres, les quantités de nourriture réduites. Les avions étaient équipés d’explosifs pour exploser à tout moment. »

Un thème récurrent dans les entretiens est l’importance d’affronter et de traiter la douleur de la captivité. Chaque survivant a parlé de la transformation qu’il a subie, parfois des semaines, parfois des décennies après les événements.

Le secrétaire général du FPLP, Ahmad Saadat, au tribunal de Jérusalem, en septembre 2012. (Crédit : Yoav Ari Dudkevitch/Flash90)

Dans certains cas, cette transformation a pris des allures d’épiphanie à la suite de laquelle la décision a été prise de cesser d’être une victime, de cesser d’être définie par le traumatisme.

« J’étais allongée sur un lit dans la chambre de mon amie dans le dortoir du Stern College », s’est souvenue Chesler, l’une des 56 otages détenus pendant trois semaines dans l’une des trois cachettes différentes en Jordanie : le quartier d’Ashrafiyah à Amman, le camp de réfugiés d’el-Wehdat ou Irbid.

« Je me voyais comme de l’extérieur et je me regardais d’en haut, me tenant au-dessus de moi-même et me regardant en bas. Je me suis divisée en pièces de puzzle », a-t-elle raconté. « Tout ce que j’avais à faire, c’était d’ouvrir la main et toutes les émotions et le conflit liés au détournement disparaîtraient. Dans mon esprit, j’ai dit : ‘Fran, es-tu folle ? Vas-tu les laisser détruire ta vie ? Je ne vais pas les laisser vivre dans ma tête sans payer de loyer.’ Depuis cet incident sur le lit, je n’ai laissé personne diriger ma vie. Personne ne peut me mettre un pistolet sur la tempe et me forcer à faire quoi que ce soit dans ma vie. »

Chesler a expliqué que ce qui l’a aidée à surmonter son traumatisme : le conseil que lui a donné l’un de ses professeurs de psychologie.

« Il m’a demandé comment j’allais et je lui ai répondu que j’allais très bien. Il m’a dit : ‘Tu sais, en ce moment tu voles, mais ça va s’arrêter. Tu vas t’écraser. Sache que ça va s’arrêter.’ Il avait tout à fait raison et il m’a donné son numéro. Mais le fait qu’il m’ait dit que l’état d’euphorie prendrait fin a rendu la situation tellement plus facile à vivre », a-t-elle déclaré.

Pour d’autres otages, il a fallu beaucoup plus de temps pour surmonter le traumatisme. Dans le cas de Nichter, qui a également été retenue en otage avec Chesler pendant trois semaines, ce n’est qu’après avoir écrit un livre sur son expérience, plus de 50 ans après les faits, qu’elle a commencé à comprendre ce qui lui était arrivé.

Le résultat est Hostage : A Memoir of Terrorism, Trauma, and Resilience (« Otage : Mémoire du terrorisme, du traumatisme et de la résilience »), qui a été achevé juste avant le pogrom du 7 octobre.

Nichter raconte qu’à l’époque du détournement, la plupart de ses amis étaient des militants de gauche engagés dans la campagne contre la guerre du Vietnam.

Des manifestants brandissant des images de personnes enlevées par les terroristes du Hamas à Gaza lors d’une manifestation devant le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), à Londres, le 9 novembre 2023. (Crédit : Kin Cheung/AP)

« Ils pensaient que le FPLP était un révolutionnaire cool. Ils avaient beaucoup de sympathie pour eux », a-t-elle déclaré. « Ce n’est pas sans rappeler ce qui se passe aujourd’hui. Il y avait de la négativité à l’égard d’Israël et de la sympathie pour les Palestiniens. J’ai eu l’impression d’être prise entre deux feux. »

« Les gens de ma cohorte ne comprenaient vraiment pas, et cela m’a poussée à ne plus partager mes expériences, à ne plus en parler. Puis, dans les années 1990, un camarade de lycée m’a appelée et m’a dit qu’il écrivait un livre sur le terrorisme international », s’est souvenue Nichter à propos du processus qui lui a permis de faire face à ce qui lui était arrivé.

« Enfin, j’ai réalisé que j’avais besoin d’y réfléchir, d’en parler et de faire face à ce qui s’était passé »

« Je me suis surprise à penser : ‘Comment pourrais-je ne pas m’impliquer puisque, en tant qu’anthropologue, je compte tellement sur les autres pour me parler ouvertement et honnêtement de leurs expériences ? C’est donc la première fois que j’ai vraiment parlé de ce qui s’était passé et que je me suis ouverte pour la première fois' », a-t-elle déclaré.

« Enfin, j’ai réalisé que j’avais besoin de réfléchir, d’en parler et de faire face à ce qui s’était passé. »

Nichter a expliqué qu’elle est redevenue silencieuse pendant plusieurs années. Puis, lors d’un cours de yoga, elle a vécu une expérience transformatrice.

« J’ai en quelque sorte vu quelque chose quitter mon corps », a déclaré Nichter. « J’ai senti que quelque chose d’important s’était produit et j’ai su de quoi il s’agissait : je m’étais libérée de quelque chose et cela m’a permis d’écrire sur mon expérience. Il m’a fallu un certain temps pour m’asseoir et écrire. Mais j’ai fini par le faire. »

Nichter a qualifié de thérapeutique le processus de rédaction de ses mémoires.

« En tant qu’anthropologue, j’ai vécu une vie au cours de laquelle j’ai vu des conflits de première main et j’ai vécu dans des zones de conflit. Au début, j’étais réticente à l’idée de me rendre dans ces endroits à cause de mon expérience d’otage, mais j’ai dû mettre mes peurs de côté pour pouvoir vivre ma vie et faire mes recherches », a-t-elle déclaré.

« Finalement, j’ai réalisé que j’avais besoin d’y réfléchir, d’en parler et de faire face à ce qui s’était passé. »

S’ouvrir et parler de ce qui s’est passé peut être mieux qu’un silence imposé. Mais réitérer une expérience traumatisante la renforce souvent, selon Spungin, qui souligne son expérience en captivité comme ayant été cruciale dans sa décision de devenir thérapeute.

« Ma mère, une Israélienne de la septième génération qui comprenait l’arabe et avait entendu les terroristes dire qu’ils avaient l’intention de nous tuer, a été dévastée par le détournement de l’avion », a-t-il expliqué.

« Dans les mois qui ont suivi notre libération, elle a grincé des dents au point de les perdre toutes. Elle faisait encore des cauchemars des années après l’événement. Et elle en parlait tout le temps. Ce n’était pas une bonne chose parce qu’elle répétait cela encore et encore dans son esprit. »

Spungin se souvient que ce n’est qu’en 1999, à l’âge de 42 ans, alors qu’il apprenait la méditation bouddhiste en Inde, qu’il a fait une véritable percée dans sa manière de gérer sa captivité.

« C’est arrivé à un moment précis, grâce à une enseignante précise. Je me suis assis avec elle pendant cinq semaines et, au bout de la troisième fois, j’ai reconnu une vérité qui m’est apparue clairement depuis lors », a-t-il poursuivi.

Spungin a décrit comment il a pu guérir le traumatisme d’avoir été détenu par des terroristes armés dans un avion piégé en se connectant par le biais d’une pratique spirituelle.

« Il y avait en moi ce sentiment de beauté, d’infini, que je n’étais jamais né et que je ne mourrais jamais, que j’irais bien et que c’est ce que je suis vraiment. L’organisme corps-esprit est temporaire »

« Il y avait en moi ce sentiment de beauté, d’infini, que je n’étais jamais né et que je ne mourrais jamais, que j’irais bien et que c’est ce que je suis vraiment. L’organisme corps-esprit est temporaire. Il est vrai que je peux ressentir de la douleur pendant un certain temps et que je peux être triste pour les personnes que j’aime, mais tout cela est temporaire et passera. La douleur n’est qu’une sensation dans le corps, ce n’est pas moi. Il existe un endroit plus élevé. Vous pouvez y accéder. En réalité, vous y êtes toujours, mais vous choisissez de vous concentrer sur l’histoire du ‘moi’ », a-t-il expliqué.

Pour Raab, le retour à un minimum de normalité s’est fait à l’occasion de Thanksgiving, environ deux mois après le détournement.

« Ce qui m’a aidé, c’est que j’ai échoué à mon examen de mathématiques », s’est-il souvenu.

« Je me souviens que mon professeur de mathématiques a annoncé devant toute la classe : ‘Et voici l’échec’, alors qu’il me rendait ma copie. Je n’avais jamais échoué auparavant. C’était un choc. »

Leila Khaled, du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), faisant un geste après avoir pris la parole lors du congrès du parti démocratique des peuples pro-kurde, ou HDP, à Ankara, en Turquie, le 11 février 2018. (Crédit : Burhan Ozbilici/AP)

Raab a raconté qu’il a appelé son frère David, étudiant en mathématiques, qui avait lui aussi été retenu en otage par le FPLP.

Il lui a dit : « Apporte ton livre. »

« Il m’a fait m’asseoir et m’a dit : ‘Tu dois te débrouiller tout seul.’ Je suis resté assis au bord des larmes pendant des heures. J’ai fini par trouver la solution. Avec le recul, j’ai compris que c’était le déclic. J’ai compris que je devais revenir à la vie réelle. Je ne pouvais plus rester à l’écart. »

Raab a constaté que l’histoire se répète. Il y a 53 ans, lui, sa mère et ses frères et sœurs ont été pris en otage alors que son père, qui se trouvait dans le New Jersey, attendait des nouvelles avec impatience. Le 7 octobre, la fille, le gendre et les petits-enfants de Raab ont été évacués de leur maison du moshav Shokeda, situé à proximité de la frontière de Gaza.

« Peu de temps après l’attaque du 7 octobre, ma petite-fille de 10 ans a dit à ma fille : ‘J’ai entendu dire que des enfants étaient retenus en otage par le Hamas.’ Elle était très inquiète », a raconté Raab.

« Mais ma fille lui a répondu : ‘Tu sais, ton grand-père était un enfant lorsqu’il a été kidnappé, et il s’en est sorti’. »

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