La tombe la plus inhabituelle du cimetière protestant de Jérusalem appartient à Sir Flinders Petrie, un célèbre archéologue britannique qui a proposé l’idée – radicale à l’époque – de dater des couches archéologiques à partir de tessons de poterie et d’objets en céramique.
Ce qui rend sa tombe si particulière, c’est sa pierre tombale, laquelle est divisée en deux parties. Le nom de Flinders Petrie, né en 1853 et mort en 1942, est à peine visible sur la plus grande. La petite pierre blanche qui se trouve à côté représente apparemment sa tête : Flinders Petrie était très intelligent et croyait qu’il y avait une corrélation entre l’intelligence et la taille du crâne. Il a donc légué sa tête au Royal College of Surgeons de Londres.
C’est déjà assez étrange. Mais il y a une fin originale à cette histoire. Comme Flinders Petrie est décédé au plus fort de la Seconde Guerre mondiale, le transfert de sa tête a été retardé. Conservé dans un bocal à ce qui était, à l’époque, l’École américaine de recherche orientale à Jérusalem (aujourd’hui l’Institut Albright de recherche archéologique), le crâne a été envoyé plus tard à Londres. Là-bas, l’étiquette s’est défaite, rendant l’identification du crâne impossible pendant des décennies. Ce n’est qu’en 1989 que l’archéologue Shimon Gibson l’a finalement identifié comme étant celui de Flinders Petrie.
Certains d’entre vous considèrent peut-être que parcourir les cimetières du pays est un passe-temps plutôt macabre. Mais est-ce vraiment le cas ? L’histoire moderne d’Israël a été écrite par de nombreuses âmes enterrées dans ses cimetières. Comme le cimetière protestant du mont Sion, lieu de repos éternel de certaines des plus grandes figures chrétiennes du pays aux 19 et 20e siècles. Des policiers et des soldats britanniques ainsi qu’un ministre des Postes y sont également enterrés.

Situé sur le terrain du Jerusalem University College, également connu sous le nom d’Institut d’études de Terre Sainte, le cimetière se trouve sur un terrain acheté par le révérend Samuel Gobat en 1848. Ce dernier, évêque protestant de Jérusalem à l’époque, a ensuite divisé le terrain en deux. La partie la plus grande est devenue l’école de l’évêque Gobat, construite sur des pierres hasmonéennes vieilles de plus de 2 000 ans. L’école a opéré de 1853 jusqu’à la guerre d’indépendance en 1948.

Après la guerre, le mont Sion était situé en territoire israélien et la Vieille Ville – adjacente à la montagne – en terre jordanienne. Jusqu’à la réunification de Jérusalem lors de la guerre des Six Jours de 1967, les bâtiments et les terrains étaient occupés par l’armée israélienne.
Pendant ces 19 années, un téléphérique du complexe de Gobat traversait la vallée de Hinnom jusqu’au quartier de Yemin Moshe, convoyant des équipements vers et depuis le mont Sion. On peut encore voir sur le terrain l’une des manivelles utilisées pour soulever le câble la nuit et le descendre dans la vallée le jour.
La robe de Gobat, ses livres et certains de ses effets personnels, envoyés récemment à Jérusalem, sont exposés dans une vitrine en verre à l’intérieur de l’école. Sa pierre tombale – la plus élaborée du cimetière – comprend non seulement une inscription détaillée mais aussi un portrait.

Né en 1910, G. Douglas Young est issu d’une famille fondamentaliste et devient très tôt l’un des plus fervents partisans d’Israël. Il était intransigeant dans ses tentatives pour contrer l’antisémitisme et il espérait favoriser de bonnes relations entre juifs et chrétiens en Israël et dans le monde entier. À cette fin, en 1976, il a fondé avec sa femme Georgina l’association Bridges for Peace. Les deux sont enterrés l’un à côté de l’autre dans le cimetière protestant ; les pierres tombales au-dessus de leurs tombes remontent à l’époque hérodienne, il y a 2 000 ans.
En 1957, Young a fondé l’Institut d’études de Terre Sainte afin de donner aux étudiants la possibilité d’étendre sur place leurs connaissances en histoire biblique, en géographie historique, en archéologie, en langue hébraïque, en culture et religion. L’Institut, situé à l’origine dans la rue des Prophètes (rue HaNevi’im), a déménagé dans l’enceinte de Gobat après avoir été libéré par l’armée israélienne en 1967.

Charles Warren était sous-lieutenant dans le Corps Royal du Génie en 1867 lorsque le Fonds d’exploration de la Palestine l’a envoyé en Terre Sainte pour effectuer des fouilles. Il était accompagné de trois soldats, également du corps. L’un d’eux, James Duncan, contracta la malaria et mourut moins d’un an plus tard à Jérusalem. Il a été enterré dans le cimetière protestant, et sur sa pierre tombale, ses amis ont placé le pied en pierre d’un guéridon découvert lors des fouilles et datant de la période du Second Temple (516 avant l’ère commune. à 70 après l’ère commune).

L’architecte Paul Palmer, qui a conçu une belle maison de deux étages pour le chef de la communauté protestante allemande (aujourd’hui l’école professionnelle Ort) à Jérusalem, est également enterré ici. Sa principale revendication est cependant un dessin complexe de la carte Madeba, une mosaïque du 6e siècle. Découverte en 1884 lors de rénovations dans une église de Madeba, en Jordanie, elle recouvrait le sol d’une église byzantine et est la seule carte ancienne de Terre Sainte qui subsiste. Absolument exquise, elle a été réalisée avec plus de deux millions de carreaux de mosaïque.
Pendant les dernières années du mandat britannique en Palestine, son centre névralgique administratif et militaire était situé dans l’élégant hôtel King David de Jérusalem. Lorsque l’hôtel a été bombardé par des membres du Jewish Undergorund en 1946, plus de 90 personnes ont été tuées dans l’explosion. Parmi elles se trouvait le gendarme Ronald Arthur Woodward, 20 ans, qui repose dans le cimetière protestant du Mont Sion.
Une modeste pierre tombale porte le nom de James Starkey, le tout premier archéologue à avoir fouillé la ville de Lachish en Judée. Il a eu le privilège de découvrir les lettres de Lachish – des missives d’argile écrites pendant le siège de la ville par Babylone en 596 avant l’ère commune. Il a été assassiné par des assaillants arabes en 1936, alors qu’il se rendait à l’inauguration du célèbre musée Rockefeller de Jérusalem.

Une grande croix surmonte la pierre tombale de Johann Ludwig Schneller, né en Allemagne, un missionnaire luthérien dévoué, venu en Palestine avec l’intention de servir la population locale. En 1855, il a acheté une parcelle de terre dans le désert à l’extérieur de la Vieille Ville, et en 1860, il y a conçu et construit une maison pour sa famille.
Peu après, lorsque des milliers de chrétiens se faisaient massacrer en Syrie, le missionnaire s’est précipité vers le nord et a ramené neuf garçons orphelins. Un an plus tard, la population de ce qu’on appelle l’orphelinat syrien a quadruplé. Des bâtiments supplémentaires ont donc été ajoutés et le complexe a été entouré d’un grand mur.
Toutes sortes d’activités se déroulaient dans le complexe, qui comprenait une cuisine, une école, une clinique, des ateliers, une boulangerie, une imprimerie et une blanchisserie. Johann Ludwig Schneller était déterminé à ce que les enfants dont il avait la charge deviennent des membres productifs de la société : presque tous sont restés jusqu’à l’âge de 18 ans – et sont ensuite partis avec un métier à la clé.

Pourtant, de tous les architectes, missionnaires et archéologues du 19e et du début du 20e siècle qui reposent dans le cimetière, c’est peut-être Conrad Schick qui a eu le plus d’impact sur Jérusalem. Missionnaire et artisan de formation, il a d’abord gagné sa vie dans la ville en assemblant et en réparant des coucous.
Architecte autodidacte, Conrad Schick a conçu certains des bâtiments les plus historiques de la ville, parmi lesquels l’hôpital Hansen pour lépreux, l’église anglicane St. Paul, une aile de l’ancien hôpital Bikur Holim, et sa propre et unique demeure – Tabor House. Il a également planifié Mea Shearim, l’un des premiers quartiers juifs en dehors des murs de la Vieille Ville.
Bien qu’il n’ait jamais étudié l’archéologie, il a pris part à certaines des plus importantes fouilles du pays et a publié leurs résultats. Et bien que les non-musulmans n’aient généralement pas été autorisés à se rendre sur le mont du Temple, une exception a été faite pour Conrad Schick. Il a ainsi pu construire des maquettes du mont du Temple, exposées aujourd’hui à l’école de filles Schmidt de la ville et au Centre du patrimoine de l’église du Christ.
Les visiteurs qui se promènent dans le fond du cimetière, ou un peu sur le côté, découvriront que l’enceinte de Gobat a été construite sur une maison du trésor archéologique. En effet, lors de la construction des bâtiments d’origine, une partie du mur de Jérusalem datant de la période du Second Temple a été mise au jour. Des fouilles assez récentes ont révélé à la fois un mikveh (bain rituel juif) et un tombeau de cette même époque. Depuis le bord du cimetière, on peut voir toutes sortes d’artefacts. Quel site incroyablement approprié pour une institution dont le site web invite les étudiants à « Lire la terre, voir le texte, vivre le livre » !
Aviva Bar-Am est l’auteure de sept guides en anglais sur Israël.
Shmuel Bar-Am est un guide touristique agréé qui propose des visites privées et personnalisées en Israël pour les particuliers, les familles et les petits groupes.