Israël en guerre - Jour 502

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Des manifestants dans le quartier de Sheikh-Jarrah, à Jérusalem-Est, le 30 juillet 2021. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90:)
Des manifestants dans le quartier de Sheikh-Jarrah, à Jérusalem-Est, le 30 juillet 2021. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90:)
Investigation

A Sheikh Jarrah, des acteurs anonymes et un État absent ont créé une poudrière

Israël connaît un conflit immobilier détourné par des propagandistes ; les Palestiniens, pour leur part, disent qu’Israël veut les effacer de Jérusalem. Qu’en est-il vraiment ?

Haviv Rettig Gur est l'analyste du Times of Israël

Dans le quartier de Sheikh-Jarrah, à Jérusalem, à seulement deux kilomètres de la Vieille Ville, le long d’une rue qui partage les parties orientale et occidentale de la ville, un groupe de familles palestiniennes se bat depuis des décennies contre les tentatives d’organisations privées juives de les faire expulser de leur logement.

Les deux parties sont convaincues, de chaque côté du conflit, de la justesse indubitable de leur cause. Pour les Juifs, ces terrains sur lesquels des Palestiniens vivent dorénavant appartenaient, dans le passé, à deux trusts communautaires juifs, jusqu’à leur saisie par l’occupant militaire jordanien, suite à la guerre de 1948. Ces terres sont le symbole des destructions commises par la Jordanie sur tout ce qui était juif sur le territoire où elle s’était installée – avec notamment la démolition d’une grande part du quartier Juif de la Vieille Ville et la fermeture des sites les plus saints du judaïsme, le mont du Temple et le mur Occidental, aux fidèles juifs pendant toutes les années où le royaume hachémite était resté, de 1948 jusqu’en 1967.

Pour les Palestiniens, les efforts livrés actuellement pour expulser les familles palestiniennes symbolisent à eux seuls la mission de discrimination poursuivie à leur encontre par l’entremise du contrôle israélien de la ville sainte. Le déplacement d’une petite partie des Juifs de Jérusalem, il y a sept décennies, est bien peu de chose, disent-ils, face à la « catastrophe » [nakba] qui s’est abattue sur des milliers de Palestiniens.

Et les Palestiniens qui s’étaient installés dans d’anciens biens immobiliers qui appartenaient à des Juifs, à Sheikh Jarrah, étaient eux-mêmes des réfugiés qui avaient fui le territoire qui était alors devenu Israël.

L’idée que les Israéliens demandent dorénavant la correction de l’injustice vécue par quelques dizaines de Juifs de Jérusalem, mais qu’ils n’auront jamais cette exigence pour les centaines de milliers de Palestiniens victimes de la même injustice résume ainsi, selon ces derniers, la manière dont ils ont été traités par Israël année après année.

Cinq décennies de procédures judiciaires n’ont pas permis de trouver une solution claire et, tous les deux ou trois ans, le conflit dégénère en mouvements de protestation massifs et en affrontements dans les rues. Les manifestations et les répressions de la police ont gagné en férocité ces derniers mois, transformant le conflit à Sheikh Jarrah en bataille locale, régionale et internationale qui a attiré l’attention – et les (très nombreuses) critiques à l’égard d’Israël – des gouvernements moyen-orientaux et occidentaux, et notamment des États-Unis.

Les députés israéliens avec, au premier plan, le parlementaire d’extrême-droite Itamar Ben-Gvir, se sont rendus dans les rues du quartier avec plus ou moins d’arrogance pour afficher leur soutien aux deux parties. Au mois de mai, dans un contexte d’expulsion éminente (la procédure est depuis mise en suspens) de quelques familles palestiniennes, Sheikh Jarrah est devenu, bien au-delà d’un seul quartier, un cri de ralliement à travers tout Jérusalem et toute la Cisjordanie et l’un des prétextes utilisés par le mouvement terroriste du Hamas pour lancer les attaques à la roquette qui devaient déclencher les onze jours de combats à Gaza.

Pendant tous ces troubles, toutefois, le gouvernement israélien – qui n’est lui-même pas partie prenante dans le litige – a refusé de s’impliquer dans le dossier. Interrogés à ce sujet, la majorité des responsables que j’ai sollicités disent souhaiter que le problème disparaisse. Un grand nombre espère secrètement une victoire palestinienne notamment parce que, confie l’un d’eux, rien de bon ne peut résulter des tentatives menées par les groupes juifs de faire valoir leurs revendications et que ce combat judiciaire qui dure depuis des années a été un cauchemar pour les relations publiques d’Israël – un cauchemar qui, de surcroît, n’était pas nécessaire.

Partageant apparemment le même point de vue, la Cour suprême israélienne a cherché de manière répétée à trouver un compromis entre les parties qui puisse permettre aux familles palestiniennes de conserver leur habitation sans régler pour autant l’épineuse question de la propriété.

La problématique à Sheikh Jarrah est-elle – comme insiste là-dessus le ministère israélien des Affaires étrangères – une simple « querelle immobilière privée » qui s’est transformée en élan anti-israélien international grâce à la machine bien huilée de la propagande palestinienne ? Ou est-ce, comme l’affirment les Palestiniens à un monde qui compatit à leur situation difficile – une illustration de la politique israélienne visant « l’effacement » et la « marginalisation » à long-terme des Palestiniens – une politique qui s’apparenterait à un « nettoyage ethnique » ?

Des manifestants dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-est, le 30 juillet 2021. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Un conflit immobilier né dans la guerre

Les versions israélienne et palestinienne de l’histoire commencent toutes les deux sur la base d’une querelle immobilière qui est très réelle. Les habitations de Sheikh Jarrah qui sont au centre de la controverse se trouvent dans ce qu’étaient, dans le passé, les quartiers juifs de Shimon Hatzadik et de Nahalat Shimon, et elles avaient été construites sur des parcelles situées aux abords du tombeau où repose, selon la tradition, le prêtre Simon le Juste, mort au 3e siècle avant l’ère commune. Les terrains – celui du tombeau notamment – avaient été achetés en 1876 par deux organisations religieuses juives représentant les communautés séfarade et ashkénaze à Jérusalem. Dans les années qui avaient suivi, les deux trusts communautaires avaient construit des bâtiments sur le site – des bâtiments qui devaient accueillir environ cent foyers juifs.

Soixante-douze ans après cet achat initial, au beau milieu de la guerre de 1948, les Juifs qui se trouvaient là avaient dû fuir leurs habitations, redoutant les violences jordaniennes et palestiniennes (C’est à Sheikh Jarrah que, le 14 avril 1948, avait eu lieu l’attaque d’un convoi qui avait entraîné le massacre de médecins et d’infirmières juives qui se rendaient à l’hôpital Hadassah du mont Scopus). A la fin de la guerre, Sheikh Jarrah – y compris ses enclaves juives – avait été placé sous contrôle jordanien, dont les militaires occupaient la Cisjordanie.

En 1950, le gouverneur jordanien de Cisjordanie avait émis la Proclamation 55 qui désignait tous les Israéliens comme étant des « ennemis », ce qui avait permis au royaume hachémite de confisquer de manière systématique tous les terrains et tous les biens immobiliers appartenant à des Juifs en Cisjordanie.

C’est ainsi que, selon les estimations, 3 000 hectares de terres avaient été saisis par la tutelle jordanienne. De nombreuses maisons et autres bâtiments avaient été démolis et notamment une grande partie du quartier juif, dans la Vieille ville. En tout, les biens immobiliers d’environ 2 000 Juifs avaient été confisqués par la Jordanie, la plus grande partie d’entre eux dans la Vieille Ville.

A Sheikh Jarrah comme ailleurs, les biens immobiliers juifs avaient été utilisés pour accueillir des Palestiniens qui avaient fui le tout nouvel État d’Israël. Dans une initiative conjointement entreprise par la Jordanie et l’UNRWA, en 1956, des habitations avaient été construites sur des terres appartenant à des Juifs à Sheikh Jarrah pour héberger 28 familles de réfugiés palestiniens.

Vue aérienne de Sheikh Jarrah en 1931. (Crédit : Domaine public/Matson Collection/US Library of Congress Catalog: https://www.loc.gov/pictures/collection/matpc/item/mpc2010007762/PP)

Le tuteur

Le tuteur jordanien a joué un rôle déterminant dans cette histoire – au moins pour les Israéliens. Les lois jordanienne et israélienne ont hérité de l’idée d’un « gardien des propriétés ennemies », un concept juridique emprunté à la loi Britannique.

En 1939, aux premiers jours de la Seconde Guerre mondiale, le Parlement anglais avait adopté une législation portant sur les transactions avec l’ennemi qui avait placé tous les biens appartenant aux individus originaires des pays de l’Axe, dans toute la Grande-Bretagne et dans le vaste empire britannique, entre les mains d’un « tuteur » spécialement désigné par l’État, et ce, pendant toute la durée de la guerre.

Après la guerre de 1948, la Jordanie et Israël avaient pris exemple sur la Grande-Bretagne. La Jordanie avait confisqué tous les biens des Juifs qui avaient fui les secteurs passés sous contrôle jordanien et Israël, par le biais d’un tuteur des « biens des absents », s’était emparé de toutes les propriétés appartenant aux Palestiniens qui avaient fui le territoire qui devait devenir ultérieurement Israël.

Et les deux parties auront agi de manière identique avec les biens confisqués – au moins dans un premier temps. Les lois israélienne et jordanienne stipulent que le gardien ne peut revendiquer la propriété du bien saisi, mais qu’il peut transférer cette même propriété de l’ancien possesseur à un nouveau. Ce que la Jordanie a fait massivement, en transférant la propriété de biens immobiliers juifs placés sous son autorité à des Palestiniens, des réfugiés en majorité.

Et c’est là que commence l’histoire de Sheikh Jarrah – qui débute par un apparent faux-pas du gardien jordanien : Dans presque tous les cas où des Palestiniens s’étaient installés dans des biens immobiliers juifs, le gardien jordanien avait officiellement accordé un titre de propriété aux nouveaux habitants – mais pas à Sheikh Jarrah.

Des légionnaires jordaniens sur les murs de la Vieille Ville de Jérusalem, en 1948. (Crédit : Domaine public)

Il y a des preuves de ce que le tuteur a eu l’intention d’effectuer ces transferts de titre et certains experts ont affirmé, au fil des années, que le transfert du contrôle jordanien à Israël sur les biens concernés s’apparentait à un transfert de propriété. La Jordanie elle-même affirme de manière répétée – elle l’a encore fait au mois d’avril dernier – qu’elle avait bien effectué la démarche. Mais plusieurs tribunaux israéliens, qui ont parfois basé leurs jugements sur les documents fournis par la Jordanie, ont estimé que contrairement à ce qui a pu se passer dans d’autres dossiers, le transfert de propriété n’a jamais été fait.

Dans le récit israélien, cette erreur apparente est au cœur du dossier historique et pour une raison simple : en 1970, trois ans après la prise de contrôle d’Israël sur le territoire arraché à la Jordanie lors de la guerre des Six jours, le Parlement israélien avait adopté une législation qui avait officiellement reconnu tous les transferts de propriété des Juifs à des Palestiniens tels qu’ils avaient été effectués par le tuteur jordanien.

La Loi sur les affaires légales et administratives stipulait que le Tuteur général d’Israël – une instance du ministère de la Justice qui contrôle les biens qui ont été confisqués – aurait autorité sur toutes les propriétés encore détenues par le gardien jordanien, mais pas sur celles qui avaient d’ores et déjà été transférées à quelqu’un d’autre.

Cette reconnaissance de la saisie des propriétés juives avait été logique. Certains députés avaient, bien entendu, été soucieux de préserver les droits des résidents palestiniens qui vivaient dans les habitations mais le vaste soutien apporté à cette reconnaissance aveugle – même par le gouvernement – avait néanmoins été intéressée : le propre tuteur israélien avait lui-même transféré la propriété de biens immobiliers palestiniens, au sein d’Israël, à des réfugiés juifs qui étaient arrivés dans les années qui avaient suivi 1948. Et il n’était donc guère dans l’intérêt de l’État juif de créer un précédent qui aurait rendu ces transferts réversibles.

Et pourtant, si les Palestiniens ont vu, en règle générale, leurs titres de propriété reconnus par la législation de 1970, les familles de Sheikh Jarrah, dans l’incapacité de prouver leurs droits, n’ont donc pas bénéficié de cette reconnaissance.

Une vue de Shiekh Jarrah, un quartier de Jérusalem, avec le centre de la ville en arrière-plan, en mars 2009. (Crédit : Wikipedia/David Shankbone/CC BY)

C’est pourquoi les responsables israéliens écartent d’un revers de la main toute intention de discrimination – le New York Times avait par exemple mis en cause l’État juif en écrivant qu’à Jérusalem-Est, « les Juifs ont l’autorisation de revendiquer la propriété de biens immobiliers qui, avant 1948, appartenaient à des Juifs » mais que « les familles palestiniennes n’ont pour leur part aucun outil légal à leur disposition pour revendiquer les terres qui leur appartenaient à Jérusalem-Ouest ou ailleurs » dans le pays.

Pour les Israéliens, de telles mises en cause équivalent à voir une discrimination là où il n’y en a pas. Les réfugiés palestiniens ne peuvent pas revendiquer leurs biens immobiliers au sein de l’État juif pour la même raison que la majorité des réfugiés du 20e siècle n’ont pas pu le faire dans leurs pays d’origine – cela est notamment le cas des centaines de milliers de réfugiés juifs qui ont fui le monde arabe dans ces mêmes années. Et pour la même raison, les Juifs n’ont aucun droit sur les propriétés qui avaient été saisies par le gardien jordanien et dont la propriété avait été transférée à des Palestiniens.

Du quartier Mughrabi à Sheikh Jarrah : les exceptions à la règle

Les résidents du quartier Sheikh Jarrah souffrent – les responsables israéliens (qui se sont tous refusés à s’exprimer publiquement) l’admettent sans difficulté – mais leur souffrance est l’exception tragique à la règle de la reconnaissance par les Israéliens de la validité des titres de propriété palestiniens qui leur avaient permis de devenir les possesseurs officiels d’habitations qui appartenaient auparavant à des Juifs.

Ceux qui cherchent à influencer les décisionnaires israéliens, dans ce dossier de Sheikh Jarrah, doivent comprendre que l’affirmation israélienne susmentionnée faisant état d’expulsions relatives à une « querelle immobilière privée » n’est pas une simple déclaration de propagande. Elle est réellement et sincèrement crue.

Les forces de sécurité israéliennes à cheval dispersent des manifestants palestiniens lors de manifestations contre Israël au point d’éclair du quartier Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est, le 18 mai 2021 (Crédit: EMMANUEL DUNAND / AFP)

Comme cela a déjà été noté, Sheikh Jarrah est l’exception à la règle de la vaste reconnaissance, par les Israéliens, des transferts de titre de propriété effectués par les Jordaniens. Sheikh Jarrah est aussi une exception en l’espace de 55 ans – une période pendant laquelle aucun Palestinien n’a été déplacé en masse d’aucun quartier de Jérusalem-Est.

Sheikh Jarrah est l’exception à la règle de la vaste reconnaissance, par les Israéliens, des transferts de titre de propriété effectués par les Jordaniens. Sheikh Jarrah est aussi une exception en l’espace de 55 ans – une période pendant laquelle aucun Palestinien n’a été déplacé en masse d’aucun quartier de Jérusalem-Est

Le 10 juin 1967, au dernier jour de la guerre des Six jours, l’armée israélienne avait remporté la victoire. L’État juif avait ainsi soudainement repris le contrôle du mont du Temple et du mur Occidental, les sites les plus sacrés du judaïsme. Un moment cathartique, une restitution – ne serait-ce qu’à cause du traitement qui avait été réservé aux Lieux saints juifs par l’occupation jordanienne, avec la démolition de quartier juifs et l’interdiction faite aux Juifs de pouvoir accéder à leurs Lieux saints.

Pour rouvrir le site aux visiteurs juifs, les responsables sur le terrain avaient pris la décision de raser un petit quartier exigu d’environ 130 maisons qui bordait le mur Occidental – qui s’appelait le quartier Mughrabi. Cette destruction avait entraîné un déplacement massif des habitants, sans procédure appropriée et même sans approbation officielle, ce qui avait entraîné la consternation même parmi les hauts-responsables. Cela avait été le dernier déplacement de masse des Palestiniens de Jérusalem par Israël. La population palestinienne dans la ville sainte a été multipliée par cinq au cours des 54 années qui ont suivi, passant de moins de 70 000 à plus de 350 000.

Et pour les Israéliens, en conséquence, Sheikh Jarrah est une exception – dans tous les sens du terme. Le quartier n’est pas considéré comme représentatif de l’expérience palestinienne à Jérusalem-Est depuis 1967 et les tentatives visant à le dépeindre ainsi sont, aux yeux des officiels israéliens, un simple lamentable chapitre de plus écrit dans le cadre des éternelles guerres de propagande.

La police anti-émeutes après l’incendie d’un véhicule appartenant à une famille juive dans le quartier Sheikh Jarrah de Jérusalem-Est, le 6 mai 2021. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Puis il y a le récit et il y a l’expérience des Palestiniens.

Inutile de dire que tout ce qui a été écrit jusqu’à présent dans cet article ne sera d’aucun réconfort pour les familles palestiniennes du quartier qui ont passé la plus grande partie de ces cinq dernières décennies à se battre devant les tribunaux israéliens pour être reconnues et pour ne pas être expulsées. Les membres de ces familles ne sont pas des citoyens et des citoyennes israéliens. Ils ne se sentent pas protégés par les institutions de l’État juif, et ils ne croient pas vraiment que les groupes juifs privés qui, par idéologie, les poursuivent devant les tribunaux pour récupérer leurs habitations ne sont pas par ailleurs soutenus par l’État israélien.

La bataille juridique pour ces propriétés avait commencé presque immédiatement après l’adoption de la loi de 1970, qui avait reconnu à la fois les transferts de titre de propriété effectués par les Jordaniens et le droit des anciens propriétaires de bien immobiliers juifs à revendiquer ces mêmes biens si le gardien jordanien devait avoir été dans l’incapacité de procéder au transfert de propriété nécessaire.

En 1972, deux trusts juifs, auxquels les terrains appartenaient depuis 1876, s’étaient présentés devant le tuteur général israélien pour enregistrer leur propriété. Ils avaient ensuite demandé l’expulsion des résidents palestiniens qui « squattaient » là-bas depuis 16 ans.

La réponse des Palestiniens aux tribunaux israéliens avait été lente à arriver et il avait fallu environ deux ans avant qu’ils ne soumettent une revendication cohérente de propriété sur les terrains concernées.

Les audiences judiciaires qui avaient suivi avaient traité des complexités techniques du droit à la propriété, de la nature juridique du statut du tuteur, du poids que les actions menées par l’État jordanien devait avoir dans la jurisprudence israélienne, etc… Les arguments avancés par les Palestiniens avaient aussi été variés – ils avaient notamment affirmé que la Jordanie avait, dans les faits, transféré les titres ; que l’acquisition des terrains par les trusts juifs, en 1876, avait été irrégulière et que, par conséquent, elle ne leur accordait pas la propriété initiale des lieux.

Mais l’essentiel était resté relativement simple : Les Palestiniens n’avaient pas été en mesure d’apporter la preuve qu’ils étaient propriétaires de leurs habitations et même le juge le plus compatissant à leur cause n’aurait pas pu trouver de justification juridique au rejet de la demande soumise par les trusts.

An ultra-Orthodox boy was stabbed near the Tomb Shimon Hatzadik (above), located in Sheikh Jarrah, East Jerusalem, Thursday. The suspects were brought in for questioning Monday. (photo credit: Matanya Tausig/Flash90)
Le tombeau de Shimon Hatzadik, Simon le Juste, situé à Sheikh Jarrah, à Jérusalem, le 24 avril 2012. (Crédit: Matanya Tausig/Flash90)

En 1982, l’avocat des familles palestiniennes avait accepté un accord reconnaissant la propriété des trusts mais accordant aux résidents le statut de « locataires protégés » – un statut qui rend très difficile une expulsion tant que le locataire verse un loyer négligeable et qu’il entretient le bien.

Les résidents avaient alors rejeté cet arrangement, disant qu’ils avaient été trompés par l’avocat et ils se refusent depuis à verser un loyer.

Il y a eu ensuite un tournant important dans ce dossier, quand la lutte sur les habitations de Sheikh Jarrah a quitté les limites étroites d’une querelle foncière tragique née dans le chaos et les déplacements de la guerre et qu’elle est devenue une partie d’une bataille plus large sur l’identité, la démographie et l’avenir de Jérusalem.

En l’an 2000, une corporation israélienne, appelée Nahalat Shimon Ltd., avait été établie en tant que filiale d’une corporation américaine portant le même nom – Nahalat Shimon – enregistrée dans le Delaware. Trois ans plus tard, en 2003, Nahalat Shimon Ltd. avait acheté les droits des parcelles de Sheikh Jarrah aux trusts juifs largement moribonds à l’époque pour une somme d’environ trois millions de dollars.

Selon le journaliste Uri Blau du site d’investigation israélien Hashomrim, l’argent du paiement était venu de Hollande, le travail juridique avait été confié aux soins d’un cabinet de New York mais l’identité finale des donateurs et des actionnaires de Nahalat Shimon Ltd. — l’identité, donc, des individus qui revendiquent actuellement la propriété des biens immobiliers de Sheikh Jarrah — était restée inconnue.

Des Palestiniens et des activistes de gauche manifestent contre l’expulsion de familles palestiniennes de leurs habitations dans le quartier Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est, le 16 avril 2021. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Et ces individus ont pris grand soin à dissimuler leur identité. Nahalat Shimon Ltd. est le dernier échelon de tout un réseau d’entreprises enregistrées dans différents pays, toutes établies pour cacher les parties à l’origine de ces poursuites judiciaires onéreuses visant à expulser les familles palestiniennes. Le représentant de la firme dans les procédures juridiques entreprises en Israël est, a révélé une enquête, Tzahi Mamo, activiste du mouvement pro-implantation de longue date qui a passé la plus grande partie des trois dernières décennies à fonder des sociétés-écran pour acheter des terres et des biens immobiliers aux Palestiniens dans toute la Cisjordanie ainsi qu’à Jérusalem-Est.

Mais si les propriétaires de Nahalat Shimon Ltd. restent cachés, force est de reconnaître que les intentions de la firme ne le sont pas.

En conséquence, à partir de 2003, ce ne sont plus les anciens propriétaires, ce ne sont plus les individus ou les organisations liés à la communauté juive de Jérusalem pré-État – une communauté qui avait été elle-même chamboulée par la guerre de 1948 – qui revendiquent les biens de Sheikh Jarrah. Et il est difficile d’affirmer dorénavant que ce qui se joue dans le quartier est une querelle purement immobilière.

Mais rien de cela ne peut influencer la pure problématique légale. La vision idéologique nourrie par une partie, dans un conflit de propriété, n’a aucune pertinence dans une question d’appropriation. Et cela ne change pas grand-chose non plus pour les idéologues et porte-paroles palestiniens, qui n’éprouvent que peu de sympathie pour les souffrances passées des Juifs ou pour les nuances éthiques et politique représentées dans le changement.

Mais les Palestiniens ordinaires qui vivent dans cette habitation ressentent pour leur part ce changement de façon viscérale. La demande de leur expulsion, qu’ils considèrent comme injuste, s’est transformée en prédation – une prédation mue par l’idéologie.

Une guerre discrète était en cours. Elle est venue à eux.

Des manifestants affrontent la police israélienne après la démolition d’un magasin par les autorités israéliennes dans le quartier de Silwan, à Jérusalem, le 29 juin 2021. (Crédit : Jamal Awad/Flash90)

Le rapport Klugman

Au mois d’octobre 1991, un groupe d’activistes d’extrême-droite était soudainement venu revendiquer la propriété de plusieurs habitations palestiniennes à Wadi Hilweh, dans le quartier Silwan de Jérusalem. Cette initiative avait fait les gros titres et avait entraîné des réponses furieuses de la part de la gauche israélienne.

Moins d’un an plus tard, au mois d’août 1992, le Premier ministre Yitzhak Rabin, qui venait d’être élu, avait ordonné la formation d’une commission de haut-niveau pour enquêter sur la manière dont ces groupes de droite s’étaient adjugés les droits légaux sur des biens immobiliers qui se trouvaient à l’intérieur des quartiers palestiniens. Cette commission, qui était dirigée par le directeur-général du ministère de la Justice, Haim Klugman, avait reçu pour principale mission de déterminer si les instances de l’État leur avaient apporté leur aide.

Le rapport qui avait été présenté par la commission avait horrifié Rabin et avait entraîné une répression sur de telles activités dans les années qui avaient suivi. Parmi ses conclusions, la commission Klugman avait déterminé que le tuteur général avait collaboré avec les groupes juifs pour déclarer que les habitations de Silwan et d’ailleurs avaient le statut de « bien des absents » sans même les visiter, sans déterminer si elles étaient occupées ou sans même les cartographier, souvent sur la base unique d’une documentation soumise par les mêmes groupes activistes qui cherchaient à s’adjuger ces propriétés.

Dans des dossiers spécifiques qui avaient été présentés devant les tribunaux israéliens, avait précisé le rapport, le tuteur avait admis qu’il avait été déterminé que les habitations n’appartenaient pas à leurs occupants palestiniens sur la base unique de la déclaration sous serment d’un seul individu qui avait été payé pour ce faire par les groupes activistes. Les biens immobiliers avaient été déclarés « bien des absents » et confisqués par le tuteur, sans même transmettre l’information aux occupants palestiniens des lieux ou à leurs propriétaires de longue date, sans leur donner non plus une chance de faire appel. Plusieurs dossiers de ce type, cités dans le rapport, avaient été ultérieurement rejetés par les magistrats dont les jugements avaient été excessivement critiques sur la conduite adoptée par le tuteur.

Le rapport Klugman avait estimé que les agissements du tuteur avaient été « défaillants à l’extrême » et il avait par ailleurs détaillé les efforts apparemment systématiquement livrés par ce dernier, pendant toutes ces années, pour voler aux familles palestiniennes leurs maisons en collaboration avec les groupes activistes de droite pour ensuite les récupérer.

Yitzhak Rabin, chef du parti Travailliste israélien, parle aux journalistes à Tel Aviv, le 26 juin 1992. (Crédit : AP Photo/Nati Harnik)

Le rapport avait été soumis au cabinet de Rabin au mois de septembre 1992 et le procureur-général de l’époque, Yosef Harish, avait demandé que cessent les pratiques dénoncées par Klugman. Mais, de manière déterminante, aucune initiative n’avait été prise par le gouvernement pour rendre les biens immobiliers (même si les tribunaux étaient intervenus dans certains cas contre ces confiscations) et aucune démarche n’avait été entamée pour sanctionner les responsables pour les actes apparemment illégaux commis au cours des années précédentes.

Aucun mécanisme n’avait par ailleurs été mis en place pour garantir que de tels actes ne se reproduiraient plus. En définitive, une enquête sur le sujet réalisée par le contrôleur de l’État, qui avait initialement été ordonnée en 1992 par le cabinet, avait été enterrée en 1998 par le gouvernement Netanyahu et ses conclusions n’ont jamais été rendues publiques.

Pour un résident palestinien de Jérusalem-Est, il y donc un peu plus qu’une simple méfiance face aux intentions du gouvernement israélien. Les instances de l’État israélien ont, dans le passé, travaillé de manière étroite avec des groupes d’activistes de droite pour prendre le contrôle de maisons palestiniennes dans des secteurs qui ont stratégiquement de l’importance autour de toute la Vieille Ville de Jérusalem – violant même parfois ouvertement le droit israélien et contrevenant aux procédures en place. Des faits qui, après tout, avaient été rapportés dans la propre enquête gouvernementale qui avait été menée sur la conduite du tuteur israélien, dans les années 1990.

L’État d’Israël aux abonnés absents

Et, affirment les Palestiniens, l’histoire se répète aujourd’hui.

Sheikh Jarrah est un petit quartier. Seules treize familles risquent aujourd’hui l’expulsion dans une affaire judiciaire spécifique qui a fortement attiré l’attention à l’international récemment, et qui a attisé des affrontements et des violences sur le site.

Mais ces familles ne sont pas seules. Les responsables israéliens insistent : Il n’y a pas eu de déplacement massif des Palestiniens, depuis 1967 ; ils ont raison. Mais les choses ont changé au cours de ces dernières années. Lentement, au coup par coup, sans que les officiels israéliens ne le remarquent forcément – il est possible aussi qu’ils détournent volontairement le regard – des conflits de propriété sont apparus ces dernières années, mettant en cause des centaines de foyers palestiniens dans l’immense secteur de Silwan, une série de quartiers qui entourent la Vieille Ville.

Vue du quartier de Silwan à Jérusalem-Est, le 8 avril 2021. (Yonatan Sindel / Flash90)

Éloignons-nous un peu du cas de Sheikh Jarrah et regardons de plus près les collines et les vallées situées aux alentours de la Vieille Ville. Selon les chiffres de l’ONU, qui se sont basés sur des informations transmises par les Palestiniens, ce sont environ 218 foyers palestiniens – des foyers qui rassemblent, à l’heure actuelle, un total de 970 personnes – qui se trouvent actuellement à un stade ou à un autre dans le cadre d’une procédure d’expulsion. Les groupes activistes de gauche avancent des chiffres encore supérieurs. Mais même si le chiffre réel doit se situer à la moitié du chiffre présenté, l’image d’ensemble qui se dégage est celle d’une campagne concertée et sans précédent de déplacement – des campagnes qui sont toutes administrées et financées par des personnalités privées et qui ne nécessitent par ailleurs que le soutien occasionnel, discret et bienvenu d’un petit nombre de bureaucrates israéliens à des moments essentiels.

l’image d’ensemble qui se dégage est celle d’une campagne concertée et sans précédent de déplacement – des campagnes qui sont toutes administrées et financées par des privées et qui ne nécessitent que le soutien occasionnel et discret d’un petit nombre de bureaucrates israéliens à des moments essentiels

Le lien entre Israël et les entreprises privées qui sont à l’origine des poursuites judiciaires intentées est suffisamment ténu pour que la bureaucratie étatique – et notamment les dirigeants politiques – puisse affirmer honnêtement ne tenir aucun rôle dans ces expulsions et faire confiance aux tribunaux pour résoudre les litiges.

Mais l’État, même avec son ignorance gagnée de haute lutte et avec la distance qu’il veille à conserver face à ces dossiers judiciaires, reste un acteur central. Il dispose d’options politiques dont il a ostensiblement refusé de se servir pour défendre les Palestiniens de Jérusalem-Est.

Alors que de nombreux Israéliens sont sincèrement déconcertés face aux accusations de discrimination à l’encontre des Palestiniens s’agissant des lois sur la propriété, c’est dans ces nouvelles campagnes privées d’expulsions de plus en plus nombreuses – et non dans la loi de 1970 – que cette même discrimination devient difficile à éviter.

Depuis les affaires qui avaient été décrites dans le rapport Klugman jusqu’aux nouvelles procédures d’expulsion intentées à Silwan et à Sheikh Jarrah, les résidents palestiniens ont appris qu’ils pouvaient découvrir, du jour au lendemain, que l’habitation qu’ils occupaient depuis six décennies ne leur appartenait plus.

Photo d’illustration : des Agents de la police des frontières à un poste d’observation aux abords du quartier de Silwan, à Jérusalem-Est, le 30 octobre 2014. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Il y a un principe juridique israélien emprunté au droit britannique qui remonte au Moyen-Age, qui est connu sous le nom de takanat hashuk en hébreu. Ce principe concerne l’acquisition involontaire de biens volés. Ainsi, si un acheteur achète quelque chose à un vendeur en ignorant que ce quelque chose a été volé à un tiers et qu’il le fait ouvertement, en pleine journée, dans un cadre de marché désigné comme tel – c’est-à-dire dans des conditions dans lesquelles il serait déraisonnable de penser que l’objet acheté a été dérobé, où la victime du vol aurait pu retrouver son bien si elle avait été en quête de ce dernier – alors le nouvel acquéreur dont l’argent a d’ores et déjà été remis au voleur est propriétaire en bonne et due forme de l’objet ou du bien incriminé.

A l’intérieur de la Ligne verte, le tuteur israélien et les tribunaux ont fait valoir ce principe de manière répétée dans le cas des « biens des absents ». Ce qui signifie que si une habitation appartenant à un Palestinien, sur le territoire israélien, a été considérée comme abandonnée après 1948, qu’elle a été placée sous l’autorité du tuteur et qu’elle a été ensuite offerte à une nouvelle famille de réfugiés juifs, et que le propriétaire palestinien réclame la restitution du bien en prouvant qu’il n’a jamais été « absent » – ce Palestinien découvrira alors que le transfert effectué par le tuteur est définitif, même si le processus de transfert s’est basé sur des informations incorrectes. Le Palestinien est en droit de réclamer une compensation, mais pas la restitution du bien perdu.

A Jérusalem-Est, les choses ne se déroulent pas ainsi. Les résidents palestiniens ne jouissent pas de la sécurité apportée par l’allégation de takanat hashuk et de la tendance des autorités israéliennes à favoriser la stabilité à la remise en cause des injustices commises dans le passé. A Jérusalem-Est, les nouvelles informations, même si elles proviennent des parties intéressées et qu’elles sont dénuées des vérifications nécessaires dans ce genre de cas, peuvent servir de prétexte à de nouvelles revendications de propriété après six décennies – et même pas de la part des propriétaires d’origine mais de la part de groupes d’activistes désignés par le tuteur en tant qu’administrateur des biens à saisir.

Que signifie le fait que des acteurs inconnus qui ont pris tant de peine à se dissimuler derrière des compagnies puissent commencer à acheter des droits concernant des biens immobiliers dans l’un des parcs immobiliers les plus délicats et les plus contestés au monde ?

Ces habitations sont revendiquées par des inconnus : ce fait devrait inquiéter les décisionnaires politiques israéliens plus encore que les résidents palestiniens. Que signifie le fait que des acteurs inconnus qui ont pris tant de peine à se dissimuler derrière des compagnies puissent commencer à acheter des droits concernant des biens immobiliers dans l’un des parcs immobiliers les plus délicats et les plus contestés au
monde ?

Expulsion de la famille palestinienne Shamasneh à Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, le 5 septembre 2017. (Crédit : Ahmad Gharabli/AFP)

Ce n’est pas une question juridique mais une question politique. Que se passerait-il, par exemple, si les princes saoudiens s’appropriaient les méthodes utilisées par Nahalat Shimon Ltd., qu’ils formaient des sociétés-écran et qu’ils commençaient à acheter des biens à Jérusalem et dans tout Israël qu’ils offraient ensuite à des Palestiniens ? Le gouvernement israélien continuerait-il à rester à ne rien faire et à faire confiance à la sagesse des tribunaux alors que de telles initiatives secrètes, privées, viseraient à changer la démographie des secteurs contestés ?

Plus précisément, au vu des tensions et des violences qui entourent les expulsions à Sheikh Jarrah, l’État israélien pourrait s’interroger sur le pouvoir qu’il souhaite réellement accorder à des acteurs étrangers incontrôlables, qui ont la capacité d’enflammer la situation à Jérusalem à leur guise.

Comme le dit crûment un ancien haut-responsable israélien, « l’État d’Israël ne devrait pas permettre que l’avenir de Jérusalem-Est soit déterminé selon l’agenda d’acteurs idéologiques individuels. Je ne crois pas que Jérusalem-Est doive devenir un Far-West pour qui que ce soit ».

Ce point de vue – celui qu’il y a trop d’enjeux à Jérusalem pour que l’État tolère des initiatives privées comme celles qui sont lancées par Nahalat Shimon Ltd. – était dominant dans la droite israélienne, dans le passé. Quand un groupe d’activistes s’était saisi d’habitations à Ras al-Amud, au mois de septembre 2017, le Premier ministre de l’époque, Benjamin Netanyahu, s’était inquiété de l’opposition palestinienne et internationale, il avait empêché cette confiscation et insisté sur le fait qu’il ne laisserait pas des acteurs privés déterminer la destinée de Jérusalem ou saper la relation entre l’État juif et les États-Unis ou les liens entretenus par l’État juif avec la communauté internationale.

« L’entrée de familles juives à Ras al-Amud n’est pas une bonne chose pour Jérusalem et ce n’est pas une bonne chose non plus pour l’État d’Israël », avait dit Netanyahu à ce moment-là au micro de la radio militaire. « Si les familles sont légalement entrées dans des biens appartenant à des Juifs, seul le gouvernement aura le dernier mot sur les implantations dans les secteurs sensibles ».

Le président américain de l’époque, Bill Clinton et le Premier ministre Benjamin Netanyahu lors d’une conférence de presse conjointe à la Maison Blanche, à Washington, le 13 février 1997. (Crédit : AP Photo/Ron Edmonds)

Ou comme l’avait dit David Levy, ministre des Affaires étrangères de l’époque dont les propos avaient été repris par la radio israélienne : « L’entrée de familles juives dans des habitations de Ras Al-Amud n’est pas nécessaire et elle est nuisible. Les agissements de ces individus sont inacceptables, en particulier parce que nous œuvrons de toutes nos forces à franchir les obstacles dans le processus de paix. Tous les Juifs ont le droit de vivre à Jérusalem, où Israël est souverain, mais le gouvernement israélien est responsable du maintien de la sécurité publique pour les Juifs et pour les Arabes et il ne doit pas promouvoir les agitations et les tensions ».

Pour les Palestiniens qui habitent Sheikh Jarrah, la vague croissante des avis d’expulsion à Jérusalem-Est sont la preuve de ce que leur déplacement, commencé en 1948, ne s’est jamais vraiment terminé. Mais même pour un grand nombre d’officiels israéliens qui se sont exprimés sous couvert d’anonymat, ces nouveaux troubles ne sont pas une question de « Gauche » contre « Droite », ou de « Palestiniens » contre « Israéliens ». En revanche, ils ont tout à voir avec la stabilité et avec la gouvernance de base.

Sheikh Jarrah est, en plus de sa signification plus profonde pour chacune des deux parties, également un conflit immobilier né dans le chaos social et juridique de 1948. Mais, au cours des deux dernières décennies, le quartier s’est trouvé au cœur d’une campagne privée menée par des acteurs idéologiques, une campagne totalement différente visant à précariser la propriété immobilière des Palestiniens à Jérusalem. Cette campagne a des conséquences pour les Palestiniens, pour les Israéliens et pour les options politiques israéliennes à Jérusalem bien sûr, mais aussi sur la scène internationale. Et l’indifférence obstinée du gouvernement israélien face à ce phénomène a donné à des idéologues privés et souvent non-identifiés le pouvoir nécessaire pour déterminer le calendrier et l’ampleur de toutes les conséquences possibles de leur campagne.

« Nous revendiquons la souveraineté à Jérusalem-Est », déplore un responsable. « Peut-être que nous devrions commencer à agir comme si nous étions souverains ».

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