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Un bénévole nettoie l'ancien cimetière juif de Waehring, à Vienne, le 18 octobre 2020. (Crédit : ALEX HALADA / AFP)
Un bénévole nettoie l'ancien cimetière juif de Waehring, à Vienne, le 18 octobre 2020. (Crédit : ALEX HALADA / AFP)

Au chevet d’un cimetière juif de Vienne, « joyau » abandonné et cible des nazis

Des citoyens autrichiens cherchent à sauver de l’oubli le cimetière de Währing, qui a souffert de décennies de négligence et de grave vandalisme – notamment par les nazis

Jennifer Kickert se souvient encore du jour où, il y a 10 ans, elle découvrait le cimetière juif de Währing, au cœur de Vienne. Ce fut comme une révélation et depuis, elle se démène pour le sauver de l’oubli.

Dévoré par les herbes, « revenu à l’état sauvage, c’était pourtant un lieu très paisible », raconte cette conseillère municipale écologiste, qui a co-fondé en 2017 une association dédiée à cette cause. « Cela peut paraître bizarre mais je suis tombée amoureuse de cet endroit. »

À arpenter ses allées jonchées de feuilles rousses par une splendide journée d’automne, on saisit son enchantement.

À découvrir son histoire, ses 8 000 pierres tombales témoignant de la prospérité industrielle de l’empire austro-hongrois au 19e siècle, on se dit qu’il n’a rien à envier au très touristique cimetière juif de Prague.

Ces dernières semaines, il a fait l’objet d’une attention particulière de la part de l’Etat autrichien, à qui incombe la restauration du lieu en vertu d’un accord sur le dédommagement des victimes du nazisme conclu à Washington en 2001.

Le président Alexander Van der Bellen s’est rendu en octobre sur place, suivi du vice-chancelier Werner Kogler, qui a promis une contribution financière de 200 000 euros.

Il faudrait en réalité des millions d’euros pour remettre en l’état le cimetière, tant il est dégradé après avoir été laissé à l’abandon pendant des décennies.

Un groupe participe à une visite de l’ancien cimetière juif de Waehring, à Vienne, le 18 octobre 2020. (Crédit : ALEX HALADA / AFP)

Sous les herbes folles

En activité de 1784 jusqu’à la fin du 19e siècle, ce « joyau culturel et historique » selon les mots de l’ancien président de la Communauté israélite de Vienne (IKG), Ariel Muzicant, car il abrite des grands noms de la Belle époque, pourra-t-il un jour durablement rouvrir ses portes au public ?

C’est en tout cas le vœu de Mme Kickert et d’une dizaine de citoyens, mobilisés un dimanche par mois pour débroussailler le terrain et délicatement nettoyer les pierres tombales.

Pendant qu’ils s’affairent, emplissant leurs brouettes de branches mortes, la guide Brigitte Kenscha-Mautner fait visiter les lieux à des curieux.

« Au fur et à mesure que vous enlevez les herbes folles, les pierres livrent leurs histoires », raconte-t-elle.

Et les patronymes d’apparaître : Epstein, Ephrussi… du nom de ces familles de banquiers qui ont un palais sur la Ringstrasse, le plus beau boulevard de Vienne.

Y repose aussi Fanny von Arnstein, connue pour ses salons intellectuels où se pressaient diplomates, artistes et politiciens en vue.

« Les gens enterrés ici ont contribué à façonner la ville telle qu’on la connaît aujourd’hui, c’est ce qu’il y a de passionnant dans ce lieu », souligne Mme Kickert.

Des pierres tombales de l’ancien cimetière juif de Waehring, à Vienne, le 18 octobre 2020. (Crédit : ALEX HALADA / AFP)

Vandalisme nazi

On s’extasie aussi devant l’architecture des tombes : de somptueux sépulcres agrémentés de touches néo-gothiques côtoient d’autres de style plus oriental, attestant de la présence de séfarades.

À l’époque nazie, plus de 400 sépultures furent profanées et les cadavres sortis de terre pour les besoins d’une pseudo-étude scientifique sur les Juifs au Muséum d’histoire naturelle.

Un carré de 2 000 tombes a en outre été détruit pour construire un abri anti-aérien qui n’a jamais été achevé. Après la guerre, la ville a bâti un bloc d’appartements sur ce terrain.

Et puis, doucement, une prise de conscience a mené son chemin. En 2009, le gouvernement a débloqué la somme de 20 millions d’euros pour restaurer l’ensemble des cimetières juifs du pays, dont un peu plus d’un million a déjà été versé pour réaliser les travaux préliminaires de rénovation de Währing.

Si des galets peuvent être aperçus par endroits pour honorer les morts, selon la coutume juive, la plupart des tombes n’ont plus de descendants susceptibles de veiller à leur entretien, qu’ils aient péri dans la Shoah ou qu’ils aient fui au bout du monde.

« C’est donc à nous de nous occuper de ces tombes », indissociables de « l’Histoire du pays », confie Jürgen Kreuzroither, un bénévole de 52 ans. « Je sens que c’est mon devoir. »

Des pierres tombales de l’ancien cimetière juif de Waehring, à Vienne, le 18 octobre 2020. (Crédit : ALEX HALADA / AFP)
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